Des avocats-fiscalistes critiquent le PQ

Nathan Boidman Et Marie-Emmanuelle Vaillancourt
2012-09-26 13:00:00

Bien que la faible minorité du gouvernement péquiste puisse être de nature à calmer les appréhensions des investisseurs et entrepreneurs du Québec, il n'en demeure pas moins que le PQ a non seulement confirmé qu'il n'entendait pas reculer sur les hausses d'impôt mais que celles-ci seraient rétroactives au 1er janvier 2012. La question des gains en capital et dividendes est d'autant plus inquiétante que la Coalition avenir Québec avait également proposé d'en accroître l'imposition.
Les propositions du PQ exacerberaient l'alourdissement du fardeau fiscal des sociétés faisant affaires au Québec qui a été amorcé par le gouvernement libéral il y a deux ans. Leur taux d'imposition a alors été haussé de 10% à 12%, à parité avec l'Ontario. Cette augmentation avait éradiqué un avantage comparatif important que le Québec s'était donné depuis une douzaine d'années, pour encourager les investisseurs et la création d'emplois. Le maintien d'un taux de 10%, combiné au taux fédéral corporatif (qui a été progressivement réduit à 15% au cours des dernières années), aurait permis aux sociétés québécoises de bénéficier d'un taux corporatif de 25%, le plus bas en Amérique du Nord avec l'Alberta, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan.
L'augmentation du taux d'imposition des particuliers suggérée par le PQ supprimerait par ailleurs la parité depuis longtemps recherchée avec l'Ontario. Cette dernière a récemment augmenté le taux d'imposition maximal des particuliers pour le porter tout juste sous la barre du 48% et projette de l'amener à 50% en 2013, égalant ou excédant ainsi le taux maximum du Québec (48%).
La proposition du PQ d'augmenter d'un coup le taux d'imposition maximum à 55% ferait des Québécois les individus les plus imposés au Canada, franchissant du coup le seuil non écrit canadien de 50%.

Qui plus est, le Québec se retrouverait loin derrière l'Ontario, où le taux d'imposition personnel et corporatif combiné s'élève en 2012 à 48% (50% pour la tranche de revenus supérieure à 240 000 $). Comment alors reprocher aux entrepreneurs de s'établir en Ontario plutôt qu'au Québec? L'Ontario acquerrait de cette façon un énorme avantage compétitif, se réjouissant à coup sûr du fardeau fiscal démesuré imposé aux entrepreneurs québécois.
Il se trouvera des investisseurs pour considérer confiscatoire une pareille augmentation. Conjuguée au projet du PQ d'augmenter l'imposition des gains en capital, ce serait une attaque de front contre le milieu des affaires et le développement économique québécois, surtout si l'augmentation est rétroactive.
La minorité parlementaire du PQ et, par le fait même, les obstacles qu'elle rencontrera dans l'adoption de son programme électoral ne peuvent calmer le jeu que jusqu'à un certain point, puisqu'on peut appréhender une alliance PQ-CAQ, à tout le moins sur la question du taux d'imposition des dividendes et des gains en capital.
Il est à espérer que le vécu entrepreneurial de Monsieur Legault lui fera prendre conscience du danger de soutenir le PQ sur cette question. Il ne peut ignorer qu'un tel rapprochement avec le programme radical du parti ministériel entraverait gravement la compétitivité économique du Québec, sans compter les risques d'assister à l'exode d'entrepreneurs vers des provinces ou pays concurrents.
Sur les auteurs :
Nathan Boidman et Marie-Emmanuelle Vaillancourt sont des avocats spécialisés en fiscalité, associés à Montréal chez Davies Ward Phillips & Vineberg.