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Il faut respecter le Code civil!

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Alain Roy Et Michel Morin

2016-04-18 11:15:00

Dans le débat entourant l’union spirituelle, l’analyse historique des textes juridiques sur le mariage permet de réfuter le raisonnement de la juge Alary, selon ces deux professeurs...
Me Alain Roy est professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal
Me Alain Roy est professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal
Le ministre du culte qui célèbre un mariage peut-il, à la demande des conjoints, voire de l’un d’eux, s’abstenir d’en déclarer l’existence au directeur de l’état civil afin de le priver des effets juridiques dont il serait autrement assorti, comme le patrimoine familial et l’obligation alimentaire ? Le 2 février, la juge Christiane Alary de la Cour supérieure a répondu oui à cette question, comme l’y invitait la procureure générale du Québec dans sa plaidoirie.

Selon la juge, le nouveau Code civil entré en vigueur en 1994 permet de dissocier les dimensions religieuse et civile du mariage. Bien que la décision du tribunal ait été portée en appel, certains ministres du culte pourraient être tentés de s’y référer pour justifier la célébration de mariages uniquement religieux.

À notre avis, il y a lieu de couper court sans délai à leurs velléités, l’analyse historique des textes juridiques sur le mariage permettant de réfuter le raisonnement de la juge Alary.

Sous l’ancien Code civil, les ministres du culte tenaient leur habilitation à célébrer le mariage de la responsabilité que leur confiait l’État de dresser les actes d’état civil de mariage et d’en assurer la conservation au sein d’un registre officiel tenu en double exemplaire. L’un des deux exemplaires devait être transmis au début de chaque année au greffe de la Cour supérieure. Le manquement à cette obligation pouvait donner lieu à l’imposition d’une amende.

Le Code envisageait également le cas du mariage célébré par un ministre du culte ne détenant pas le pouvoir de tenir registre. Malgré l’absence d’habilitation légale, celui-ci se voyait imposer l’obligation de dresser un acte de mariage et de le transmettre au greffe de la Cour supérieure. En somme, tous les mariages célébrés par un ministre du culte, habilité ou non, devaient être déclarés à l’État.

Nouvelles dispositions

Michel Morin est professeur titulaire à la Faculté de droit.
Michel Morin est professeur titulaire à la Faculté de droit.
Le nouveau Code civil a dépossédé les ministres du culte de leur responsabilité de dresser l’acte de mariage et de tenir les registres d’état civil. Leur habilitation légale tient désormais au numéro d’autorisation spécifique que le ministre de la Justice est appelé à leur délivrer. Afin de permettre l’inscription du mariage dans le nouveau registre d’état civil tenu par le directeur de l’état civil, le Code énonce que « (l)e célébrant établit la déclaration de mariage et la transmet sans délai au directeur de l’état civil ».

Certains insisteront peut-être sur le fait que le Code ne précise pas que le célébrant « doit » agir ainsi. Les commentaires du ministre de la Justice fournissent un élément de réponse à cet argument de texte. On peut y lire que « (le Code civil) oblige le célébrant à établir la déclaration de mariage et à la transmettre (…) au directeur de l’état civil ». L’absence du verbe « devoir » ne saurait donc appuyer la thèse suivant laquelle le célébrant se verrait reconnaître la faculté, mais non l’obligation de déclarer le mariage. D’ailleurs, le Code énonce que le célébrant « s’assure de l’identité des futurs époux », leur « fait lecture (…) des dispositions des articles 392 à 396 », « reçoit d’eux personnellement la déclaration qu’ils veulent se prendre pour époux » et « les déclare alors unis par le mariage ». De toute évidence, ces formalités sont obligatoires, même en l’absence du verbe « devoir ».

Bien que le Code civil ne prévoie plus d’amende, la responsabilité du célébrant qui ne s’acquitterait pas de son obligation de déclarer le mariage se déduit aisément des principes généraux du droit. En outre, le Code criminel interdit formellement la célébration d’un mariage par un ministre du culte qui ne détient pas d’autorisation du ministre de la Justice.

Il sanctionne également le ministre du culte qui aurait accepté de célébrer un mariage tout en le sachant non conforme au droit fédéral ou aux lois provinciales. La volonté législative de maintenir le lien indissoluble entre le mariage religieux et civil célébré par un ministre du culte, qui ne souffrait aucun doute avant le 1er janvier 1994, demeure aujourd’hui intacte.

Si une célébration religieuse peut se superposer à une célébration laïque antérieure, parce que les exigences du Code auront déjà été remplies et ne pourront être répétées, l’inverse n’est donc pas vrai. Un mariage célébré pour la première fois (ou un deuxième si le premier a été annulé ou dissous) doit absolument satisfaire aux exigences du Code.

En témoignent clairement l’historique des textes, les commentaires du ministre et la volonté des législateurs canadien et québécois de prévenir la célébration de mariages religieux qui, en raison du manquement dont se serait rendu responsable le ministre du culte, seraient dépourvus d’effets civils et juridiques, sans que les conjoints ou l’un d’eux en soient pleinement conscients. Les nombreuses inquiétudes exprimées à la suite du jugement Alary montrent que ces préoccupations n’ont rien perdu de leur importance de nos jours.

L'argumentaire complet des auteurs est disponible ici.

Docteur en droit, Me Alain Roy est professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Il est également chercheur associé à la Chaire du notariat (UdeM). Il a présidé, de 2013 à 2015, le Comité consultatif sur le droit de la famille (CCDF)

Michel Morin est professeur titulaire à la Faculté de droit. Il détient un baccalauréat en droit de l'Université de Montréal ainsi qu'une maîtrise en économique de l'Université du Québec à Montréal. De 1986 à 2003, il a enseigné à la Section de droit civil de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Ses activités d'enseignement et de recherche portent sur l'histoire comparative du droit public ou du droit privé, l'évolution des droits des peuples autochtones et le droit comparé.
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