La demande de report d’un interrogatoire vue comme un «manquement important», selon la Cour
Jo-Anne Demers Et Carmen Boillat-Madfouny
2022-11-04 11:15:00
Jusqu’à récemment, les juges étaient réticents à condamner une partie au paiement d’honoraires extrajudiciaires pour sanctionner l’inconduite procédurale de cette dernière, en cas de circonstances ne démontrant pas un « abus » au sens de l’article 51 du Code de procédure civile (le « CPC »).
En 2016, le législateur a introduit la notion moins exigeante de « manquement important constaté dans le déroulement de l’instance » à l’article 342 du CPC, en vue d’aider les juges à sanctionner l’inconduite procédurale d’une partie dans un plus grand éventail de cas :
Dans l’affaire 9130-1713 Québec inc. c. Ville de Montréal, 2022 QCCS 2943 (CanLII), le jugement rendu par le juge Lussier en août 2022 est un bel exemple de l’application de ce pouvoir et de son utilité.
Dans cette affaire, le juge Lussier a conclu que la demande de report de l’interrogatoire du représentant de la partie demanderesse invoquant « que son rapport d’expert n’était pas complété et qu’il valait mieux attendre celui-ci avant de procéder à l’interrogatoire » est un manquement important au déroulement de l’instance.
Le juge Lussier a énoncé que la partie demanderesse n’avait pas d’excuse valable pour exiger le report de l’interrogatoire dont la date avait été établie par les parties au protocole de l’instance.
Bien que l’utilisation par le législateur de l’expression « après avoir entendu les parties » ait mené certains juges à se questionner sur la possibilité de recourir à ce pouvoir avant l’instruction, il est maintenant clair que l’article 342 du CPC peut être invoqué à toute étape d’une instance.
Ainsi, de façon discrétionnaire, le juge Lussier a condamné la partie demanderesse à assumer les frais d’annulation de l’interrogatoire et à payer à chaque partie défenderesse la somme de 2 000 $ pour rembourser les honoraires de préparation de leurs avocats.
En conclusion, il importe de rappeler l’existence de ce pouvoir des tribunaux, puisqu’il demeure sous-utilisé pendant la période précédant les procès.
Ce pouvoir peut servir à faire pression sur une partie ne respectant pas les délais du protocole d’une instance et permettrait aux parties touchées de récupérer en cours d’instance une somme compensant partiellement les honoraires de leurs avocats.
Jo-Anne Demers est associée au sein du cabinet Clyde & Co. Cette avocate est une plaideuse expérimentée dont la pratique est axée sur tous les aspects de la résolution de différends et la gestion de risques.
Carmen Boillat-Madfouny est avocate senior chez Clyde & Co. Elle exerce principalement en responsabilité professionnelle dans le domaine de la construction, ainsi qu’en litige civil et commercial. Elle détient un baccalauréat en droit de l’Université de Montréal et elle est inscrite au Barreau depuis 2014.