Le projet de loi 42, un timide début

Lu Chan Khuong
2015-04-24 11:15:00

C’est un timide début.
Je crois que la CLP a davantage de similarités avec le TAQ (Tribunal administratif du Québec) qu’avec son homologue la CRT. En effet, tant le TAQ que la CLP entendent les causes qui exigent une expertise médicale inégalée au coeur d’un litige entre un organisme gouvernemental (CSST, SAAQ, IVAC, RRQ et MSSS) et un citoyen, bénéficiaire de l’aide sociale, victime de la route, du travail ou d’un acte criminel. Mais demeurons positifs en retenant l’ouverture d’esprit que démontre ledit projet de loi.
À l’image de la Cour du Québec, qui possède plusieurs divisions, la création d’un tribunal administratif unifié pourrait disposer de multiples contestations de citoyens québécois. Si nombre d’avocats sont suffisamment compétents pour plaider devant ces différents tribunaux administratifs actuellement éparpillés, les juges administratifs qui y siègent sont certainement qualifiés pour entendre les causes variées au sein d’un seul et même tribunal.
Dans le contexte de la nécessaire fusion, le gouvernement doit rechercher les meilleures pratiques au sein de chacun d’eux et les généraliser à toutes les juridictions. Notamment, il doit étendre les succès de la conciliation de l’actuelle CRT, étendre les vertus de la célérité qui existe à la CLP, et il doit surtout reconnaître à tous les juges administratifs l’inamovibilité rattachée à la nomination selon bonne conduite reconnue aux juges du TAQ depuis 2006.
J’ai représenté, depuis 15 ans, plus de 1500 citoyens devant les tribunaux administratifs québécois, plus particulièrement la CLP et le TAQ. J’enseigne depuis 2013 le droit constitutionnel et le droit administratif à l’École du Barreau. Je siège depuis de nombreuses années sur les quatre comités de droit administratif du barreau (justice administrative, liaison avec le TAQ, liaison avec la CLP, IVAC). Le droit administratif est mon domaine de pratique. Les tribunaux administratifs sont mes rendez-vous hebdomadaires.
Les tribunaux administratifs québécois ont proliféré au cours des cinquante dernières années. Il m’apparaît inacceptable que nombre d’entre eux ne bénéficient d’aucune procédure publique et objective de sélection des juges, d’aucune procédure indépendante de renouvellement de mandat et que plusieurs d’entre eux soient encore aujourd’hui nommés pour des mandats à terme, généralement pour cinq ans.
Je crois à la nécessité de doter tous les juges administratifs d’un statut qui leur garantit une indépendance tant sur le plan décisionnel que sur le plan financier. Qu’ils soient appelés à trancher des litiges entre citoyens ou entre les corps publics et des citoyens, ces juges ont besoin de solides garanties d’indépendance qui les mettent, en tout temps et en toutes circonstances, à l’abri de toute forme d’arbitraire gouvernemental.
La justice administrative est une justice de proximité, celle qui touche les droits fondamentaux et alimentaires de milliers de simples citoyens. La mission principale du barreau est la protection du public. Le barreau doit insister auprès de la ministre de la Justice afin qu’elle inscrive cette réforme à sa liste de priorités. La justice doit être ramenée au coeur des enjeux de notre société. Nous commencerons par celle qui touche plus directement les citoyens : la justice administrative.