Les deux grands absents du Code de procédure civile

Claude Laferrière
2014-08-14 11:15:00

Au Québec, cela semble n'intéresser personne dans la communauté juridique. Pourtant, c'est ce qui nous différencie le plus de nos voisins du sud! Pas un mot ! Et pourtant…
Chez nos voisins américains, la possibilité d'un procès civil devant un juge et un jury trouve son fondement dans le 7e Amendement de la constitution. Un procès civil devant un jury constitue un effet de levier essentiel pour tout justiciable qui affronte une partie économiquement plus forte.
Pensons en particulier aux banques et aux institutions financières, mais aussi et surtout, aux compagnies d'assurance qui prétendent nous couvrir et qui continuent d'engranger des milliards de nos primes. La performance de l'acteur John Travolta dans Civil Action en dit long sur cet effet de levier qui mettait en cause un enfant handicapé et sa famille contre une compagnie d'assurance qui a finalement tout accordé.
L'institution du procès civil devant jury bien qu'ayant déjà existée au Canada, constitue un gain important de We the People dans le contexte de la révolution américaine. C'est une forme de résistance et d'affirmation contre le capitalisme oligarchique de la finance et la consécration du droit à l'égalité juridique des citoyens.
Cela n'intéresse pas la communauté juridique du Québec, semble-t-il, qui préfère s'en remettre aux tables actuarielles de ces mêmes compagnies d'assurance quand vient le temps de fixer des barèmes d'indemnisation, et les indemnités pour divers dommages.
Quant à l'autre grand absent sur lequel je reviendrai, c'est le prétendu caractère public de la justice au Québec, oui, mais qui est peu ou mal diffusée.
Je m'explique. Pour le public spectateur, avoir accès à la justice signifie se rendre au palais de justice, payer un stationnement, chercher le rôle des causes, distinguer la pratique des procès, trouver la salle, se cogner le nez à une ou des remises inattendues, etc.
Et pour le déroulement de l'audience, si on ne peut y assister, cela signifie faire confiance aux comptes rendus ou communiqués de la presse, écrite ou électronique, et contempler les petits dessins des artistes décrivant les acteurs du procès.
Tout le monde fait son possible, mais il manque l'essentiel: visualiser l'audience au lieu de l'imaginer. L'essentiel n'y est pas !
N'est-il pas temps que la justice soit véritablement publique et diffusée par le moyen de canaux spécialisés comme le font nos voisins du sud ?
De façon injuste et gratuite, on traite souvent les cours américaines de cirque. Comme je l'ai déjà écrit, traiter les tribunaux américains de cirque, manifeste un manque flagrant de respect pour le public payeur de taxes, d'abord et avant tout, et pour les justiciables, et les juges, et l'ensemble des intervenants, journalistes, avocats, policiers, experts, et j'en passe. Après tout, ce sont les cours de nos amis et alliés, les États-Unis, et nos défenseurs ultimement.
Nous soumettons que la quête de la vérité est à ce prix: la justice doit être publique et diffusée, au Québec et dans le ROC!!
Le public ne devrait pas avoir à prendre une journée de congé et à payer du stationnement pour assister à un important procès qui pourrait avoir des conséquences sur sa sécurité, ses taxes et ses impôts, l'air que l'on respire, son syndicat, etc.
Une forme de Court TV en français au Québec est essentielle. Cela aurait dû minimalement intéresser nos réformateurs du Code de procédure civile. Mais je soupçonne que la question ou l'intérêt n'a même pas été soulevé.
Il est chargé de cours à l’Université de Montréal en Droit de la sécurité nationale et en droit des affaires avancé pour les étudiants de maîtrise.
Pendant quatre ans, il a été le conseiller juridique probono de l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues et a participé à de nombreuses interventions publiques dans les médias écrits et électroniques afin de faire la promotion de réformes.
Me Laferrière détient un baccalauréat et une maîtrise en philosophie, de même qu’un baccalauréat et une maîtrise en droit de l’Université de Montréal. En 2005, il a complété une scolarité de doctorat en philosophie à l’Université Laval puis a obtenu une maîtrise en droit international spécialisée en droit de la sécurité nationale du Georgetown University Law Center de Washington D.C.
En 2009, il a publié chez Wilson & Lafleur Ltée. un ouvrage intitulé Five Essays on U.S. National Security Law qui résume l’ensemble de ses recherches à la Georgetown University.
Anonyme
il y a 10 ansProcès civil devant jury est un concept Dinosaur et qui serait une régression majeure pour le Qc. c'est un processus archaïque qui ralentit la justice, augmente les coûts (et l'accessibilité à la justice) et est totalement mésadapté pour le droit civil qui un droit codifié et non pas la common law. Les juges sont justement plus compétents que des contribuables pour juger du droit. Si cet avocat pratiquait en droit des affaires américain il comprendrait que c'est la raison pour laquelle toutes les compagnies insèrent une clause de renonciation au droit au jury dans leurs contrats. Un problème reste néanmoins : les poursuites des tiers car ils n’ont pas renoncé au procès par jury. Et dans ce cas, au civil, c’est ça devient un concours de popularité ou de pitié publique et non de justice.
Alors, est-ce un grand absent? Au contraire, une très sage décision.
Anonyme
il y a 10 ansOn a aboli le procès civil devant jury il y a belle lurette ! Pourquoi devrions-nous en parler si on considère le sujet clos ? Assez étonnant, pour ne pas dire carrément anachronique, cette lettre ouverte de Me Lafferière. Je n'aurais pas aimé être son étudiant !
Anonyme
il y a 10 ans"Cela n'intéresse pas la communauté juridique du Québec, semble-t-il, qui préfère s'en remettre aux tables actuarielles de ces mêmes compagnies d'assurance quand vient le temps de fixer des barèmes d'indemnisation, et les indemnités pour divers dommages."
Ce que vous déplorez n'est pas une question touchant la procédure, mais plutôt une question de fonds.
De plus, l'usage du jury, seul, n'y changerait probablement rien, comme en témoigne les montant astronomiques accordés par des jurys américains, qui sont régulièrement tronçonnés en appel (ce que les journaux ne rapportent jamais). La même chose surviendrait imanquablement ici aussi.
La vrai question, c'est le pourquoi d'une telle fixation sur les tables actuarielles, et de leurs prémices souvent discutables qui ne sont jamais discutés (en particulier pour ce qui touche aux taux d'intérêts)?
Les racines du problème que vous décrivez sont assez évidentes: paresse intellectuelle, absence de culture en matiere de finance, et des juges civilistes qui ont tellement peur d'enrichir un demandeur que dans le doute ils ne vont pas le compenser adéquatement (un peu comme leur collègues du côté pénal, qui doivent théoriquement laisser courrir un coupable plutôt que de risquer de condamner un innocent).
Isabelle
il y a 10 ansAu final, est-ce qu'au terme d'un procès civil avec jury, une victime ou un "tiers lésé" ontarien a davantage d'argent dans SES poches que ses compatriotes du Québec?
C'est la question qui compte, et peut-être même celle qui tue - à moins que Me Laferrière dispose de données à ce sujet ?
Claude Laferrière
il y a 10 ansIntervention et question pertinente chère consoeur. Je m'inspirais du modèle américain.
Le but de ce billet était de montrer les avantages de cette procédure qui est devenue un levier essentiel chez nos voisins du sud et l'héritage de la Révolution américaine. Quel autre "effet de levier" pourrait produire des effets en faveur d'une partie économiquement plus faible? C'est notre sens de la justice et de l'équité qui est mis à partie.
Il faut trouver ou articuler un effet de levier efficace pour redorer nos institutions, l'image de la justice pour le grand public. La médiation et les CRA (s) en raison de leur caractère confidentiel ne sont pas un effet de levier institutionnel même si, par ailleurs, nos clients comme parties économiquement fortes, l'apprécient.
Nous avons aussi des client moins forts.
Par ailleurs j'apprécie qu'aucun collègue n'ait formulé de commentaire négatif sur une éventuelle Court TV.
incompertus
il y a 10 ansIls l'ont tu l'affaire, les américains!!! think big!
incompertus
il y a 10 ansPour ce qui est de la Court TV, je vous rappelle que certaines audiences de la CSC sont télévisées et retransmis sur les chaines publiques.
Aussi, on a le droit de demander l'enregistrement des auditions. Je vois mal la pertinence de voir les gens sur l'écran pour suivre le procès. D'ailleurs, est-ce qu'il y aura des opérateurs et des éditeurs pour faire le montage, montrer la face du juge et des témoins, zoomer les pièces commes ils font à la Commission Charbonneau? Pour quel genre du procès? Est-ce que les petites créances doivent être télévisées? Chambre pratique en criminel? Combien ça va couter?
Personnellement, je sais que les journalistes viennent assister aux causes qui intéressent le public. Dernièrement, les juges ont même permis de twitter dans la salle. On installe des Wi-Fi au palais. Ça avance la cause de justice publique. Créer une autre chaîne ... yes, ça va aussi avancer la cause, mais est-ce que le coût sera proportionnel?
Isabelle
il y a 10 ansL'avantage d'un "Court TV", c'est que le montage est minimum.
La transmission de l'intégralité de l'audience est primordiale. En effet, la couverture médiatique des procès est exécrable.
Un exemple récent parmi mille, dans La Presse, un article dont le titre est basé sur une simple QUESTION de la procureure, et dans lequel la journaliste ne se donne même pas la peine de nous transmettre la réponse donnée par l'accusé: http://tinyurl.com/o7t5hae