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Suspension administrative abusive en raison d’interdictions de contacts élargies

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Béatrice Proulx

2024-11-11 11:15:26

Béatrice Proulx, l'auteure de cet article. Source : RBD
Béatrice Proulx, l'auteure de cet article. Source : RBD
Retour sur une décision du tribunal d’arbitrage…

Dans la décision Commission scolaire Crie et Association des employés du Nord québécois (CSQ), 2024 QCTA 424, 20 septembre 2024 (a. Pierre-Georges Roy), le tribunal d’arbitrage était appelé à trancher une question de quantum de dommages dus à une salariée, enseignante dans une école primaire. Cette dernière avait été suspendue administrativement avec solde par son employeur pour des allégations de violence verbale envers des élèves et des employés, laquelle suspension avait été confirmée par l’arbitre par une première décision.

Or, l’arbitre avait considéré que la portée de certaines modalités de la suspension était trop large et que ces modalités ont ainsi empiété sur les droits fondamentaux de l’enseignante. En effet, la suspension interdisait à l’enseignante de se trouver sur la propriété de la commission scolaire et d’entrer en contact ou communiquer avec les élèves et le personnel. Elle devait même s’abstenir d’entretenir une conversation initiée par ces personnes. Seul le deuxième ordre de restrictions (interdit de contact et de communication) a été jugé déraisonnable. Pour cette raison, l’arbitre a réservé sa compétence quant au quantum, et les parties l’ont ressaisi à cette fin, faute d’entente.

La plaignante allègue que l’interdiction de parler aux élèves et, surtout, aux employés de la commission scolaire, l’a, pour l’essentiel, empêchée de se rendre à l’épicerie, à la clinique médicale, de pratiquer divers loisirs ou activités sociales ou même de se rendre à l’église ou à la pharmacie, puisqu’elle risquait alors d’être en contact avec ses collègues de travail ou élèves, ce qui l’aurait placée en contravention, réelle ou appréhendée, des paramètres fixés par l’employeur.

Pour ces motifs, la partie syndicale réclame un montant de 80 000 $ à titre de dommages moraux et un autre de 20 000 $ à titre de dommages punitifs en raison du caractère intentionnel du manquement de l’employeur. L’argumentation syndicale repose sur le caractère extrêmement large des interdictions de contacts sociaux imposés à l’enseignante durant une période de deux mois, particulièrement dans un milieu de vie de moins de 2 000 personnes. Le syndicat compare la mesure administrative à une sentence de prison à purger à domicile.

L’employeur, pour sa part, considère que le dommage n’est pas prouvé par prépondérance de preuve. Il attribue le dommage à une mauvaise compréhension de la part de l’enseignante des interdictions figurant dans la lettre de suspension et des lettres subséquentes.

L’arbitre conclut que l’interdiction de contact et de communication était trop large, en ce sens où elle aurait pu viser seulement les élèves concernés et leurs parents, à tout le moins. Il en est de même pour l’interdiction visant les collègues, elle est injustifiée. Il note cependant que la plaignante n’a pas cherché outre mesure à éclaircir l’étendue des restrictions auprès de l’employeur. L’arbitre s’inspire du cadre d’analyse proposé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt phare Syndicat des employés de l’hôpital St-Ferdinand d’Halifax. Il octroie ainsi 2 500 $ à titre de dommages moraux à la plaignante, rejetant la demande de dommages exemplaires, vu l’absence d’atteinte intentionnelle.

À propos de l’auteure

Béatrice Proulx est avocate chez RBD. Elle consacre notamment sa pratique à la défense des intérêts des salariés provenant d’associations policières et ambulancières à travers le Québec. Elle se spécialise dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail et en matière de rapports collectifs du travail

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