Une nouvelle ère de transparence : votre société fédérale est-elle en règle?
Mélissa Pelletier, Guillaume Lapierre Et Clémence Therrien
2024-02-13 11:15:19
Quid des nouvelles règles en matière de transparence des sociétés par actions?
Depuis le 22 janvier 2024, les sociétés fédérales ont l’obligation de déposer, auprès de Corporations Canada, les renseignements contenus au registre des particuliers ayant un contrôle important de la société et certains de ces renseignements sont maintenant mis à la disposition du public via le site Web du gouvernement.
Quelles sont les nouvelles exigences des sociétés par actions constituées sous la Loi canadienne sur les sociétés par actions?
Récapitulatif des mesures déjà existantes
Dans l’objectif d’améliorer la transparence corporative et de lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent, les sociétés fermées incorporées sous la Loi canadienne sur les sociétés par actions (ci-après « LCSA ») doivent, depuis juin 2019, créer et tenir à jour un registre des particuliers ayant un contrôle important (ci-après « PCI »).
Jusqu’à maintenant, l’accès au contenu du registre des PCI d’une société demeurait restreint à certains organismes et personnes bien précis considérant son caractère privé.
La LCSA définit un « PCI » comme étant : Un particulier qui contrôle, a la propriété effective et/ou est le détenteur inscrit d’un nombre important d’actions, individuellement, conjointement ou de concert avec un ou plusieurs particuliers; ou Un particulier exerçant un contrôle de fait sur la société, que celui-ci détienne ou non des actions du capital social de la société.
Un nombre important d’actions se définit comme conférant 25 % ou plus des droits de vote attachés à l’ensemble des actions votantes en circulation de la société, ou équivalant à 25 %, ou plus de la juste valeur marchande de l’ensemble des actions en circulation de la société.
Demande de renseignements
En sus des renseignements personnels relatifs aux PCI (tels que leur nom, date de naissance, juridiction de résidence aux fins fiscales, etc.), chaque société doit insérer à son registre des PCI une description des mesures raisonnables prises afin d’identifier l’ensemble des PCI. Les sociétés doivent par ailleurs s’assurer que les renseignements inscrits au registre sont exacts, exhaustifs et à jour.
En mai 2023, le gouvernement du Canada est venu clarifier et uniformiser cette exigence en obligeant, au moins une fois par an, l’envoi par la société d’une demande de renseignements à toute personne susceptible d’avoir des informations utiles concernant un PCI de la société, notamment aux PCI déjà inscrits au registre ainsi qu’aux actionnaires de la société.
Nouveautés 2024
Depuis le 22 janvier 2024, les sociétés fédérales ont l’obligation additionnelle de déposer, auprès de Corporations Canada, les renseignements contenus au registre des PCI de la société. Certains de ces renseignements seront par la suite mis à la disposition du public via le site Web du gouvernement.
À quel(s) moment(s) la remise à Corporations Canada des renseignements sur les PCI doit-elle se faire?
- Annuellement (en même temps que le dépôt du rapport annuel de la société);
- Lors de la constitution d’une société;
- Suivant une fusion et/ou une prorogation sous le régime de la LCSA (dans les 30 jours);
- Suivant l’inscription d’une modification au registre des PCI (dans les 15 jours).
Quels seront les renseignements à fournir à Corporations Canada et lesquels seront accessibles au public?
Accessibles au public :
- Nom légal complet;
- Adresse résidentielle (si aucune adresse aux fins de signification n’est fournie);
- Date à laquelle le particulier est devenu un PCI et, le cas échéant, la date où il a cessé de l’être;
- Description de la façon dont le PCI se qualifie comme tel;
- Adresse aux fins de signification (information optionnelle).
Inaccessibles au public :
- Date de naissance;
- Adresse résidentielle (si une adresse aux fins de signification est fournie);
- Juridiction de résidence à des fins fiscales;
- Pays de citoyenneté.
Parmi les renseignements énumérés ci-dessus qui doivent être fournis à Corporations Canada, les renseignements suivants sont nouvellement requis par la loi depuis le 22 janvier 2024 et doivent ainsi être ajoutés au registre des PCI d’une société fédérale :
- Adresse résidentielle;
- Pays de citoyenneté;
- Adresse aux fins de signification (optionnelle).
Certaines exceptions d’accessibilité au public de ces informations s’appliquent pour des fins de protection, notamment à l’égard des mineurs. Sachez toutefois que certains organismes d’enquête tels que les autorités policières et le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) peuvent, sur demande, avoir accès à l’entièreté des renseignements contenus au registre des PCI d’une société.
Infractions, peines et autres sanctions Les sociétés qui contreviendront aux nouvelles exigences de remettre à Corporations Canada les renseignements qui concernent leurs PCI dans le délai requis commettront une infraction et seront susceptibles d’une amende maximale de cent mille dollars (100 000 $), voire de faire l’objet d’une dissolution administrative.
L’administrateur ou le dirigeant de la société qui, sciemment, autorise ou permet que la société contrevienne à cette nouvelle exigence commet une infraction et s’expose à une sanction pécuniaire pouvant atteindre un million de dollars (1 000 000 $) et/ou un emprisonnement maximal de cinq ans.
Toute autre infraction de l’administrateur, du dirigeant ainsi que de l’actionnaire de la société relativement à ses obligations concernant le registre des PCI est dorénavant sanctionnée de la même façon.
Conclusion
Suivant ces modifications qu’a subies la LCSA, les sociétés privées fédérales devraient rapidement informer leurs PCI de la situation, notamment à l’effet que certains de leurs renseignements personnels seront déposés auprès de Corporations Canada et mis à la disposition du public.
Ces nouvelles exigences du gouvernement du Canada en matière de transparence corporative ne sont pas à prendre à la légère et les sociétés devraient dès maintenant prendre les mesures nécessaires pour se conformer à la loi.
À propos des auteurs
Mélissa Pelletier est directrice de l'équipe de droit des affaires de Therrien Couture Joli-Coeur.
Elle pratique en fusions et acquisitions, notamment en matière de transferts d’entreprises, qu’ils soient intergénérationnels ou en faveur d’employés-clés, de tiers et/ou des fonds de capital de risque.
Elle conseille aussi les entrepreneurs intégrant des investisseurs à leur actionnariat, que ce soit des investisseurs privés ou institutionnels.
Guillaume Lapierre accompagne et conseille au sein du cabinet TCJ une vaste clientèle d’entrepreneurs de PME issues de secteurs d’activités variés dans diverses facettes du droit des affaires.
Que ce soit pour la mise en place de différents projets commerciaux ou l’accompagnement des entreprises, leurs dirigeants et actionnaires, ceux-ci font appel à Guillaume Lapierre pour la rédaction, la révision et la négociation d’un large éventail de documents juridiques afférents aux transactions commerciales.
Clémence Therrien fait partie de l’équipe de droit des affaires et corporatif du cabinet TCJ, à Saint-Hyacinthe.
Elle pratique, plus particulièrement, en droit transactionnel. Dans le cadre de ses services, elle accompagne et conseille les entrepreneuses et entrepreneurs pour leur permettre de mener à terme leurs projets, notamment, dans le contexte d’une vente, d’une acquisition ou d’une réorganisation d’entreprise.