Les vins du Bâtonnier
Emeline Magnier
2014-08-15 15:00:00
Amateur de vin depuis toujours, c'est en discutant avec son voisin belge qu'il a décidé de se lancer dans la plantation de vignes, il y a maintenant 14 ans. « Il m'a demandé pourquoi je ne plantais pas de vignes sur mon terrain. Je lui ai dit que je n'y connaissais rien, ce à quoi il m'a répondu qu'il me conseillerait. Et je me suis lancé », se souvient l'avocat.
De 2 000 plans « pour commencer » au fond de son jardin, le vignoble attenant à sa résidence en compte aujourd'hui 80 000 et commercialise 140 000 bouteilles par an. « C'est trop pour ma consommation personnelle », lance Me Paradis à la blague.
Lui n'a pas déménagé et habite toujours la maison rouge sous les arbres, cachée derrière les vignes. Et même si l'entreprise emploie aujourd'hui une quinzaine de personnes, dont deux oenologues français, l’avocat reste toujours très impliqué dans le processus de production et de commercialisation - tel un chef d'orchestre, comme il se plaît à le dire.
La cuvée du fouloir
Il anime les visites du vignoble et explique aux touristes intéressés l'ensemble des étapes permettant d'aboutir au fameux nectar alcoolisé, de la constitution de la bute avant l'hiver jusqu'à la récolte à la fin de l'été. Orateur averti, il ne manque pas de captiver son auditoire avec un récit instructif ponctué d'anecdotes, en toute simplicité.
20 000 personnes viennent chaque année visiter le domaine et participer aux différentes activités. En plus des journées « vigneron d'un jour » , trois « séances de fouloir » sont organisées lors desquelles 45 jeunes filles écrasent aux pieds le raison récolté, selon la méthode traditionnelle. « La tradition française voulait que les jeunes filles soient vierges. On exige uniquement des pieds propres », dit-il en riant.
Neuf vins sont actuellement produits au domaine et en vente dans les succursales de la Société des Alcools du Québec : rouges, blancs, vendanges tardives, rosé - le rosé québécois le plus vendus -, et même un porto. « J'ai hésité à faire du rouge, mais les clients nous l'ont demandé », explique Me Paradis. Une méthode champenoise rosée sera également en vente d’ici la fin du mois d'août.
Le Bâtonnier, mon préféré
Interrogé sur son vin préféré, il répond sans hésitation « Le Bâtonnier » : un rouge souple et rond, légèrement boisé, couronné de la Médaille d'or de la Coupe des nations en 2012. « Quand on a été bâtonnier, on garde le titre à vie ; j'ai donc décidé de l'utiliser à bon escient. »
Si le vin est une véritable passion pour l'avocat, elle n'est pas la seule : « Ma passion est triple : elle se partage entre le vin, le droit et la politique », confesse celui qui dispose de trois cartes d'affaires correspondantes.
Député libéral du Canada dans la circonscription de Brome Missisquoi en 1995, 1997, 2000 et 2004, il a été ministre de la Francophonie, ministre d’État responsable de l’Amérique latine et de l’Afrique, et ministre d’État aux institutions financières du gouvernement du Canada. Ces fonctions lui ont valu de visiter pas moins de 45 pays et d’être à la table des grands de ce monde.
Me Paradis est actuellement avocat-conseil au sein du cabinet Dunton Rainville à Montréal, en droit des sociétés et droit commercial. Ses confrères font appel à lui en matière de stratégie de dossiers - et apprécient particulièrement quand le vigneron les invite à venir travailler dans son domaine plutôt qu'en centre-ville.
Développer les vins du Québec
Il est aussi président des vignobles de sa région, président de l'Alliance d'affaires Canada Algérie et siège à la Conférence internationale des Barreaux en tant que représentant du Barreau du Québec. « Il manque des journées dans une semaine ! »
L'avocat a raccroché sa toge mais n'hésite pas à utiliser ses talents de juriste pour promouvoir les vins du Québec dont le développement n'est, selon lui, pas assez soutenu par la législation actuelle. « En Ontario, les vins provinciaux représentent 45% des ventes, contre 1% au Québec. Si on avait leur réglementation, on pourrait évoluer beaucoup plus vite », estime-t-il.
Quatre propositions ont été déposées auprès du gouvernement précédent, et sont actuellement entre les mains des libéraux. « Ça ne coûterait rien et ça rapporterait de l'argent en créant une activité économique », soutient Me Paradis.
En plus de l'amendement de la Loi sur la SAQ pour que la mise en valeur des vins du Québec fasse partie de sa mission, l'avocat souhaiterait que les vins du Québec puissent être vendus dans les épiceries et consignés dans les restaurants « Apportez votre vin ».
Une demande de création de permis pour commercialiser de la grappa, réalisée à partir des rejets de raisins blancs, est également en cours. « Il faut mettre la pédale au plancher et augmenter les réseaux de distribution. Il n'y a aucune raison de nous limiter nous-même ».
En attendant que Le Bâtonnier, Champs de Florence et Bise d'Automne occupent une plus grande place sur les étales de la SAQ, vous pouvez toujours vous rendre au domaine du Ridge pour une visite et une dégustation : le guide est très sympathique et les vins sont excellents !