Le CP demande d'annuler l'entente d’indemnisation
Agence Qmi
2015-06-16 08:45:00
« Tel qui ressort des articles 106 à 110 de la loi sur les transports du Canada, l'insolvabilité d'une compagnie de chemin de fer, dans ce cas-ci la Montreal Maine et Atlantic du Canada, n'est pas soumise aux règles de la LACC (loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies), mais est un sujet de compétence exclusive de la Cour fédérale », a fait valoir le procureur du CP, Me Enrico Forlini.
Le Canadien Pacifique est la seule entreprise faisant face aux procédures dans le cadre d'un recours collectif, la compagnie américaine World Fuel Services ayant décidé la semaine dernière de verser 136 millions au Fonds d'indemnisation des victimes.
Trois responsables
À l'origine, les avocats du recours collectif avaient identifié trois grands responsables de la tragédie ferroviaire survenue à Lac-Mégantic en juillet 2013 :
- World Fuel Services, le courtier qui a vendu le pétrole extrait au Dakota du Nord;
- La pétrolière Irving, l'acquéreur;
- Le CP à qui le transport en avait été confié.
Or, c'est le Canadien Pacifique qui avait sous-contracté le transport du pétrole au Québec à la compagnie Montréal Maine et Atlantic, une entreprise de chemin de fer peu fiable et reconnue pour sa culture douteuse au niveau de la sécurité ferroviaire.
« Le CP est au courant des tenants et aboutissements du plan et des quittances qui protègent les compagnies qui y contribuent. Le problème pour le Canadien Pacifique, c'est que World Fuel et Irving dans le cadre des ententes intervenues ont cédé leurs droits de poursuivre aux contrôleurs canadiens et américains. Avec les quittances accordées, le CP ne peut plus se retourner contre personne pour intenter des recours, mais s'expose à des poursuites, ici dans le cadre du recours collectif et aux États-Unis au civil », a expliqué Hans Mercier qui représente les familles des victimes.
Un juge avait déjà décidé en août 2013, un mois après les tragiques événements, que le dossier d'insolvabilité de la MMA était de juridiction de la Cour supérieure. Le CP n'a jamais porté la décision de porter le jugement devant la Cour d'appel.
«Comme le délai est expiré, on nous présente une nouvelle requête simplement pour obtenir les motifs nécessaires pour aller devant le plus haut tribunal du Québec. C'est inconcevable !», s’insurge Me Patrice Benoit, procureur de la MMA impliqué dans les négociations pour mener à un plan d'arrangement final visant à dédommager les victimes.
Le juge Gaétan Dumas a exprimé son mécontentement en quelques occasions, soulignant à l'avocat du CP qu'il se sentait comme un objet et que la requête telle que présentée ressemblait beaucoup plus à un mémoire d'appel qu'une requête fondée en droit.
«Où étiez-vous depuis deux ans ? N'avez-vous pas aucune considération pour les victimes ?», a demandé le magistrat à Me Enrico Forlini.
Ce dernier a répliqué que le fait de transférer le dossier devant la Cour fédérale ne compromettait en rien tout le travail accompli jusqu'ici.
Les autres parties, qui ont négocié pendant les 24 derniers mois, pensent le contraire.
«Je ne vois pas comment une Cour fédérale pourrait émettre les mêmes ordonnances pour protéger les tiers qui dédommagent les victimes, je pense que tout serait à recommencer ou presque. C'est impensable de demander cela à ce point-ci des procédures», a renchéri M. Benoit.
Le juge veut prendre soin de bien mettre par écrit ses motifs à l'appui de sa décision. Il rendra jugement d'ici mercredi, moment où le plan final d'arrangement adopté à l'unanimité par les créanciers mardi dernier doit obtenir l'homologation de la Cour supérieure.