Des juges réclament la fin des procédures contre le juge Girouard
Jean-francois Parent
2018-03-01 13:15:00
Le juge Girouard était sous enquête depuis trois ans pour avoir présumément acheté de la cocaïne à un réseau de trafiquants deux semaines avant sa nomination comme juge, à l'automne 2010.
Dans un jugement tendu la semaine dernière, le Conseil canadien de la magistrature considère que le juge Girouard a menti au comité d'enquête en déclarant ne s'être jamais procuré de stupéfiants. Le magistrat n'aurait jamais fourni une explication rationnelle de ses actes au cours d'une transaction suspecte capturée par vidéo.
Des 23 juges qui ont rendu la décision au terme d'une enquête ayant duré plus d'une semaine, trois ont inscrit leur dissidence.
Il s'agit des juges David Smith, de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick, de Lawrence O'Neil, de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, et de Richard Bell, de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada.
« Sorry, I don’t speak French »
Pour le trio, parce que « la transcription des huit jours d’audience (…) était principalement en français seulement (…) », le processus est nul et non avenu. « Notre dissidence s’appuie uniquement sur notre avis que le Conseil a violé le droit à une audience équitable dont jouit le juge Girouard. Nous estimons que le rapport de la majorité des membres du Conseil est entaché de nullité », écrivent-ils.
Ils recommandent donc que l’affaire soit abandonnée et que la recommandation de destitution visant Michel Girouard soit mise au rancart.
« Il est notoire qu’un nombre significatif des membres du Conseil, y compris 2 des 3 membres participant à cette dissidence, ne parlent pas, ni ne comprennent, la langue française. Le défaut de rendre disponible le même dossier à tous les membres du Conseil constitue le fondement de notre dissidence », poursuit le trio.
Pour que la recommandation de révoquer un juge soit issue d'un processus équitable, « ceux qui délibèrent doivent pouvoir comprendre le dossier qui leur est soumis ».
Les juges écrivent que le « rapport du Comité d’enquête en date du 6 novembre 2017 abonde en références à la transcription des audiences », qui se sont tenues en français.
Les transcriptions n'ayant pas été traduites, les décideurs unilingues anglophones n'ont donc pas eu accès à l'ensemble de la preuve.
Dans les documents unilingues français, il y aurait quelque 4000 pages de notes sténographiques, qui recensent les 14 jours d'audience du premier comité d’enquête, et les 8 jours de témoignage devant le second comité d'enquête.
Selon le principe que « le décideur doit être celui qui assiste à l’enquête et à la preuve », le juge qui doit trancher une affaire « doit pouvoir être en mesure de lire » tous les documents, soit dans ce cas-ci la transcription.
Jurisprudence
Citant Pierre Foucher, professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, le quotidien Le Devoir rapporte que « la jurisprudence tend à démontrer qu’il n’est pas nécessaire, pour des décideurs comme les membres du CCM, d’avoir accès à l’ensemble de la preuve ».
Les résumés auxquels ont eu accès les juges sont généralement suffisants.
D'ailleurs, les juges dissidents insistent sur l'équité procédurale, et non sur les droits linguistiques.
Le professeur François Larocque, également de la fac de droit d'Ottawa, explique au Devoir qu'il « y aurait peut-être un argument à faire au sens où les tribunaux administratifs fédéraux, comme le CCM, sont soumis à la Loi sur les langues officielles. Et d’après la loi, les juges qui président les auditions doivent être capables de comprendre et de parler les deux langues officielles ».
Anonyme
il y a 6 ans« la jurisprudence tend à démontrer qu’il n’est pas nécessaire, pour des décideurs comme les membres du CCM, d’avoir accès à l’ensemble de la preuve »
Et qui sont les auteurs de ce courrant jurisprudentiel? Des uniligues et quelques uns de leurs "uncle Tom"?
Aanonyme
il y a 6 ansÇa fait plus d'une décennie que la Cour suprême du Canada n'exige plus l'ensemble de la preuve dans les dossiers dont elle entend les appels. Cela m'a toujours paru discutable mais c'est donc loin d'être inusité.
Anonyme
il y a 6 ansil n'y a rien comme un processus disciplinaire décidé par des gens qui n'ont pas accès à toute la preuve.Cela ajoute beaucoup de piquant et rend le résultat ultime plus imprévisible:
- intimé: Bon...vous pensez quoi Maître?
- avocat: bien..euh... c'est certain que si les décideurs avaient toute la preuve, vous seriez fini mais là ils ont pas tout alors je pense que ça regarde bien...
- intimé: je savais bin que j'étais correct !
Me
il y a 6 ansPassons outre les questions de droit, je crois que le juge Girouard devrait avoir la décence de se retirer, il n'a plus de crédibilité face aux procureurs et face au public. Dans l'intérêt de la justice c'est la chose à faire.
Aanonyme
il y a 6 ansLa plupart des causes devant le Conseil de la magistrature finissent de la même façon : le juge intimé étire la sauce, continue d'être payé, multiplie les contrôles judiciaires avec des avocats payés à même les fonds publics et finissent par démissionner une fois que leur pension est assurée, le temps passé dans le processus disciplinaire étant compté bien sûr. Pour les valeurs de célérité prêchées dans Jordan et Hryniak, on en passera.
Dura lex
il y a 6 ansExactement.