Le seuil de 85K de la Cour du Québec est trop élevé, juge la Cour d’appel
éric Martel
2019-09-13 14:30:00
En effet, ses dispositions entravent la compétence fondamentale de la Cour supérieure de trancher certains différends substantiels en matière civile.
La Cour est d’avis que la limite maximale de la compétence de la Cour du Québec doit se situer entre 55 000 et 70 000 dollars. Cependant, afin de ne pas perturber l’administration de la justice, cette nouvelle mesure ne sera pas effective pour la prochaine année, soit jusqu’à ce que le législateur québécois amende le Code de procédure civil à cet effet.
Ainsi, en tenant compte des objectifs de primauté du droit et d’uniformité nationale de la Loi constitutionnelle, la Cour d’appel est d’avis que la Cour supérieure conserve sa compétence fondamentale de trancher des différends en matière civile lorsque celle-ci s’applique à l’égard des réclamations « substantielles » des justiciables.
Un jugement d’envergure
Le jugement de ce renvoi de la Procureure générale du Québec est colossal: on y compte 400 paragraphes et 124 pages.
« C’est une question sérieuse, difficile, commente Me Madelaine Lemieux de Paradis Lemieux Francis Avocats. C’est un enjeu dont il était question depuis 1965. »
« À moment donné, on a arrêté de se préoccuper de la question d’un point de vue constitutionnel, souligne-t-elle. Pour reprendre les mots du juge, c’est vraiment la détermination de la compétence du carré de sable de la cour. »
S’il n’en tient qu’à Me Guillaume Rousseau, professeur agrégé de l’Université de Sherbrooke, il est plutôt surprenant que la Cour d’appel soit revenue sur les origines de la constitution. Il qualifie l’approche de la cour « d’originaliste. »
« C’est une approche laissée de côté par la Cour suprême, qui pense que la constitution est un arbre vivant, qui évolue. Aurait-il eu lieu de faire une mise à jour? Je pense que oui, estime-t-il. »
« En se fiant trop aux antécédents de la Cour suprême, la Cour d’appel ne veut pas être renversée, ajoute-t-il. Elle est très prudente. Avec plus de souplesse, on aurait pu accorder moins d’importance à un aspect historique. »
Cette souplesse aurait permis de considérer un aspect que le professeur considère laissé de côté : l’accès à la justice.
Celui qui enseigne le droit constitutionnel souligne que la réforme de la procédure civile québécoise avait pour objectif de diminuer les coûts et les délais du système judiciaire.
Donc, à ses yeux, la Cour du Québec recevra moins de dossiers, ce qui augmentera les coûts reliés à l’administration de la justice.
« L’information que j’aie, c’est que ça coûte moins cher pour l’État à la Cour du Québec , au niveau de l’administration, du salaire des juges et dans une moindre mesure, pour les partis », explique-t-il.
Même si Me Pierre Noreau, professeur à l’Université de Montréal, acquiesce que la décision pourrait dans une certaine mesure affecter l’accès à la justice, il relativise les impacts projetés.
« En définitive, on parle d’un nombre restreint de dossiers, lance-t-il. Ç’a n’aura pas un effet systémique sur l’accès à la justice, qui est un problème plus large que la structure des tribunaux. »
Obligations de déférence judiciaire
Dans ce même jugement. la Cour d’appel s’est également penchée sur la question des obligations de déférence judiciaire.
Est-il compatible avec la Loi constitutionnelle d’appliquer ces obligations, qui caractérisent le pourvoi en contrôle judiciaire aux appels à la Cour du Québec?
Oui, tranche la Cour d’appel, même si cela restreint les pouvoirs d’appel confiés à la Cour du Québec d’un point de vue administratif.
En vertu de plusieurs lois, telles que celles sur la police, la Régie du logement ou l’Autorité des marchés financiers, la Cour supérieure conserve donc son pouvoir de surveillance et de contrôle sur l’administration publique et les instances inférieures.
Les avocats des parties
Me Francis Demers
Me Jean-Yves Bernard
MINISTÈRE DE LA JUSTICE (DGAJLAJ)
pour la procureure générale du Québec
Me Lindy Rouillard-Labbé
Me Bernard Letarte
MINISTÈRE DE LA JUSTICE CANADA
Pour la procureure générale du Canada
Me Zachary Froese
Me Karrie Wolfe
Me Gareth Morley
MINISTÈRE DE LA JUSTICE, COLOMBIE-BRITANNIQUE
Pour le procureur général de la Colombie-Britannique
Me William J. Atkinson
WILLIAM ATKINSON, AVOCAT
Me Sean Griffin
Me Véronique Roy
LANGLOIS AVOCATS
Pour les juge en chef, juge en chef associé et juge en chef adjointe de la Cour supérieure du Québec
Me Marc-André Fabien
Me Vincent Cérat Lagana
FASKEN MARTINEAU DuMOULIN
Pour le Conseil de la magistrature du Québec
Me Mark Power
Me Ryan Beaton
Me Audrey Mayrand
JURISTES POWER
Pour l’Association canadienne des juges des cours provinciales
Me Vanessa Joannisse-Goulet
ORGANISME DU COURTAGE IMMOBILIER DU QUÉBEC (OACIQ)
Pour l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ)
Me Guy Pratte
Me François Grondin
Me Anaïs Bussières-McNicoll
BORDEN LADNER GERVAIS
Pour la Conférence des juges de la Cour du Québec