Quand les salles de débordement deviennent nécessaires dans les tribunaux
Radio -canada
2020-09-24 12:00:00
Ce sera le cas vendredi à Oshawa, où le juge au procès de Michael Theriault a décidé de tenir des audiences en personne sur la détermination de la peine contre le policier.
L'agent de Toronto a été reconnu coupable en juin de voies de fait au sujet de l'agression dont Dafonte Miller a été victime en 2016 à Whitby.
Une salle de débordement a été créée dans une grande salle du tribunal de la rue Bond Est au centre-ville. Le public pourra donc assister aux audiences grâce à un système de télévision en circuit fermé.
Les administrations judiciaires ont eu recours à ce genre d'aménagement dans des causes populaires comme le procès de Jian Ghomeshi. À cause de leur forte présence au palais de justice de Toronto, il avait été impossible de réunir tous les curieux dans la salle d'audience principale.
Mais à Oshawa, seulement 10 places seront toutefois réservées pour les médias et 63 pour le public dans la salle d'écoute. Dans les lieux publics fermés comme les tribunaux, le nombre de personnes autorisées à se rassembler au même endroit n'est pas le même que celui dans les endroits privés clos.
La salle d'audience principale sera réservée au magistrat, au registraire, au sténographe, à la Couronne et à la défense. Les témoins qui y liront à la barre leurs déclarations sur l'impact que l'agression a eu sur leur vie seront isolés derrière des barrières en plexiglas et leur siège sera nettoyé pour la personne suivante.
On s'attend à ce que la famille de Dafonte Miller soit assise dans le prétoire de la salle principale et que le jeune homme, qui a perdu l’usage de son oeil gauche après avoir été battu en 2016, y fasse une déclaration à la barre des témoins.
L'avocat Ari Goldkind [qui n'est pas engagé dans ce procès, NDLR] affirme que le juge était dans ses droits de tenir une audience en personne, même s'il a privilégié en juin la lecture de son verdict sur la plateforme YouTube.
À l'époque, plus de 20 000 personnes avaient assisté durant 4 heures au prononcé du verdict. Du jamais-vu dans l'histoire judiciaire au Canada, selon Me Goldkind. L'alimentation vidéo de cette audience n'est plus disponible sur le réseau social.
Le juge n'a pas donné les raisons pour lesquelles il a décidé d'agir cette fois de la sorte, mais il n'a pas changé d'avis, selon Me Goldkind.
« C'est une audience sur la détermination de la peine, il y aura des plaidoiries et des témoignages à la barre, ce qui est plus difficile à organiser de façon virtuelle que de lire un verdict sans être interrompu », explique-t-il.
L'avocat reconnaît qu'il existe malheureusement une certaine confusion dans le public au sujet des deux types d'audience.
Il ajoute néanmoins que le principe des tribunaux ouverts et transparents a été respecté.
Des mesures suffisantes?
« Je suis même surpris qu'on ait accepté autant de personnes à l'intérieur, parce que, personnellement, je n'aimerais pas me trouver dans un prétoire avec autant de monde, compte tenu de la récente recrudescence des cas dans la province », s'étonne-t-il.
L'avocat rappelle, avec raison, que les médias n'ont pas été exclus des audiences et qu'ils pourront suivre les audiences et rapporter ce qui y sera dit, même s'il reconnaît que le nombre de places est très limité en ce qui les concerne.
« Vous serez en mesure de rapporter en direct les plaidoiries et les témoignages sur Twitter, FB ou CBC, on ne parle donc pas ici d'une audience derrière portes closes, mais il est important d'y faire respecter les consignes de la santé publique à cause de la situation extraordinaire dans laquelle on se trouve », poursuit-il.
Des mesures strictes ont aussi été prises dans la salle de débordement où des marqueurs de distanciation physique ont été placés pour séparer de deux mètres les membres du public. Des bornes de gel hydroalcoolique ont été installées dans les corridors du tribunal. Le port du masque y sera obligatoire.
Le Dr Alain Simard, professeur d'immunologie, pense que ces mesures sanitaires sont suffisantes, mais avec un bémol.
« C'est la question de temps qui devient importante », précise-t-il.
« Si on passe une très longue période de temps dans une salle, où il y a quelqu'un qui respire des aérosols avec le virus, ça devient un risque, ça dépend vraiment des systèmes de ventilation ou de si les fenêtres sont ouvertes, par exemple. »
La santé publique de Durham et le tribunal d'Oshawa ont refusé de nous accorder une entrevue, si bien qu'il est impossible de savoir si la salle d'écoute sera bien aérée durant les audiences.
« Il y a toujours un risque, à moins que l'on soit dans des conditions extrêmes, où on n'est pas en contact avec personne », poursuit le Dr Simard.
Me Goldkind dit pour sa part avoir confiance dans les mesures qui ont été prises dans les tribunaux de l'Ontario depuis le début de la pandémie.
« J'ai beaucoup de respect pour l'administration judiciaire qui a réussi en quelques mois à modifier l'aménagement des salles d'audience pour que la justice suive son cours sans trop de délais malgré les circonstances », conclut-il.