Entrevues

Le PL 21 leur pose problème!

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Diane Poupeau

2019-05-31 15:00:00

Avocats dans un grand cabinet, le premier porte la kippa tous les jours depuis ses 18 ans. Le second est d'origine musulmane.
Mes Gregory Bordan et Azim Hussain, avocats-conseils chez Norton Rose Fulbright.
Mes Gregory Bordan et Azim Hussain, avocats-conseils chez Norton Rose Fulbright.
Mes Gregory Bordan et Azim Hussain sont avocats-conseils chez Norton Rose Fulbright, à Montréal. Inquiets du projet de loi relatif à la laïcité, ils ont tous deux rejoint la Coalition inclusion Québec.

« Ce projet de loi, c'est une grande déception et une grande crainte pour la société québécoise, a réagit Me Hussain. On est en train de violer les droits fondamentaux et de tenter de protéger cette violation avec l'invocation de la clause dérogatoire. C'est très inquiétant, non seulement en ce qui concerne la situation des victimes de ce projet de loi mais pour l'avenir général de la société ».

Me Bordan partage ce sentiment. Selon lui, « ça deviendra plus facile d'invoquer la clause dérogatoire de nouveau. On va normaliser l'utilisation de quelque chose qui devrait être exceptionnel ».

Si plusieurs sondages témoignent du soutien d'une majorité de québécois à ce texte, les deux avocats n'y voient pas là une justification à l'adoption du texte.

« C'est justement pour des climats sociaux comme ça qu'il y a une protection constitutionnelle, explique à Droit-inc Me Hussain. Dire que la majorité l'appuie, ça ne dit rien. Ça ne justifie pas une restriction des droits ». Pour Me Bordan, cette situation illustre « la nécessité d'une Charte des droits, c'était une façon de réconcilier les minorités et la majorité ».

Un impact sur les juristes

S'agissant des juristes, le texte du gouvernement vise les avocats et les notaires qui portent un signe religieux exerçant dans le secteur public, qu'ils s'agisse des ministères, des municipalités, des régies ou encore des commissions.

Le texte prévoit toutefois une clause des droits acquis, pour les professionnels déjà en fonction. Ceux-ci ne pourront toutefois plus changer de poste. « Un jeune avocat devra rester à son poste, on ne pourra pas utiliser son expertise », déplore Me Bordan.

Me Azim Hussain peine à trouver la logique de telles dispositions. « C'est présenté au grand public comme visant seulement les positions d'autorité, un argument qui est faible au départ, mais le projet loi ce n'est même pas ça ! Et comment justifier ça pour un avocat qui n'a aucune relation avec le public? » s'interroge-t-il.

Les avocats exerçant en pratique privée seront eux aussi concernés. Le 8° de l'annexe II du texte vise en effet les avocats engagés à l'externe, qui agissent devant un tribunal dans le cadre d'un contrat de services juridiques conclu avec un organisme public.

En conséquence, un avocat arborant un signe religieux ne pourra plus intervenir sur de tels mandats. Une situation qui pousse à la réflexion selon Me Hussain. « On peut s'interroger sur la façon dont les cabinets vont mener leurs campagnes de recrutement. Il y aura peut-être un changement de climat. »

Au moins une chose positive

Portés par leurs inquiétudes, les deux avocats s'impliquent au sein de la Coalition inclusion Québec, lancée récemment.

Celle-ci est intervenue dans le cadre des auditions autour du projet de loi devant la Commission des institutions de l'Assemblée nationale. Elle a également contribué à l'organisation d'une chaîne humaine autour du Palais de justice de Montréal pour protester contre le texte.

« C'est un regroupement de gens de toutes formations, de toutes croyances et non-croyances. S'il y a au moins une chose de positive qui ressort, c'est qu'on découvre toute sorte de gens qui veulent travailler ensemble », a relativisé Me Bordan.


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