Davies poursuit un client...Et gagne!
Emeline Magnier
2014-04-10 15:00:00
Les clients traînent ou se refusent à payer leurs factures d'honoraires et les avocats se trouvent contraints à avoir recours au tribunaux pour pouvoir obtenir le paiement de leurs services. Le cordonnier est le plus mal chaussé, dit l'autre.
Ce n'est pas Davies Ward Phillips & Vineberg qui dira le contraire! Le cabinet d'avocats a saisi la Cour du Québec de Montréal pour obtenir la condamnation de ses clients, - 14129-1433 Bishop Inc., Gestion Elm Bishop Inc. et Elm Developments Corporation, ci après « Bishop» - , au paiement de la somme de 27 146,82 $ à titre d'honoraires et de déboursés professionnels pour l’intervention du cabinet dans le cadre de l'acquisition d'un immeuble.
Par jugement rendu le 18 mars dernier, l'honorable Gatien Fournier a considéré que même si Me Robert Abrams, associé en charge du dossier, n'avait pas entièrement respecté son obligation déontologique de renseignement en omettant d’informer au préalable le client du montant de son taux horaire, rien au dossier ne permettait de conclure que les honoraires facturés n'étaient pas justifiés ou proportionnés aux services rendus. En conséquence, le client a été condamné à payer la totalité de la facture en litige.
Une belle victoire pour Me Hugo-Anthony Babos Marchand, jeune associé de chez Davies, qui représentait son cabinet et qui, rappelons le, était aussi intervenu dans le dossier qui opposait le cabinet d’avocats à son propriétaire quant au montant du loyer. Bishop pour sa part était représentait par Me David Ghavitian.
Me Abrams, associé depuis 27 ans chez Davies et spécialiste en droit immobilier commercial, avait été référé à Elliot Steiner, représentant de Elm Developments, par une connaissance de Toronto.
Ce dernier souhaitait acheter pour la première fois un immeuble sur la rue Bishop, à Montréal, et avait donc mandaté l’avocat pour que Davies agisse pour lui dans le processus d'acquisition et de financement qui s’élevait à 7,3 millions de dollars.
Si le client a payé les trois factures pour un montant total de 5 693,20 $, il s'est opposé au paiement de trois autres qui représentaient une somme de 27 146,82$.
Selon M. Steiner, le montant exigé dépasse les honoraires prévisibles pour une telle transaction et ne sont pas conformes aux discussions préalables portant sur le travail à effectuer.
Pour sa part, Me Abrams, responsable de la facturation pour ce dossier, estime que le montant des honoraires est raisonnable eu égard au mandat confié. Cependant, il indique qu'il n'a pas discuté de son taux horaire - 625$ de l'heure - , ni de ce que pourrait représenter ses honoraires une fois le mandat complété, contrairement à ce qui est prétendu par le client pour ce dernier point. D’ailleurs, de façon générale, « il n’exige pas de dépôt de ses clients pas plus qu’il ne signe de convention d’honoraires », peut-on lire dans le jugement.
Obligation de renseignement
Pour le juge Fournier, le défaut d'informer le client au minimum du taux horaire applicable peut constituer une contravention à l'obligation de renseignement que le Code de déontologie fait peser sur les avocats.
Selon l’article 3.08.04 : L'avocat doit, avant de convenir avec le client de fournir des services professionnels, s'assurer que ce dernier a toute l'information utile sur la nature de ces services ainsi que sur les modalités financières de leur prestation et obtenir son accord à ce sujet, sauf s'il peut raisonnablement présumer que ce client en est déjà informé.
Or, ici rien ne permettait à l’avocat de faire de telles projections alors que les parties n’avaient jamais transigé ensemble et qu’il s’agissait d’une première expérience d’affaires au Québec pour M. Steiner.
Dans une telle situation, la cour rappelle que la sanction se caractérise par une diminution des honoraires, qui peut varier selon les éléments et circonstances propres à chaque affaire. De plus, conformément à l'article 3.08.02, les honoraires doivent toujours être justes, raisonnables et proportionnés aux services rendus.
En l'espèce, le client n'a cependant jamais manifesté de désaccord en recevant les factures intérimaires et les moyens soulevés devant la juridiction pour échapper au paiement ne l'avaient jamais été jusqu'à lors.
De plus, Me Abrams a continué à travailler dans le dossier alors que son bureau n'était pas entièrement payé et M. Steiner a bénéficié des services rendus, reconnaissant d'ailleurs que Me Abrams était un excellent avocat.
« Malgré qu'Abrams n'ait pas entièrement respecté son obligation de renseignement, la preuve présentée par Bishop ne permet pas de conclure que les honoraires facturés ne sont pas justifiés par les circonstances et proportionnés aux services rendus », conclut le juge.
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