Jurisprudence

Un avocat condamné pour comportement judiciaire abusif

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Emeline Magnier

2014-03-26 15:00:00

Pour avoir utilisé la procédure de manière excessive, un avocat a été condamné à verser 10 000 dollars en dommages et intérêts à un parti politique et à son chef…
C’est la décision rendue le 14 mars dernier par le juge Jean-Yves Lalonde de la Cour supérieure dans l’affaire opposant le demandeur, Me Michel Carignan, avocat dans la région de Repentigny, aux défendeurs, le Parti démocratique de Repentigny-Le Gardeur (PDRL) et son chef, Jean Langlois.

Alors que la cause avait été fixée pour enquête et audition pour une durée totale de neuf jours, le demandeur s'est désisté de son recours contre M. Langlois le premier jour du procès, sans même avoir convoqué la cinquantaine de témoins qu'il avait préalablement annoncés.

Considérant que Me Carignan a fait preuve d'un comportement inacceptable et excessif au sens de l'article 54.1 C.p.c. alinéa 2, le tribunal l'a condamné à verser la somme de 10 000 dollars aux défendeurs.

Retour sur les faits

Michel Carignan est avocat dans la région de Repentigny
Michel Carignan est avocat dans la région de Repentigny
Les démêlés entre M. Langlois et Me Carignan remontent à plusieurs années, alors qu’ils faisaient équipe pour le Parti des contribuables en 2005.

En novembre 2006, M. Langlois, alors conseiller municipal, choisi de quitter cette formation politique après avoir été suspendu temporairement par le Directeur général des élections, le parti ayant omis de produire son rapport annuel de dépenses électorales. Il forme alors son propre parti connu comme étant le Parti démocratique de Repentigny-Le Gardeur.

Par requête introductive d'instance déposée en octobre 2010, Me Carignan a poursuivi M. Langlois et le PDRL en raison « de propos diffamatoires que ce dernier aurait colportés à son endroit » et lui réclamait en conséquence 165 000 dollars en dommages-intérêts.

Article 54.1 et suivants du C.p.c.

En réponse, les défendeurs déposaient leur défense et demande reconventionnelle, dans laquelle ils réclamaient 25 000 dollars à titre de dommages-intérêts et 15 000 dollars en remboursement des honoraires extrajudiciaires.

Soulevant le caractère abusif et frivole du recours, ils réclamaient des indemnités équivalentes aux sanctions prévues aux articles 54.1 et suivants du C.p.c.

Après avoir annoncé la convocation de 69 témoins pour faire sa preuve en demande, Me Carignan réduisait finalement la liste de ses témoins à une cinquantaine lors de la tenue d'une conférence préparatoire en mai 2012. La cause était donc fixée pour enquête et audition d'une durée totale de neuf jours - du 10 au 20 mars -, tandis que les défendeurs prévoyaient pour leur part l'audition de 14 témoins.

En date du 3 mars, Me Carignan déposait un désistement contre le PDRL au dossier de la cours.

Pas d’abus de droit

Le 10 mars, premier jour du procès, le demandeur annonçait qu'il se désistait également contre M. Langlois et produisait alors un second désistement daté du 7 mars. Il n'avait par ailleurs assigné aucun des témoins prévus pour l'audition.

Statuant sur la demande reconventionnelle des défendeurs, le juge Lalonde a dans un premier temps considéré que le recours initié par Me Carignan n'était pas manifestement abusif et mal fondé et ne caractérisait pas un abus du droit d'ester en justice.

« Il était et demeure raisonnable pour Me Carignan de croire qu'en apparence Langlois aurait tenu à son endroit des propos de nature à déconsidérer sa réputation. (…) À ce stade, impossible de conclure que le recours judiciaire exercé par Me Carignan puisse être qualifié de poursuite baîllon », peut-on lire dans le jugement.

Comportement inacceptable et excessif

Cependant, le juge a sanctionné l'avocat sur le fondement de l'article 54.1 alinéa 2 du C.p.c pour avoir utilisé la procédure de manière excessive.

Le fait de s'être désisté le premier jour du procès, sans en avoir avisé la juridiction ni la partie adverse au préalable alors que l'acte de désistement était daté de trois jours avant l’audience, est qualifié par la juridiction de comportement judiciaire inacceptable.

De plus, le fait qu’aucun témoin n’ait été assigné alors que le délai de signification d’un subpoena est de cinq jours, démontre que Me Carignan savait une semaine à l’avance qu’il se désisterait de sa procédure.

« Bien qu'il savait qu'il ne procéderait pas à la présentation de sa preuve, Me Carignan a laissé Langlois se préparer pour un procès d'une durée de neuf jours. La conduite de Me Carignan de janvier 2014 au 10 mars relève une insouciance qui déconsidère l'administration de la justice et qui permet d'inférer une intention de nuire à autrui. On doit s'attendre à autre chose d’une partie à un procès et encore plus d'un officier de justice. »

Le juge Lalonde a donc condamné Me Carignan à verser la somme de 10 000 dollars en dommages-intérêts aux défenseurs, selon la formule suivante : 1 000 dollars par jour de préparation ; un jour de préparation pour chaque jour de procès, soit 9 x 1 000 dollars plus 1 000 dollars pour le jour d'audition.

Pour lire le jugement, cliquez-ici.

- Avec QMI
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