Trouver des solutions en temps de crise
Céline Gobert
2016-04-21 11:15:00
Son travail est de venir en aide aux entreprises et aux particuliers qui traversent des périodes d’insécurités ou de difficultés financières. Ses clients sont des débiteurs ou des compagnies, le plus souvent référés par des banques, des firmes comptables ou des avocats. Et ce, dans des domaines variés: construction, pharmaceutique, secteur manufacturier, ou commerce de détail.
En poste depuis le 1er août 2011, l’experte assure que le stress de son métier n’est pas pour tout le monde. « On intervient en pleine atmosphère de crise, on doit alors agir rapidement, pour le futur, et dans des périodes assez courtes. Ça prend quelqu’un capable de négocier, il faut trouver des solutions. » Et les firmes sont loin de ne plus avoir besoin d’elle: une économie qui va mal, et c’est autant de professionnels qui font appel à elle!
Dealer avec tout le monde
L’an passé, son équipe, composée de 12 personnes et dirigée par trois associés dont elle fait partie, était syndic à une faillite d’une compagnie dans le détail qui possédait huit magasins dans tout le Canada. Ils ont mis la compagnie en faillite, car il n’y avait pas assez d’actifs pour couvrir toutes les dettes. Son équipe a alors fait une vente de liquidation, regroupé le stock au Québec, parlé avec les créanciers, et géré les employés. Jusqu’à la fin du processus où ils ont payé un pourcentage aux créanciers.
« D’autres fois, ils peuvent nous appeler pour les guider dans le processus, on agit alors comme consultants, on est le pont entre eux et les banques. » Son équipe a ainsi agi à titre de consultant et de syndic à l’avis d’intention de faire une proposition dans le cadre d’une faillite d’un restaurant basé à Montréal, Laval et Toronto.
« Les clients s’étaient mis sous la protection de la loi sur la faillite. se souvient-elle. Cela fait partie des protections formelles, comme les LAC- loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies - les créanciers ne peuvent pas alors pas entreprendre des procédures contre eux. » Et pendant que la compagnie est sous protection et « respire un peu », son équipe gagne du temps pour « dealer avec tout le monde ».
De l’action, des affaires et de l’aide
Ce n’est pas son seul contact avec le droit. Sheri L. Aberback a également recours au Code civil du Québec, et fait appel au droit des impôts, aux lois du travail, ou encore à la loi de la construction, domaine où elle a plusieurs dossiers en cours. « J’aime l’action, les affaires, travailler avec des avocats, la jurisprudence. Chaque dossier amène ses propres idées, problèmes, et solutions. »
Ce qu’elle préfère? La consultation et la restructuration où elle est capable de donner des solutions aux gens pour qu’ils repartent plus heureux. « Vraiment, insiste-t-elle. Vous êtes capable de les aider, de leur faire comprendre qu’il faut agir. On leur enlève le stress, leur vie de famille s’améliore, c’est très lourd ce type de problème. Donner de l’espoir à ces personnes, c’est valorisant. À la fin, certains nous disent « merci ». »
Chez MNP, elle est la seule associée femme d’un département en expansion. « Le monde de l’insolvabilité, du corporatif et du commercial, c’est un monde d’hommes », dit celle qui a débuté dans le domaine en 1993, d’abord chez Appel et compagnie, puis chez Solange Tremblay et Associés avant de travailler comme associée pendant 17 ans au sein de Aberback, Lapointe et associés. Autant dire qu’elle en connaît un rayon sur l’entrepreneuriat!
Laisser les émotions de côté
En tant qu’entrepreneur, il faut prendre des points de recul et tenter de laisser les émotions de côté, selon elle. « Les entrepreneurs pensent toujours “demain, ça va aller”, c’est l’esprit, leur fondation. Mais parfois ça peut être négatif, ça les empêche de s’arrêter ou de voir la réalité. »
Les erreurs à ne pas commettre? « Ne pas négliger l’administration, même si l’on a quelqu’un de fort dans les ventes. » Se méfier des expansions trop rapides, des dépenses trop importantes dans les infrastructures quand les ventes ne sont plus au rendez-vous. Il faut faire attention aussi quand le dirigeant est le vendeur principal. « Que se passe-t-il s’il tombe malade ou qu’il doit se retirer un moment? Deux ou trois ans peuvent suffire pour ruiner 20 ans de travail! »
Parfois, les menaces sont externes à l’entreprise. « Par exemple, l'Alberta est très occupée en ce moment avec ce qui se passe avec le baril d’huile », dit-elle. L’économie, bien entendu, a un impact direct sur les affaires. Les faillites des plus grands aussi, comme celle de Target, qui peuvent se répercuter sur les plus petits. Ou encore le taux de change. « Quand le dollar canadien était élevé par rapport au dollar US, les gens qui exportaient ont eu des problèmes du jour au lendemain! Ils perdaient 20, 30 ou 40% de leur chiffre d’affaires. »
Finalement, le plus important est d’effectuer ses propres analyses de façon régulière et de ne pas se voiler la face. « Le monde vient toujours nous voir six mois trop tard, déplore celle qui se définit comme une « problem-solver ». La passion peut parfois rendre aveugle et empêcher de réaliser que les affaires vont mal. »
Elle a reçu la désignation de professionnelle agréée de l’insolvabilité et de la réorganisation (PAIR) en 1997, après avoir obtenu un baccalauréat en commerce de l’Université Concordia. Elle a été désignée examinatrice agréée en matière de fraudes (CFE) en 2004.
Elle est aussi membre du conseil d’administration de l’Association québécoise des professionnels de la réorganisation et de l’insolvabilité (Conseil des syndics de faillite du Québec – CSF) et membre de l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation (ACPIR).