AMF : l’immunité d’enquête annulée par un juge
Mathieu Galarneau
2019-10-08 11:15:00
C’est ce qu’a conclu le juge Benoît Emery de la Cour supérieure en rejetant une requête en irrecevabilité déposée par l’AMF dans le cadre d’une poursuite qui allègue que l’Autorité a brimé les droits fondamentaux garantis par la Charte d’un rabbin et sa famille.
Ces derniers sont représentés par Mes Julius Grey et Mathieu Laplante-Goulet de Grey Casgrain tandis que l’AMF a fait appel aux services de Mes Maud Rivard et Catherine Pilote Coulombe de Stein Monast.
Le 12 septembre 2017, six enquêteurs de l’AMF, accompagnés de deux policiers en uniforme, cognent à la porte du rabbin Momi Pinto avec un mandat de perquisition à 7h du matin, dans Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce. L’opération dure six heures.
C’est Yosef Ifergan qui est visé par l’AMF dans son enquête pour délit d’initié dans l’affaire Amaya. L’AMF a d’ailleurs jeté l’éponge dans cette histoire qui visait l’achat du site PokerStars par Amaya (devenue Groupe Stars) en 2014 pour 5 milliards $US. L’AMF menait trois enquêtes parallèles qui n’ont finalement abouti sur aucune accusation.
Yosef Ifergan n’habitait plus la résidence du rabbin sur l’avenue McLynn… depuis plus de cinq ans.
Le rabbin Pinto et sa femme Gali Benetar poursuivent donc l’AMF pour 230 000 $ pour perquisition « abusive et illégale », à l’encontre de droits protégés par la Charte des droits et libertés de la personne. De plus, leurs téléphones cellulaires auraient été analysés par l’AMF, ce qui aurait nécessité un autre mandat selon la poursuite. À titre de rabbin, M. Pinto ajoute que ses communications avec les gens de sa communauté sont privilégiées.
L’AMF estimait que la Loi sur les valeurs mobilières lui donnait une immunité dans ses enquêtes et que la requête du rabbin était dès lors irrecevable.
« Existe-t-il une possibilité que le juge en arrive à l’une ou l’autre des conclusions suivantes soit mauvaise foi, abus de pouvoir, insouciance grave ou atteinte intentionnelle aux droits fondamentaux des demandeurs par la Charte des droits et libertés de la personne? L’examen de toutes les allégations de la demande introductive d’instance porte à croire que cette possibilité existe », écrit le juge Emery dans sa décision.
Il serait donc « téméraire » selon lui de juger irrecevable la poursuite à ce stade-ci.
« Ce qui n’a vraiment pas de bon sens, à mon avis, c'est que l'AMF a tenté d’utiliser leur immunité légale pour dire "on a le droit de faire ce qu'on veut". C'est grave. Le juge Emery, à bon droit, a bien répondu à la question », estime Me Laplante-Goulet.
Rejoint par Droit-inc, Me Rivard a informé que l’AMF analysait « la décision pour positionnement ultérieur, mais sachant bien que ce jugement ne décide aucunement du fond du dossier, nous contestons la poursuite et un procès éventuel en décidera ».