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Des médias canadiens s’unissent pour poursuivre en justice OpenAI

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Radio-Canada Et Cbc

2024-12-06 12:00:21

François-Philippe Champagne, Marie-Jean Meurs et Alain Saulnier. Sources : Chambre des communes, UQAM, LinkedIn, Radio-Canada / Reuters / Dado Ruvic / Illustrasyon
François-Philippe Champagne, Marie-Jean Meurs et Alain Saulnier. Sources : Chambre des communes, UQAM, LinkedIn, Radio-Canada / Reuters / Dado Ruvic / Illustrasyon
Une coalition de médias canadiens accuse OpenAI d’utiliser illégalement leurs contenus pour entraîner ChatGPT et réclame des millions en dommages-intérêts.

Une coalition de médias canadiens, qui comprend CBC/Radio-Canada, The Globe and Mail, La Presse Canadienne, Postmedia et le Toronto Star, a lancé une poursuite contre le géant de la technologie OpenAI, l’accusant d’utiliser leurs contenus en ligne sans leur consentement pour entraîner son logiciel d'intelligence artificielle (IA) générative ChatGPT.

Dans leur poursuite, déposée vendredi devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, les organismes médiatiques demandent des dommages-intérêts à OpenAI, accusant l’entreprise spécialisée dans l’IA de générer « des milliards de dollars de revenus annuels » en utilisant de manière illégale leur travail journalistique.

« Les sociétés de médias d'information n'ont jamais reçu d'OpenAI aucune forme de contrepartie, ou de paiement, en échange de l’utilisation par OpenAI de leurs contenus », précise le document de la plainte.

Les entreprises médiatiques réclament aussi une « injonction permanente » interdisant à OpenAI d’utiliser leurs contenus.

« Les sociétés de médias d’information investissent des centaines de millions de dollars dans la couverture d’événements d’importance pour les Canadiens, dans la réalisation d’enquêtes et de reportages originaux, et dans la distribution de médias dans les deux langues officielles dans chaque province et territoire du pays », indique dans un communiqué le cabinet juridique de la coalition médiatique, Lenczner Slaght LLP.

« Ces contenus sont protégés par le droit d’auteur », précise le texte.

« Les sociétés de médias d’information accueillent favorablement les innovations technologiques. Cependant, tous les intervenants doivent respecter la loi et toute utilisation de la propriété intellectuelle doit se faire dans des conditions équitables », peut-on lire dans un extrait du communiqué de presse des avocats de la coalition médiatique.

« OpenAI enfreint régulièrement les droits d’auteur et les conditions d’utilisation en ligne en moissonnant de larges pans de contenu des médias canadiens pour aider à développer ses produits, tels que ChatGPT », accusent encore les avocats des plaignants. « OpenAI capitalise et profite de l’utilisation de ce contenu, sans obtenir d’autorisation ni dédommager les propriétaires de contenu. (...) C’est illégal ».

Interrogé par Radio-Canada, OpenAI n'a pour l'heure fait aucun commentaire.

En décembre 2023, le quotidien américain New York Times a lancé des poursuites auprès d'un tribunal fédéral à New York à l'encontre d'OpenAI ainsi que de Microsoft, son principal investisseur, pour violation des droits d'auteur.

En France, le journal Le Monde est le seul média à avoir conclu une entente avec OpenAI pour l'usage de son contenu francophone.

« C'est du vol! »

Interrogé par Radio-Canada, Alain Saulnier, auteur du livre Tenir tête aux géants du web, salue la poursuite intentée par les médias canadiens contre le géant technologique et affirme qu'elle « s’inscrit dans un mouvement beaucoup plus large qui s’est développé aux États-Unis et en Europe ».

« Les médias voient le danger qui existe quand il n’y a pas d’ententes, parce que cette entreprise utilise les (contenus médiatiques) pour pouvoir bâtir une mémoire qui va permettre à ChatGPT de répondre aux questions posées par des individus. C’est du vol! », dit Alain Saulnier.

Le constat est le même du côté de Marie-Jean Meurs, professeure en intelligence artificielle à l’Université de Québec à Montréal (UQAM) et cotitulaire de la Chaire de recherche du Québec sur la découvrabilité des contenus scientifiques en français.

« Il est temps que l’environnement médiatique s’unisse contre ce type de pratiques », a-t-elle dit dans un entretien accordé à Radio-Canada.

Cependant, selon Mme Meurs, qui est également vice-présidente du Conseil des chercheurs de l'Alliance de recherche numérique du Canada, les médias doivent chercher à obtenir bien plus qu’une simple compensation financière de la part des géants technologiques comme OpenAI afin de parvenir à mettre fin au vol de contenus.

« Dans un monde idéal, qui respecte la loi, ce type de compagnie aurait dû aller voir les médias d’information et exprimer son souhait d’utiliser leurs contenus », tout en demandant leur consentement pour le faire et combien cela va leur coûter, a-t-elle ajouté.

« Il faut mettre un terme à l'idée que l'on peut s'approprier le bien d'autrui, la propriété intellectuelle d'un tiers (...) la valoriser à son propre profit, et puis ensuite de donner un peu d’argent si jamais les personnes ont les moyens de se retourner contre vous, soutient Marie-Jean Meurs. Il faut vraiment sortir de ce schéma-là ».

Il faut un « cadre », selon Ottawa

Appelé à réagir, le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, François-Philippe Champagne, a dit « suivre de près » la poursuite des médias canadiens contre OpenAI, affirmant qu’elle survient « à un moment opportun ».

« Nous sommes à l’aube d’une technologie qui va révolutionner à peu près tous les secteurs de l’économie dans tous les pays du monde, et là, on a besoin d’établir des balises. On a besoin de se donner un cadre », dit-il.

En juin 2022, le gouvernement canadien a suivi les traces de l’Union européenne en déposant le projet de loi C-27, qui propose un encadrement législatif de l’intelligence artificielle, mais deux ans plus tard, son adoption se fait toujours attendre.

Le ministre Champagne se montre toutefois confiant malgré les retards: « Est-ce qu’on peut avoir un cadre législatif pour faire face aux grands de ce monde du domaine numérique? demande-t-il. Moi, je vous dis oui ».

« Je pense qu’avec les nouveaux pouvoirs qu’on a donnés au Bureau de la concurrence du Canada (...), on voit des développements qu'on n'avait pas vus depuis longtemps », ajoute-t-il, en référence à la poursuite lancée la veille contre Google.

Le Bureau de la concurrence du Canada accuse en effet la multinationale américaine d’avoir commis des gestes illégaux pour maintenir sa domination sur le marché de la publicité en ligne au pays. Le principal intéressé réplique qu'il n'a rien à se reprocher et qu'il est prêt à se défendre.

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