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Faut-il payer les plaideurs selon leur taux de succès?

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Jean-Francois Parent

2016-10-03 15:00:00

Évaluer les plaideurs selon leur taux de réussite pourrait forcer les cabinets à revoir leur modèle d’affaire… et amener les boutiques sur un pied d’égalité avec les grandes firmes!
Guy Kurlandski est chef de la direction et l’un des deux fondateurs de Premonition
Guy Kurlandski est chef de la direction et l’un des deux fondateurs de Premonition
« C’est du moins ce que nous pensons », explique à Droit-inc Guy Kurlandski, chef de la direction et l’un des deux fondateurs de Premonition, une société américaine spécialisée dans l’analytique d’affaire couvrant le monde juridique.

Premonition, c’est aussi le nom du logiciel d’intelligence artificielle promu par la société. Présenté comme « la plus importante base de données sur le litige au monde », il permet d’évaluer le taux de réussite d’un plaideur, le temps qu’il consacre à un litige et le rapport coûts-bénéfices qu’il offre.

Depuis le début du mois de septembre, le logiciel offre ses services au Canada, où il complète actuellement l’analyse de plus de 42 000 jugements, rendus dans toutes les cours, tant fédérales que provinciales. La firme aimerait bien faire au Canada ce qu’elle fait présentement aux États-Unis : utiliser les méga données pour changer le visage du monde juridique.

Pour ses clients, surtout des grandes sociétés et des institutions financières, la Premonition compile et analyse des centaines de milliers de causes. Ainsi, pour un assureur du Nevada qui ne savait où donner de la tête dans un litige, Premonition a analysé quelque 15 000 litiges impliquant des assureurs de la région de Reno, ville importante de l’État.

« Nous avons découvert qu’un avocat pratiquement inconnu, qui travaillait depuis un centre d’achat, avait reporté chacune des 22 causes qu’il a plaidé contre des assureurs. Notre client l’a donc embauché pour l’aider dans sa démarche », dit Guy Kurlandski, référant à la situation comme étant sortie tout droit de la télésérie Better Call Saul.

Un mauvais rapport qualité-prix

« La profession légale est l’une de celle où le prix payé n’est pas une garantie de qualité. C’est un marché brisé », constate Guy Kurlandski.En effet, l’analytique révèle qu’il n’existe aucune corrélation entre le prix payé à un avocat et son taux de succès.

La profession juridique est en fait symptomatique de ce que les économistes qualifient de Bien de Giffen : plus le prix d’une marchandise est élevée, plus sa valeur perçue est élevée.

« Pourtant, nos analyses révèlent que les grandes firmes, qui coûtent le plus cher, offrent souvent les pires taux de succès, soutient Guy Kurlandski. En analysant les honoraires des avocats, puis en les recoupant avec leur taux de succès, on remarque que certains avocats de grandes firmes ne méritent pas mieux qu’un salaire de 20 $ l’heure, tandis que certains avocats de boutiques vaudraient au moins le double de ce qu’ils gagnent. »

Gagner une cause : l’affaire d’une personne?

Me Fernando Garcia, directeur des affaires juridiques de Nissan Canada et administrateur de Premonition.
Me Fernando Garcia, directeur des affaires juridiques de Nissan Canada et administrateur de Premonition.
Premonition soutient en effet que ses analyses pourraient faire pencher la balance envers des avocats de plus petites firmes. « Une société qui a besoin d’un plaideur dans un litige pourrait ainsi constater que le meilleur avocat n’est pas tel ou tel associé d’une grande firme, mais plutôt une femme d’un petit cabinet », poursuit Fernando Garcia, directeur des affaires juridiques de Nissan Canada et administrateur de Premonition.

Me Garcia soutient que beaucoup de dossiers importants, dans une firme, sont confiés aux membres d’un boy’s club. Premonition pourrait permettre plus de diversité. « Les données nous disent que les femmes sont de bien meilleures plaideuses que les hommes; les associées ont un taux de succès de 12 pour cent supérieur à celui des hommes », explique-t-il.

Il y a plus : « Nous pouvons également identifier des tendances. Par exemple, un constructeur automobile a fait appel à nous pour identifier de quoi les gens se plaignent le plus, et comment cela oriente les litiges », ajoute Guy Kurlandski.

Soyons justes cependant, la taille de la firme a peu d’incidence sur le taux de succès lors d’un litige. « En fait, gagner ou perdre un litige est l’affaire d’une personne, pas d’un cabinet, révèlent nos analyses », ajoute Fernando Garcia.

Par contre, il semble clair, pour Premonition, que les clients qui choisissent un grand cabinet plutôt qu’un avocat précis se retrouvent souvent avec des plaideurs médiocres.

« Une fois que l’analytique fera partie des critères utilisés pour choisir les avocats, ça ne m’étonnerait pas que bien des cabinets revoient leur modèle d’affaire. Et que les petites boutiques se retrouvent avec des gros clients. Et que des firmes se débarrassent du bois mort… », conclut Guy Kurlandski.

Alors, êtes-vous prêts pour cette révolution?
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