La cause de Guy Turcotte en délibéré

La Presse Canadienne
2014-11-11 07:00:00

Le Code criminel prévoit qu'une demande de remise en liberté peut être refusée lorsque l'on craint qu'une personne ne quitte le pays avant son procès, lorsque la détention est nécessaire pour protéger le public ou "pour ne pas miner la confiance du public envers l'administration de la justice".
Le juge Vincent avait tranché que Guy Turcotte ne représentait plus un danger pour lui-même, pour son ex-conjointe et pour la société en général. De plus, selon le magistrat, un public bien informé des tenants et des aboutissants de la cause ne serait pas choqué par cette décision.
La Couronne croit plutôt que le juge Vincent a erré et a commis des erreurs de droit importantes qui justifient une intervention de la Cour d'appel. Le procureur de la Couronne, Me René Verret, est ainsi d'avis que la remise en liberté de l'homme mine la confiance du public envers la justice.
Selon lui, il n'y a qu'à lire dans les journaux les réactions des Québécois pour comprendre que le public remet en question le système de justice pour son traitement de la cause de Guy Turcotte. Il a déposé une liasse d'articles publiés par différents quotidiens pour étayer son argument.
Selon lui, le juge Vincent a utilisé un critère erroné: lorsqu'on évalue si le public peut perdre confiance envers la justice, ce public est composé de personnes ordinaires et non pas de gens qui connaissent tous les rouages du droit et des tribunaux. Le "public" n'a pas à connaître la Charte des droits, la Constitution et les jugements de la Cour suprême, juge Me Verret. "On ne peut pas exiger cela", a-t-il plaidé.
L'avocat de Guy Turcotte, Me Pierre Poupart, a plutôt fait valoir que les tribunaux "sont le rempart contre la passion publique, la déraison publique", comme cela a été le cas pour l'affaire Turcotte.
La Cour d'appel n'a pas précisé quand elle allait rendre sa décision.
Isabelle Gaston, l'ex-femme de Guy Turcotte, et mère des deux enfants assassinés, Olivier, 5 ans, et Anne-Sophie, 3 ans, était présente à la Cour lundi pour écouter les plaidoiries des avocats.
Elle a dit essayer de ne pas penser au fait que Guy Turcotte est actuellement en liberté.
"Je me sens abandonnée par le système de justice. (...) Si je le croise, je vais me protéger. J'ai peur de cet individu-là. Je rêve la nuit qu'il m'attaque, qu'il rentre chez moi", a-t-elle dit peu avant l'audience en Cour d'appel.
Elle est en désaccord avec les conclusions du juge Vincent qui a déterminé qu'elle n'était pas en danger.
Pour en arriver à cette conclusion, il faut croire que la maladie mentale est responsable à 100 pour cent de ses actes, explique-t-elle. Or, si seulement une partie de sa motivation était plutôt la vengeance, personne ne sait s'il ne cherchera pas à se venger à nouveau.
"Guy, si tu regardes la télé, je te souhaite de savourer ta liberté, de regarder le soleil, les nuages et de penser à tes enfants, ne serait-ce que pour eux et non pas pour un système qui ne fonctionne pas", a-t-elle déclaré après l'audition, la voix cassée par l'émotion.
Lors du premier procès fort médiatisé, un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux avait été rendu. En novembre 2013, la Cour d'appel avait ordonné la tenue d'un nouveau procès et l'annulation du verdict avait entraîné la remise en état d'arrestation de Guy Turcotte. Cette décision de la Cour d'appel est actuellement devant la Cour suprême.
Lundi après-midi, une dizaine de personnes manifestaient devant le bâtiment qui loge la Cour d'appel à Montréal. Tenant des affiches sur lesquelles on pouvait lire "Justice, donnez-nous confiance" ou "Une vraie justice pour Olivier et Anne-Sophie", ces citoyens disaient vouloir notamment apporter leur soutien à Isabelle Gaston, tout en dénonçant ce qu'ils considèrent être un cafouillage du système.