Le sénateur Boisvenu devra rembourser une partie de ses dépenses

C’est ce qu’a conclu lundi l’ex-juge de la Cour suprême, Ian Binnie, mandaté par le Sénat à titre d’arbitre spécial pour réviser les conclusions d’un audit du vérificateur général rendu public en juin dernier.

Au total, 14 sénateurs et ex-sénateurs ont fait appel au magistrat pour réviser leurs dépenses jugées non conformes par le vérificateur général Michael Ferguson.
D’après le rapport de l’arbitre, les sénateurs devront ensemble rembourser un peu plus de la moitié des réclamations au Sénat, soit 177 898 $ sur 322 611 $ et auront 30 jours pour prendre des arrangements à cette fin avec la Chambre haute.

Désinvolte

Selon M. Binnie, les règles du Sénat sur les dépenses sont suffisamment claires. Il blâme plutôt l’attitude de certains sénateurs.

«(…) le problème qu’ont connu plusieurs des sénateurs visés par le vérificateur général ne relevait pas tant de la clarté des règles que de leur attitude désinvolte devant les limites de ce à quoi ils ont droit», écrit-il.

Selon ses conclusions, le sénateur Boisvenu, écarté du caucus conservateur dans la foulée des révélations, devra rembourser 20 467 $ des 60 168 $ qu’il contestait.

M. Binnie a notamment déterminé que M. Boisvenu n’était pas autorisé à réclamer 15 826 $ en frais d’hébergement et en indemnités journalières en 2012, puisqu’il était considéré comme un résidant d’Ottawa et non de Sherbrooke. Le sénateur était alors en instance de séparation avec son épouse.

«(…) il n’y a pas de raison que les frais de subsistance du sénateur Boisvenu à Ottawa en 2012 soient couverts par les deniers publics alors qu’en fait, il s’agissait de sa résidence primaire, cette année-là au moins», écrit-il dans son rapport.

En revanche, l’ex-juge a exonéré le sénateur pour des frais de déplacement questionnables de 38 576 $ réclamés dans le cadre d’entrevues avec les médias, des conférences en lien avec sa croisade en faveur des droits des victimes.

M. Binnie s’est dit en «désaccord» avec le vérificateur général selon qui les activités de M. Boisvenu en faveur des droits des victimes étaient de nature «personnelle» plutôt que «parlementaire».

L’ex-juge souligne d’ailleurs «la persévérance» du sénateur «pour que soient davantage reconnus les droits des victimes de crimes violents». Il fait valoir que l’engagement de M. Boisvenu était un «point essentiel du programme du gouvernement conservateur» dont il était le porte-parole le plus visible du Québec.

«Secoué» par l’audit du vérificateur général, M. Boisvenu s’est dit satisfait des conclusions de M. Binnie. Il espère qu’elles vont «redonner de la crédibilité» à sa cause envers les victimes d’actes criminels.

«Il reconnaît le travail que j’ai fait et la mission que j’avais au Sénat, donc pour moi c’était primordial. (…). C’est un baume sur cette plaie-là», a-t-il réagi.

Dagenais portera plainte

Le sénateur Jean-Guy Dagenais devra pour sa part rembourser 2267 $ des 3538 $ en dépenses de déplacement de son adjoint essentiellement entre Montréal et Ottawa. Il s’est dit «soulagé» par les conclusions de M. Binnie.

M. Dagenais entend déposer dans les prochains jours une plainte formelle à l’Ordre des comptables professionnels certifiés de l’Ontario contre Micheal Ferguson. Il l’accuse d’avoir été «négligent et d’avoir manqué à son devoir professionnel».

Le bureau du vérificateur général a réagi au dépôt du rapport du juge Binnie en défendant son audit, qui concluait qu’une trentaine de sénateurs et d’ex-sénateurs avaient réclamé des dépenses illégitimes totalisant près d'un million de dollars entre 2011 et 2013.

«Notre audit a fait ressortir qu’à l’échelle de l’institution, il existait des lacunes fondamentales et inacceptables sur le plan de la surveillance, de la reddition de comptes et de la transparence entourant les dépenses des sénateurs et sénatrices. Je reste convaincu du fait que le Sénat doit mettre en œuvre nos recommandations et transformer la manière dont les dépenses des sénateurs et sénatrices sont gérées et surveillées», a déclaré M. Ferguson.