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Les domaines de pratique qui bougent chez Fasken

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Camille Dufétel

2023-04-04 15:00:00

Récession, inflation, hausse des taux d’intérêt… Quelles répercussions liées à la période actuelle vivent les grands cabinets québécois ? Deux associés répondent…
Mes Éric Bédard et Constantinos Ragas. Source: Fasken
Mes Éric Bédard et Constantinos Ragas. Source: Fasken
Droit-Inc a demandé à deux associés du cabinet Fasken si la récession se faisait ressentir dans certains domaines de pratique, si certains étaient plus ou moins occupés, et comment les lignes bougeaient.

« Oui, nous sommes dans une période de mouvements, les cabinets d’avocats vivent les mouvements dans l’économie », assure Me Éric Bédard, associé directeur de Fasken pour la région du Québec.

Pour lui, le fait que Fasken soit un cabinet « ''full service ''» fait d’autant plus en sorte que les avocats vivent ces mouvements dans chacun des groupes de pratique.

« Ce n’est pas tant que nos groupes ne sont plus occupés, c’est plutôt qu’ils ne font pas exactement la même chose qu’avant, ajoute-t-il. C’est surtout ça qui fait une différence. »

Plus de collaboration en personne

En clair, les besoins des clients se modulent beaucoup. Concrètement, quelle est l’incidence de ces changements sur les avocats en place ?

La réponse de Fasken sur ce point est que le taux d’occupation reste le même, mais que cela prend clairement une capacité d’adaptation encore plus forte de la part des équipes.

Webinaires, partage d’informations... Le développement professionnel est particulièrement pris au sérieux par les temps qui courent. Cybersécurité, batteries, hydrogène, guerre en Ukraine... Les avocats doivent être encore plus à l’affût de l’actualité.

Dans ce contexte, le cabinet met plus que jamais l’accent sur le mentorat. Cela signifie, dans l’ère post-pandémie, un retour à la collaboration au bureau pour se partager de l’expertise de personne à personne, plutôt qu’en ligne, sur des dossiers un peu différents, qui mobilisent des équipes multidisciplinaires.

Le cabinet est toujours à la recherche de profils très nichés, mais forme aussi beaucoup ses avocats à l’interne. Ils doivent être capables d’entrevoir et de comprendre les risques d’affaires des clients et d’être des partenaires d’affaires.

Réévaluation de main d’œuvre

Le groupe droit du travail, fort de 54 avocats au Québec, remarque plus de réévaluation de la main-d'œuvre de la part des clients, même si selon Me Bédard, cela dépend des domaines industriels.

« Les mises à pied en droit du travail, ça faisait un bout de temps qu’on ne faisait pas ça ».

Les négociations de conventions collectives seraient par ailleurs plus serrées.

« On vit une période assez unique et dans le groupe de droit du travail, on voit dans quelques secteurs industriels un certain ralentissement, assure l’associé directeur, alors que pour d’autres, c’est encore très fort. »

Dans le secteur manufacturier, par exemple, il n’y a en ce moment d’après lui aucun ralentissement. Il précise que la réorganisation des chaînes d’approvisionnement a fait en sorte que la production locale des biens et services a augmenté et continue de le faire.

Dans le secteur des technologies, pour les entreprises dont les preuves de concept sont faibles, le bassin d’acteurs pouvant les financer est encore plus élevé, compte tenu du fait qu’ils vont moins se risquer sur des entreprises en début de développement, selon le Barreau 1989.

« Ce qu’on voit, c’est qu’il y a une concentration de capital dans les meilleures compagnies, celles avec le meilleur potentiel », ajoute pour sa part Me Constantinos Ragas, membre du groupe droit des sociétés et droit commercial de Fasken depuis 2010.

Dans des secteurs qui sont complètement en développement, les gens vont prendre un peu moins de risques, pointe par ailleurs Me Bédard.

Renégociation de contrats

Les 21 avocats de Fasken au Québec en financement bancaire passent d’un milieu où il y avait beaucoup de nouveaux emprunts à une période où il y a plus de renégociation de ceux existants.

Une petite tendance que Fasken observe depuis un bon cinq à six mois. Dans un contexte de hausse des taux d’intérêt, « les gens en profitent pour revoir leurs arrangements bancaires afin de se mettre à l’abri de cette hausse », d’après Me Bédard.

Moins d’appels publics à l’épargne

Dans le domaine des marchés de capitaux, « c’est sûr qu’on fait beaucoup moins de premiers appels publics à l’épargne », relève-t-il. Cela implique une prise de risques par les investisseurs, et le goût du risque est en ce moment assez faible, selon lui.

D’après Me Ragas, ces premiers appels publics à l’épargne étaient avant une façon d’aller chercher des liquidités. Mais il a observé un changement qu’il attribue en fait à la récession de 2008.

À savoir qu’il y a davantage de capital privé disponible. « Tout dépendant du montant qui doit être levé, ça change l’évaluation des entreprises qui vont se demander si elles ne préfèrent pas rester privées pour l’instant, combler l’écart avec du financement privé. »

Une fois que « les choses se stabiliseront », l’associé anticipe plus d’appels publics.

Plus de fusions-acquisitions

Le contexte actuel n’a en tout cas pas empêché le cabinet d’agir à titre de conseiller juridique d’Uni-Sélect sur une récente transaction de près de trois milliards de dollars, souligne Me Bédard.

Le 27 février dernier, LKQ Corporation concluait en effet une entente définitive pour acquérir Uni-Sélect Inc., chef de file dans la distribution de revêtements de finition automobile et industriels et de produits connexes en Amérique du Nord.

Me Bédard observe ainsi plutôt beaucoup d’activités de fusions-acquisitions et des privatisations.

Gros dossiers d’insolvabilité

Les litiges, pour leur part, se poursuivent et les 69 avocats du groupe litiges et résolutions de conflits sont toujours très occupés.

« La réalité, c’est qu’on a de gros dossiers d’insolvabilité », assure Me Bédard, citant le cas du Groupe Sélection. Mais il ajoute que « les banques y regardent quand même à deux fois avant d’acculer les gens ». Ces dernières seraient encore très à l’écoute de leurs clients, d’après ce que Fasken observe.

Il est certain qu’en période de restriction économique, les gens poursuivent leurs litiges, parce qu’il y a moins de capital disponible, pointe aussi l’associé directeur, qui observe cela depuis la fin 2022. « Les gens achètent moins la paix ».

Terrains industriels recherchés

Sur le plan immobilier, le groupe de 30 avocats voit les marchés de condominiums et ceux concernant les commerces avoir une progression plus difficile, remarque Me Bédard.

Mais il voit au contraire une forte demande pour les terrains industriels au Québec, dans un monde post-Covid de relocalisation de la production industrielle. Les immeubles à loyers seraient aussi très recherchés.

Il ajoute que les projets déjà existants ne semblent pas beaucoup affectés. Il pense que les propriétaires immobiliers à Montréal sont des entreprises fortes qui ont la capacité d’attendre le retour d’un cycle économique favorable sans liquider leur portefeuille.

Réinvestissement tranquille

« Dans le secteur du ‘private equity’, on a commencé à voir à la fin du printemps, à l’été et au début de l’automne, une évaluation des sociétés en portefeuille, et il y a un ajustement des attentes des vendeurs », remarque Me Bédard, alors que le groupe des capitaux privés compte 67 avocats au Québec.

Après une période d’observation, les grands acteurs de capitaux privés se mettent ainsi d’après lui à rééxaminer les opportunités de marchés en voulant peut-être profiter d’un réajustement des attentes des vendeurs.

Il souligne que cet ajustement, et éventuellement ces évaluations de sociétés en portefeuilles, sont faits, et que l’on entre ainsi dans une phase de réinvestissement. Mais celle-ci prend plus de temps.

« C’est une grande constante que l’on a, les vérifications diligentes, les déploiements de capital, sont assujettis à des validations plus fortes que dans les périodes de prospérité traditionnelles », remarque Me Bédard.

De façon générale, ajoute Me Ragas, il y a toujours des exceptions sur le profil de risque. « Parfois, il faut sauter sur l’opportunité quand elle est présente et on n’a pas le luxe d’attendre les vérifications diligentes ».

Plans d’affaires réévalués

Pour ce qui est des compagnies de technologie émergentes, celles-ci ne vivent pas nécessairement de leurs revenus, elles doivent dépenser selon les instructions de leurs investisseurs, explique Me Ragas.

« Là, on réévalue le plan d’affaires afin d’être certain qu’on a assez de temps avec notre taux d’utilisation du capital déjà levé pour se rendre à notre prochaine ronde de financement, poursuit-il. Si la réponse est oui, tant mieux, sinon, il faut s’ajuster, et c’est là qu’on réévalue les stratégies de ces compagnies en termes d’embauche et de développement ».

Il s’agirait de discussions plus présentes ces temps-ci, remarque-t-on dans le groupe des technologies émergentes, fort de plus d’une trentaine d’avocats.

Contexte difficile... encore longtemps ?

De manière générale, il a été plus difficile pour les investisseurs de se faire un plan d’affaires à terme, croit Me Bédard, à cause des hauts taux d’intérêt et de l’inflation, qui était jusqu’à tout récemment moins contrôlée.

Aujourd’hui, certains facteurs macro-économiques continueront selon lui à avoir un impact sur la situation. Tant que la guerre en Ukraine ne sera pas réglée, il pense qu’une certaine instabilité continuera d’animer les marchés.

Il cite notamment les tensions commerciales qui naissent de la relocalisation de l’industrie, qu’il s’agisse de la production de lithium, de terres rares ou de panneaux solaires.

Pour ce qui est de l’inflation, il remarque que celle-ci a encore diminué aux États-Unis, qu’elle est en baisse significative depuis les six derniers mois. Il souligne aussi que la Banque centrale du Canada a déjà mis une pause sur ses hausses de taux d’intérêt.

Me Ragas l’assure, c’est une question de temps, mais les marchés vont se stabiliser.

L’activité chez Fasken demeure quoi qu’il en soit élevée, insiste Me Bédard, le contexte amenant surtout les gens à refaire des choses qu’ils n’avaient pas faites depuis un certain temps.
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1 commentaire
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    Demain, tu pelletteras des nuages
    @ Jacques B. se mentir, c'est un peu s'en sortir.

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