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Projet de loi C-9 sous la loupe du ministre fédéral de la Justice

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Radio -Canada

2023-06-12 11:15:00

Un ministre conteste des amendements du Sénat concernant le projet de loi visant à réformer le processus d'examen de la conduite des juges.
David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada, en mai dernier. Source: La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada, en mai dernier. Source: La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Le cabinet du ministre fédéral de la Justice soutient que certains amendements apportés par le Sénat à un projet de loi visant à réformer le processus d'examen de la conduite des juges produiraient l'effet contraire de ce que le gouvernement tente d'accomplir.

Le projet de loi C-9 modifierait la Loi sur les juges afin de créer un nouveau processus permettant au Conseil canadien de la magistrature d'examiner les allégations d'inconduite qui ne sont pas suffisamment graves pour justifier la révocation d'un juge.

Au cabinet du ministre David Lametti, on rappelle que ce projet de loi est le fruit d'une vaste collaboration avec des juges de tout le pays. « Certains amendements proposés par le Sénat sont contraires à l'intention du projet de loi, qui est de renforcer la surveillance et l'efficacité du processus d'inconduite des juges », a indiqué l'attachée de presse du ministre Lametti, Diana Ebadi, dans une déclaration écrite.

Dans la déclaration écrite on peut également lire que « le ministre Lametti croit que le but de C-9 est de réformer le processus d'inconduite des juges, qui est désuet et s'est parfois avéré inefficace et coûteux. Il se concentre sur l'amélioration et le renforcement de la confiance dans le processus, tant pour les juges que pour le grand public. Sa priorité est d'adopter une loi qui permettra d'atteindre cet objectif ».

La Chambre des communes avait adopté à l'unanimité, en décembre, ce projet de loi qui préciserait également à quel moment un juge peut être révoqué, et modifierait la façon dont le Conseil de la magistrature fait rapport de ses recommandations au ministre de la Justice.

Le Conseil canadien de la magistrature a autorité sur les juges nommés par le gouvernement fédéral; il reçoit, examine et traite les plaintes sur la conduite de ces magistrats. Le Conseil est indépendant des pouvoirs législatif et exécutif.

Le projet de loi C-9 créerait par ailleurs un nouveau comité chargé d'examiner les plaintes et de déterminer si la révocation d'un juge peut être justifiée. Si ce n'est pas le cas, la plainte pourrait être rejetée, ou alors le comité d'examen pourrait prendre des mesures pouvant inclure une réprimande, un avertissement ou ordonner à un juge de s'excuser, de suivre une thérapie ou de participer à un atelier complémentaire.

Si le comité d'examen jugeait la plainte suffisamment grave pour envisager la révocation d'un juge, il renverrait cette plainte au Conseil de la magistrature, en vue de la constitution d'un « comité d'audience plénier ». Ce comité serait alors chargé de faire une recommandation au ministre de la Justice.

Composition du comité d'examen

Les amendements proposés au Sénat, qui sont maintenant étudiés par la Chambre, traitent de la façon dont les plaintes visant des juges peuvent être rejetées, mais traitent aussi de la composition du comité qui décide comment la discipline doit être traitée et comment les décisions peuvent être portées en appel.

Un des amendements supprimerait quelques mots du projet de loi, qui précisait que, « dans la mesure du possible », les personnes siégeant à des comités d'audience pour des affaires disciplinaires devraient refléter la diversité de la population canadienne.

Un autre amendement ajoute les mots « inconduite sexuelle » à une ligne du projet de loi qui ne parlait auparavant que de « harcèlement sexuel », afin de proposer une définition plus précise de la manière dont les différents types d'allégations devraient être examinés.

Dans sa forme originale, le projet de loi C-9 obligerait le Conseil de la magistrature à rendre compte publiquement du nombre de plaintes qu'il reçoit et de la manière dont elles ont été résolues. Mais les sénateurs ont ajouté une disposition selon laquelle les motifs du rejet des plaintes devraient également être fournis, ainsi que davantage de données sur l'identité des plaignants.

C'est la sénatrice Kim Pate, du Groupe des sénateurs indépendants, qui a présenté cet amendement pour plus de collecte de données. Elle a expliqué que cela permettrait au gouvernement de « comprendre qui sont les plus mécontents, qui ont les moyens de porter plainte contre des juges et qui sont touchés de manière disproportionnée, afin que nous puissions créer une meilleure formation des juges et des avocats, et créer un système judiciaire équitable ».

N'importe qui peut actuellement déposer une plainte contre un magistrat, mais cette plainte doit être faite par écrit et transmise au Conseil de la magistrature.

Impliquer des profanes

La sénatrice conservatrice Denise Batters a présenté un amendement visant à ajouter différents types d'intervenants dans le processus d'examen des plaintes.

« Les personnes qui ne sont pas avocats ou juges apportent une perspective différente aux questions juridiques, et lorsque les problèmes de discipline des juges peuvent avoir un tel impact sur la confiance du public dans ce système, il est important que des profanes soient impliqués dans le processus », a-t-elle dit devant ses collègues sénateurs plus tôt ce mois-ci.

Mme Batters a également réussi à faire modifier le projet de loi au Sénat afin que les décisions puissent faire l'objet d'un appel devant la Cour d'appel fédérale.

Le président de l'Association du Barreau canadien, Steeves Bujold, avait déclaré à un comité sénatorial que la création de cette option améliorerait l'examen de la conduite des juges.

« Par souci de justice naturelle, cela garantit qu'il y a une surveillance externe du processus », a déclaré M. Bujold. Il a ajouté qu'il était important pour la démocratie canadienne que le public voie la discipline judiciaire appliquée de manière ouverte et responsable, avec des mécanismes d'appel clairs.

« Un autre avantage d'un droit d'appel est que la Cour d'appel fédérale est susceptible de fournir des motifs détaillés, de sorte que le juge accusé d'inconduite et le public sauront alors pourquoi un tribunal indépendant avait conclu comme il l'a fait ».

Le processus de plainte contre les juges a suscité une attention accrue plus tôt cette année lorsque le Conseil de la magistrature a annoncé qu'il examinait une plainte visant le juge de la Cour suprême Russell Brown, qui demeure en congé de ses fonctions en attendant la détermination de la plainte par le Conseil.

Le projet de loi C-9 n'est pas la première tentative du gouvernement libéral de réformer le processus d'examen de la conduite des juges. Son premier essai avait pris la forme d'un projet de loi du Sénat déposé en mai 2021, qui est mort au feuilleton avant les élections d'octobre 2021.

Un nouveau projet de loi a été déposé aux Communes en décembre 2021, après la réélection des libéraux, mais il a été retiré par le gouvernement et remplacé par la version actuelle.

Si le gouvernement rejette l'un des amendements proposés par le Sénat, le projet de loi devra être renvoyé à la chambre haute pour une approbation finale, avant qu'il ne devienne loi.
1963
1 commentaire
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    Tout ceci n'est que du vent
    Ce n'est pas tant les lois que ceux qui les font appliquer qui, au final, déterminent la forme que prend la justice disciplinaire. Dans ce domaine, comme dans d'autres, leurs inclinations décident de qui sera inquiété (et, surtout, ceux qui ne le seront jamais), donnent le ton à toutes les dispositions vaguement formulées, et peut conduire à des interprétations (ou des applications) contre-nature de dispositions sans ambiguités.

    Le meilleur exemple est le fameux "abuser de cette relation pour avoir avec elle des relations sexuelles, de poser des gestes abusifs à caractère sexuel ou de tenir des propos abusifs à caractère sexuel" (art. 59.1 code des professions), où le qualifictif "sexuel" ne conduit pas les tribunaux et les syndics à s'interroger sur la nature abusive ou non d'une relation sexuelle incriminée, mais plutôt à considérer que le législateur aurait voulu qualifier d'abusive toute relation sexuelle entre un professionnel et un client.

    En matière "de sexe", le conseil de discipline du Barreau du Québec s'est même surpassé en 2017, dans l'affaire Séguin (2017 QCCDBQ 18 *), en voyant une violation au "devoirs généraux et des obligations de l’avocat envers le public" (art. 2.00.01 C.d.a.) chez un avocat ayant cocufié un justiciable avec qui il n'avait pas de relation avocat-client.


    * https://www.canlii.org/fr/qc/qccdbq/doc/2017/2017qccdbq18/2017qccdbq18.html

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