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Qu’est-ce qui bouge en droit de la concurrence ?

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Camille Dufétel

2023-08-16 13:15:00

En droit de la concurrence, quoi de neuf en ce moment pour les avocats ? Droit-Inc pose la question à un associé montréalais dédié à ce domaine.
Simon Seida. Source: Blakes
Simon Seida. Source: Blakes

Me Simon Seida est associé chez Blakes à Montréal et sa pratique touche différents domaines du litige commercial. Parmi ceux-ci, les actions collectives, la responsabilité professionnelle et les différends en assurance et postérieurs à la clôture.

En raison de récentes modifications apportées aux articles 45 et 52 de la Loi sur la concurrence, certaines actions collectives en droit de la concurrence sont présentement déposées au Québec… Droit-Inc a souhaité en savoir plus sur les tendances observées par l’associé.

Pouvez-vous d’abord expliquer en quoi consiste plus précisément votre pratique ?

Je travaille chez Blakes depuis 2009, je suis associé au sein du groupe de litiges commerciaux et ma pratique se situe principalement en défense d’actions collectives, y compris, de manière prédominante, des actions collectives fondées sur la Loi sur la concurrence, le droit de la consommation.

C’est dans ce contexte que je suis familier avec la Loi sur la concurrence et les articles 45 et 52. Quand on parle d’actions collectives en droit de la concurrence, je vous dirais qu’une catégorie importante de ce type d’actions collectives, c’est en matière de prétendues ententes de fixation des prix.

C’est très commun. Pour faire un bref résumé, l’historique c’est que de tout temps, du moins à l’époque moderne, notre droit de la concurrence interdit les ententes entre concurrents visant à fixer ou à augmenter les prix dans un marché donné.

Ces interdictions sont sujettes à enquêtes et à des mises en accusation par des autorités à travers le monde dont au Canada, le Bureau de la concurrence.

Lorsque l’une ou l’autre de ces autorités agit pour un produit en particulier, ça peut inspirer ou donner naissance à une action collective qui elle n’est pas menée par le Bureau de la concurrence mais par des parties privées représentées par des avocats en demande qui identifient telle ou telle enquête du Bureau de la concurrence comme étant intéressante, et c’est ça qui mène à avoir des actions collectives nombreuses au Québec.

Ce nombre a augmenté particulièrement depuis 2013 parce que cette année-là, la Cour suprême du Canada a rendu une décision dans l’arrêt Infineon qui portait sur un prétendu cartel de fixation des prix d’un type de puce électronique. Cet arrêt a ouvert la porte à ce que des actions collectives en matière de fixation des prix allégués soient plus facilement autorisées au Québec.

Et comme de fait, on en a vu des dizaines et des dizaines après cette date, notamment en matière de pièces automobiles. Une qui est régulièrement dans les médias, c’est en matière de pain à l’épicerie. Mais ce sont deux exemples parmi tant d’autres.

Remarquez-vous autre chose ?

En termes de phénomènes plus récents, en matière de concurrence, pour moi il y en a deux qui sont importantes. En premier lieu, en 2022, des amendements ont été apportés à l’alinéa 1.3 de l’article 52 de la Loi sur la concurrence, où le législateur fédéral vient préciser que la décomposition du prix est considérée comme une représentation fausse ou trompeuse.

Au Québec, ça ne change pas vraiment la donne parce que la Loi sur la protection du consommateur, depuis des amendements de 2010 à l’article 224, prévoit le même type de restrictions par rapport à la décomposition du prix.

Mais maintenant qu’on retrouve cette interdiction dans la Loi sur la concurrence fédérale, on peut s’imaginer qu’on continuera beaucoup à voir à l’échelle nationale des actions collectives fondées sur la décomposition du prix.

La décomposition du prix est une pratique suivant laquelle des frais ou des charges accessoires à l’achat d’un bien et obligatoires, seraient ajoutés en cours de route.

Dans un tout autre ordre, l’article 45 a été amendé et cet amendement a pris effet en juin 2023, pour venir interdire des accords sur les conditions d’emploi.

On a parlé plus tôt de l’interdiction d’accords entre concurrents portant sur le prix d’un produit, et maintenant le législateur fédéral a voulu viser et interdire un autre type d’accord, sur les conditions d’emploi.

Cela pour éviter que deux sociétés ou deux compagnies s’entendent entre elles pour ne pas, par exemple, débaucher les employés de l’une ou de l’autre, ou sur les salaires ou les conditions d’emploi offertes.

Vous pensez que ce dernier changement va amener beaucoup d’actions collectives ?

Ce phénomène est plus incertain parce que c’est tout nouveau et ça va dépendre de la mise en application par le Bureau de la concurrence. Si le Bureau de la concurrence annonce des enquêtes ou des mises en accusation pour un accord portant sur les conditions d’emploi, je crois que c’est suivant une telle annonce qu’on risque de voir des actions collectives.

De manière générale, en tant qu’avocat, voyez-vous passer beaucoup plus d’actions collectives qu’avant ?

Je vous dirais que le Québec a une juridiction très propice au dépôt d’actions collectives en demande, de sorte qu’on en voit dans les 80 à 90 déposées par année. Cela fait du Québec de loin une des provinces où il y en a le plus au Canada, et qui dépasse la Colombie-Britannique où on en voit aussi beaucoup.

Mais de là à dire qu’il y a une nette tendance à la hausse au Québec, je n’ai pas vu ça cette année. Je pense qu’on a un nombre élevé qui reste stable à ce niveau élevé, exception faite qu’en 2020-2021, on a vu plusieurs actions collectives liées aux effets de la pandémie qui ont été déposées.

Que ce soit pour des remboursements de billets, d’événements, de voyages… On a eu une certaine augmentation liée à ce phénomène transitoire, mais depuis dix ans, on voit grosso modo un nombre constant et élevé d’actions collectives au Québec.

Combien d’avocats dédiés aux actions collectives composent votre équipe en droit de la concurrence ?

On a une équipe nationale qui travaille souvent ensemble parce que lorsqu’une action collective est déposée à Montréal, très souvent, particulièrement en droit de la concurrence, il y en aura des identiques ou similaires déposées en Ontario ou en Colombie-Britannique. Parfois, les avocats en demande se coordonnent entre eux.

C’est ce qu’on appelle un consortium en demande, lorsque plusieurs cabinets d’avocats dans plusieurs provinces se coordonnent pour déposer simultanément ou presque les mêmes actions collectives.

Pour répondre à votre question, on a donc une équipe nationale, mais à Montréal nous sommes quatre associés qui travaillent principalement en actions collectives. Nous sommes épaulés de cinq sociétaires qui en font également.

Qu’est-ce qui vous plaît dans ce domaine ?

Ce qui est intéressant, pour les actions collectives, c’est qu’on parle de dossiers souvent de très longue haleine avec des enjeux monétaires et juridiques importants. Comme avocats, ça nous donne le loisir de donner beaucoup de notre temps et de nos efforts à un même dossier.

C’est rare que ces dossiers se règlent en dedans de quelques mois. On parle plutôt de plusieurs années. Ça donne l’occasion d’aller à fond dans la recherche, l’analyse et la stratégie d’un dossier.



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