L’excuse n’est pas synonyme d’aveu
Julie Pamerleau Et Frédérique Lessard
2021-03-22 10:15:00
Le 12 juin 2020, à l’occasion des modifications au Code civil du Québec visant notamment à abolir le délai de prescription des actions civiles en matière d’agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l’enfance et de violence conjugale, la notion d’excuse a ainsi été codifiée :
Cette modification vise, entre autres, à harmoniser le droit québécois avec celui des autres provinces et territoires canadiens, à l’exception du Yukon, ayant déjà légiféré le concept d’excuse. L’intention du législateur est de prévoir explicitement une protection juridique aux excuses afin d’en favoriser la présentation.
Avant la codification de la notion d’excuse, le risque que l’expression de sympathie ou de regret soit considérée comme un aveu de faute ou de responsabilité de son auteur n’était pas négligeable. Les juges, en droit québécois, avaient la discrétion d’admettre ou non les excuses à titre d’aveu, de sorte qu’il pouvait être dommageable de les présenter. Désormais, puisque les déclarations de sympathie ou de regret sous forme d’excuse ne sont plus admissibles en preuve, elles seront vraisemblablement présentées plus ouvertement.
Importance des excuses
Pour la victime, les excuses peuvent constituer un élément important dans sa quête de guérison. L’aspect monétaire d’un recours en justice n’est pas toujours suffisant pour réparer les dommages causés à une personne. Une excuse peut permettre à la victime de mieux comprendre la situation et ultimement l’aider à tourner la page.
Les excuses ont également un impact important pour la personne impliquée dans la survenance du préjudice, peu importe que la victime les accepte ou non. Le fait de s’excuser permet notamment à l’auteur du préjudice de soulager sa conscience et d’exprimer des regrets par rapport à la situation en cause. Cela est d’autant plus vrai pour des professionnels, tels que les professionnels de la santé, pour qui le fait de s’excuser « permet de se libérer de ce poids et de redevenir fonctionnels, évitant ainsi de répéter le geste et d’éviter une autre situation qui causerait un préjudice semblable ».
Dans la mesure où elles se limitent à exprimer de la sympathie ou du regret, la présentation d’excuses pourra désormais être encouragée, alors qu’avant elle ne l’était pas, par peur de constituer un aveu de responsabilité.
Exceptions
Bien que l’excuse elle-même ne puisse désormais être considérée comme un aveu en droit québécois, il faut rester vigilant quant à son contenu. La reconnaissance d’un fait, contenue dans une excuse, demeure admissible en preuve. Par exemple, si l’auteur d’une lettre d’excuses y reconnaît avoir posé un geste fautif, il ne pourra bénéficier de l’inadmissibilité de ses propos. L’admission des faits contenue dans sa lettre d’excuses demeurera admissible devant le tribunal.
Par ailleurs, la protection entourant les excuses est applicable uniquement en matière civile. Il faut donc demeurer prudent dans la présentation d’excuses lorsque les évènements en lien avec les excuses peuvent avoir un impact en matière criminelle.
Conclusion
En raison de son entrée en vigueur récente, l’article 2853.1 C.c.Q. n’a pas encore été interprété par les tribunaux. Il sera donc intéressant de suivre l’évolution de l’utilisation des excuses dans divers domaines du droit, tel que la responsabilité professionnelle. L’interprétation et l’étendue qui seront données à cette notion par nos tribunaux n’étant pas encore définies, il faudra demeurer prudent lors de la présentation d’excuses.
Sur les auteurs
Julie Pamerleau est avocate chez Stein Monast; elle travaille principalement dans les domaines de responsabilité civile et professionnelle, notamment en droit de la santé et de la construction.
Me Frédérique Lessard est avocate chez Stein Monast; elle pratique principalement dans les secteurs de litige civil et commercial et droit des assurances.