Une autre tragédie québécoise

Pierre Duhamel
2010-09-21 06:35:00
J'écoutais hier l'interview de Benoît Dutrisac avec Robert Lacroix, l'ancien recteur de l'Université de Montréal, et Louis Maheu, ancien représentant de l'université au conseil d'administration du Centre universitaire de l'Université de Montréal. Les deux économistes viennent de publier un livre intitulé Le CHUM, une tragédie québécoise, chez Boréal. Quelle tragédie, en effet. Une sombre et interminable saga qui ne nous montre pas sous notre meilleur jour. Le nouvel hôpital devait ouvrir en 2005. Nous sommes chanceux s'il est prêt en 2020, au moins cinq ans après l'ouverture du Centre de santé de l'Université McGill dont la construction est déjà en cours.
J'écoutais Robert Lacroix vanter les mérites du projet dit Outremont, qui aurait été construit sur le nouveau campus que l'Université établit dans l'ancienne gare de triage du CP. Le projet de campus de l'UdeM était déjà en gestation et plusieurs gens d'affaires qui contribuent aux levées de fonds de l'université étaient fiers de s'y associer. Pour eux, soutenir l'établissement de l'hôpital universitaire près des facultés de médecine et de pharmacie tombaient sous le sens. Le campus Outremont avait un autre énorme avantage: il est immense avec une superficie de 185 000 mètres carés. Pas besoin de se creuser la tête avant de creuser un trou et d'ériger les fondations.
Que s'est-il passé pour que tout déraille ? Le mot Outremont scandalisait les défenseurs patentés de la veuve et de l'orphelin qui préféraient le centre-ville. L'appui du milieu des affaires a convaincu une couche importante de la population qu'il y avait forcément quelque chose de louche là-dessus. Jean Charest, déjà impopulaire, ne voulait rien brusquer. Brian Mulroney et Daniel Johnson remettront l'ultime rapport qui scellera le sort de l'hôpital. Il sera construit en pleine zone urbaine, sur les lieux mêmes d'un centre hospitalier déjà existant mais sans perturber le moins du monde ses activités courantes. En plus, allons chercher des fonds dans les poches de ceux qu'on a quasiment humilié sur la place publique. Parlez-moi d'une solution pratique !
J'ai hâte de lire l'histoire telle que racontée par Robert Lacroix et Louis Maheu. Je vais vous en raconter une autre. Sur les 218 millions de dollars recueillis par l'Université de Montréal (incluant l'École polytechnique et HEC-Montréal) lors de sa campagne de financement de 1999 à 2003, 76 % des contributions provenaient des entreprises. Sans les contributions de Power corporation et d'autres grandes compagnies, l'université n'aurait jamais obtenu cet argent et sa situation financière aurait été encore plus difficile qu'elle ne l'est maintenant.
Malgré tout, les entreprises sont mal vues au Québec. On les accuse de privilégier leurs propres intérêts dès qu'elles soutiennent un projet au nom du développement économique. Vous voulez tuer un projet au Québec ? Dites que le patronat le soutient. Ça marche à tous les coups. Regardez l'allure que prend le débat sur les gaz de schiste. On connaît le film par coeur…
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