D’avocat à greffier
Agnès Rossignol
2014-10-03 15:00:00
Il parle à Droit-inc de cette nouvelle vie.
Droit-inc : Quel est votre parcours ?
Me Olivier Milot : J'ai fait un baccalauréat en droit à l'Université de Sherbrooke car je considérais que c'était le plus général. Tant qu'à être rendu là, j'ai fait le barreau. Le droit m'a choisi, ce n'est pas moi qui l'ait choisi.
Le droit est partout dans une société. Je pense qu'il devrait y avoir des cours de droit obligatoire au secondaire 5. Il a une utilité sociale importante : c'est bon pour la logique, l'histoire, la philosophie, la conscience sociale et la connaissance de ses droits.
J'ai effectué mon stage chez Lagacé et Drolet. Après mon assermentation en octobre 2006 nous avons formé l'étude Lagacé Drolet Milot avocats. À partir de décembre 2009, j'ai pratiqué en solo. J'intervenais en droit criminel, pénal, civil, familial, matrimonial, protection jeunesse, et civil.
Pourquoi ce changement de carrière ?
J'avais besoin de stabilité, d'un poste à salaire. Pour pratiquer en solo, il faut être entrepreneur. Or, je n'avais pas la bosse des affaires et je n'étais pas à l'aise avec le fait de ne pas aider une personne parce qu'elle ne rapporte d'argent.
C'est une question de tempérament, je suis quelqu'un de relax et de très humain. Travailler dans une collectivité où les services donnés sont très variés, et faire avancer le droit me stimule beaucoup plus, on travaille pour tout le monde. Dans une petite ville on fait de tout, c'est un peu comme la pratique solo quand on n'a pas de secrétaire. Ici, j'ai une équipe et tout est payé. En solo on est payé avec ce qui reste. La pression financière était difficile.
Aviez-vous déjà pratiqué en droit municipal ?
Je n'avais pas d'expérience en droit municipal mais mon implication au sein de la communauté a certainement fait la différence. Je suis l'un des membres fondateurs du Jeune Barreau d'Arthabaska, actuellement secrétaire, et j'ai été directeur de campagne pour le Parti Québec Solidaire.
Je suis quelqu'un d'éclectique dans mes intérêts et durant mes études, chaque été, je faisais un travail différent. J'ai notamment occupé plusieurs postes pour le directeur des élections municipales à Victoriaville.
En quoi consiste vos tâches au quotidien ?
Le greffier de la municipalité occupe diverses fonctions au cœur de la ville. Son rôle est éparpillé dans la loi sur les cités et villes. Je suis président d'élection, responsable de la gestion des archives de la ville, de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels. Par exemple, lorsqu'une personne fait une demande d'information, je décide si je lui accorde et dans quelle mesure.
Je suis responsable de la rédaction des écrits publics. Je recueille les délibérations du conseil municipal, j'écris les résolutions qu'il prend et je signe la copie de résolution authentique. J'’effectue le suivi des procès-verbaux des séances du conseil.
Je suis aussi chargé du calendrier de conservation des documents municipaux et je m'assure qu'ils sont préservés. Le greffier est un passage obligé pour certains actes municipaux, j'en vérifie la validité. Par exemple, lorsque l'on reçoit une soumission, j'établis le PV de réception et j'émets des recommandations.
J'effectue aussi des recherches juridiques variées. Mais pour les litiges nous faisons appel à un avocat externe.
En quoi votre expérience comme avocat vous aide à exercer la fonction ?
Pour être greffier, il ne faut pas nécessairement être avocat ni avoir fait des études de droit mais c'est recommandé. Je vais suivre une formation de deux jours prochainement sur « le greffier acteur clé de la vie municipale » et deviendrai membre de la COMAQ, la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec.
Mon plus grand atout est l'expérience humaine que j'ai acquise en pratique privée et dans mes autres expériences de travail, ainsi que les nombreux contacts que je me suis faits dans le milieu.Je suis capable de comprendre les personnes et savoir comment agir.
L'une de mes premières tâches a été la rédaction d'un bail commercial. Mon expérience à la régie du logement m'a donc été utile tout comme ma pratique en droit criminel lorsque je dois prendre les mesures nécessaires pour sécuriser une scène de crime.
Quelles sont les qualités pour être un bon greffier ?
Il faut être ordonné, patient et consciencieux ainsi qu'un joueur d'équipe. C'était un point essentiel pour moi car je voulais me joindre à une équipe et travailler dans un environnement respectueux des gens. Il importe aussi de respecter les citoyens et savoir dire non. Loyauté et l'honnêteté sont aussi des qualités nécessaires. Je suis sous le serment d'avocat, je n'ai donc pas intérêt à truquer quoi que ce soit en matière d'appels d'offres par exemple.
Le greffier est la soupape entre le politique et l'administratif. Je peux être amené à mettre un frein à certaines décisions politiques. Il faut respecter la loi et les exigences réglementaires tout en étant efficace. Rester ouvert, flexible et à l'écoute des gens, c’est ainsi primordial.
Quelles sont vos relations avec vos confrères ?
J'ai toujours gardé des relations conviviales avec mes collègues et la communauté juridique, je suis nez dedans ! Mon père, Gérald Milot, qui a été bâtonnier du Barreau d'Arthabaska en 1985-1986, était procureur de la Couronne. J'ai été assermenté à son party de retraite. J'étais connu avant même d'être avocat. Je continue de m'impliquer dans le CA de l'AJBA mais je ne prévois pas de revenir en pratique privée.
Des conseils aux jeunes avocats ?
Si vous envisagez la pratique privée, assurez-vous d'avoir la bosse des affaires, ou sinon d'être entouré par des gens qui l'ont. Soyez aussi capable d'être blinder au niveau humain car il est difficile de refuser le cas de quelqu'un dans le besoin.
Il faut savoir gérer les dépenses, un portefeuille de clients, faire un suivi de facturation, être conscient qu'à la fin il ne reste pas grand chose pour soi.