L’avocat des artistes
Daphnée Hacker-B.
2013-01-15 15:00:00
Une seule cause, mais une grande expérience de droit qui l'a aidé à devenir un redoutable négociateur pour les contrats de ses comédiens, comme Pierre-Yves Cardinal, qui occupe le rôle principal du prochain film de Xavier Dolan et Jean-Philippe Wauthier, animateur de « La soirée est (encore) jeune » à Radio-Canada et de « la une qui tue » à Télé-Québec.
Retour sur un grand procès
Calé dans le fauteuil de son grand bureau ensoleillé, il se remémore l’année 2003 où il a été le stagiaire de Normand Tamaro, un avocat expert en droit d’auteur qui représentait à ce moment l’illustratrice du personnage "Caillou", Hélène Desputeaux, dans un litige l’opposant aux éditions chouettes et à la maison de production Cinar.
« J’ai eu une chance inouïe de pouvoir participer à un tel procès ! » dit celui qui s’est retrouvé seul avec Me Tamaro dans cette cause qui les opposait aux 15 avocats de l’autre partie.
Le moment n’aurait pas pu mieux tomber pour ce jeune stagiaire. Lorsqu’il a rejoint Me Tamaro, ce dernier avait pris 11 ans pour constituer le dossier de sa cliente.
Étant donné que son maître de stage parlait peu l’anglais, Olivier Corbeil a même dû se charger d’effectuer les contre-interrogatoires des témoins anglophones. Leur petite équipe a tout de même réussi à gagner la cause qui, après avoir été en appel, s’est conclue par un règlement à l’amiable.
« Le procès a duré les six mois de mon stage, le rythme était infernal, mais c’était passionnant de suivre un avocat qui se donne corps et âme pour défendre les artistes et les auteurs », dit-il.
Normand Tamaro, l’un des rares docteurs en droit au Québec, est connu pour avoir assuré la défense de Nathalie Simard dans une poursuite de 2,3 millions de dollars, ainsi que celle de la maison d’édition Écosociété contre le géant minier Barrick Gold pour une somme de 6 millions, et plusieurs autres causes hautement médiatisées.
C’est à l’ombre de cet homme de droit imposant qu’Olivier Corbeil a découvert le monde judiciaire, lui qui jusque-là avait surtout travaillé dans le milieu cinématographique comme assistant-producteur.
Du cinéma au droit
Son baccalauréat en droit de l’Université de Sherbrooke en poche, Olivier Corbeil ne pensait pas devenir avocat.
Il saisit d’abord l’opportunité de travailler dans le monde cinématographique avec Kevin Tierney, qui a entre autres produit « Bon Cop, Bad Cop ». Il rencontre ensuite un imprésario, Denis Robitaille, qui lui confie à l’occasion des mandats comme agent d’artiste.
Quelques années plus tard, alors que son équipe ne reçoit pas le financement attendu pour un film, il décide de retourner sur les bancs d’école pour y passer le barreau.
« J’ai reconsidéré mes choix de carrière, et avec un poupon de 6 mois dans les bras, je me suis dit que c’était le moment parfait pour faire mon barreau ! », confie-t-il en évoquant ce souvenir d’une époque exténuante qui aujourd’hui le fait sourire.
Un an plus tard, après le barreau et son épopée en Cour suprême avec Normand Tamaro, c'est l'heure de faire un choix.
« J’étais conscient qu’une carrière en droit d’auteur ne serait pas toujours aussi stimulante que l’expérience que je venais de vivre, reconnaît-il. Je voulais être impliqué auprès des artistes, leur assurer un réel accompagnement ; j’ai donc décidé de me consacrer à la gestion d’artistes ».
Le droit, ça éveille l’instinct
Très souvent, l’agent d’artiste a pu faire bon usage de sa formation en droit.
« Le droit m’a aidé à développer mon instinct dans la représentation de mes clients ».
Et même s’il exerce sa profession depuis 10 ans et qu’il a atteint une certaine crédibilité dans le milieu, le titre de « Me » lui est encore utile.
« Ce qui est certain, c’est que lorsque tu précises que tu t’appelles « Me » Untel, tu es sûr d’avoir un retour d’appel rapide ! »
Comme il l’explique, cette connaissance du droit l’aide surtout à saisir les subtilités dont il faut tenir compte lors de la négociation de contrats en gré à gré, ou dans le cadre de clauses résolutoires avec les départements juridiques et les avocats impliqués.
« Je fais beaucoup affaire avec des avocats et comme on le sait, la plupart sont très habiles dans l’art de persuader… (rires) Il me sera donc toujours utile de bien connaître les règles du jeu juridique », conclut-il.