Propos sur la Jvstice
Respect de l’avortement ou de l’intégrité du système judiciaire ?
Alain-Robert Nadeau
2009-05-05 11:15:00
Vendredi dernier, le juge David H. Souter, de la Cour suprême des États-Unis, a annoncé qu’il démissionnera de son siège à la fin du présent terme ; ce qui permettra au président Barak Obama de faire sa première nomination à la Cour depuis son élection.
Nommé en 1990 par le président Bush père, le juge Souter – qui devait être un conservateur modéré – s’est révélé beaucoup plus libéral que l’on s’y attendait et surprendra les observateurs en raison du fait qu’il se liguera fréquemment avec les juges les plus libéraux de la Cour. Un professeur de droit de l’Université du Texas et ancien auxiliaire juridique du juge William O. Douglas, Lucas A. Powe Jr., affirme que le président Bush avait choisi Souter parce que Kenneth Star – l’avocat qui a mené l’enquête sur la vie sexuelle de Bill Clinton – semblait trop … libéral !
Quel est l’héritage du juge Souter ? De ses 279 opinions (123 écrites pour la majorité et 156 en dissidence), peu de celles-ci ressortent comme marquant un principe judiciaire nouveau. C’est ce qui a fait dire à Edward Lazarus, un ancien auxiliaire juridique du juge William Brennan, que ce n’est pas tant dans une opinion en particulier qu’il faut rechercher l’essence de son héritage mais dans l’ensemble de sa contribution, laquelle est marquée par l’intégrité et la rigueur intellectuelle. De fait le juge Souter semblait très soucieux de respecter les précédents et de préserver l’intégrité du système judiciaire. Il était un partisan de la déférence judiciaire, c.-à-d. qu’il estimait qu’il revenait aux personnes élues par la population – et non aux juges – de trancher les questions les plus controversées de la société. Cela étant dit, il semblerait que les décisions les plus importantes du juge Souter concernent surtout le droit à la vie privée ainsi que le premier amendement (analogue à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés) qui protège la liberté de religion ainsi que la liberté d’association.
On se rappellera toutefois de sa participation à une pluralité des motifs (conjointement avec la juge O’Connor et le juge Kennedy) dans l’arrêt Planned Parenthood c. Casey (1992). Il s’agit incontestablement de l’une des décisions les plus importantes des années 90 puisque c’était la première fois qu’une majorité de juges avait la possibilité de renverser l’arrêt Roe c. Wade (1973). Cette dernière décision avait consacré le droit pour une femme de décider elle-même si elle désire ou non poursuivre sa grossesse (aussi qualifié de droit à l’avortement).
C’est sans doute ce qui a fait dire à Edward Whelan III, actuellement président du Ethics and Public Policy Center et ancien auxiliaire juridique du juge Antonin Scalia, qu’on se rappellera le juge Souter comme étant la plus grande erreur qu’a faite le président Bush en le nommant à la Cour suprême ! Cette affirmation n’est pas s’en rappeler celle qu’avait faite le président Eisenhower à qui on avait demandé lors de la campagne électorale de 1956 s’il avait commis des erreurs lors de son premier mandat. Il a répondu candidement qu’il en avait commis que deux … lesquelles siégeaient toujours à la Cour suprême ! Il Avait en tête le juge en chef Earl Warren – qui a été l’un des juges les plus activistes de toute l’histoire de la Cour suprême – ainsi que le juge Brennan, lequel sera remplacé incidemment par le juge Souter le 9 octobre 1990.
À vrai dire, en outre de la déférence dont il faisait preuve à l’égard des pouvoirs exécutif et législatif, il semble incontestable que la contribution la plus significative du juge Souter est ses motifs dans l’arrêt Planned Parenthood c. Casey (1992), non seulement en raison du fait qu’elle réaffirmait le droit à l’autonomie personnelle des femmes et maintenait le droit à l’avortement, mais aussi, et surtout peut-être, parce qu’elle préservait l’intégrité du système judiciaire en s’assurant du respect des principes préalablement établis.
- L’auteur est avocat et docteur en droit constitutionnel et correspondant à la Cour suprême du Canada. Suivez ses propos sur l’actualité juridique à http://twitter.com/Jvstice
Pour en connaître davantage :
Biographie du juge Souter (en anglais)
http://www.supremecourtus.gov/about/biographiescurrent.pdf (Supreme Court)
http://www.oyez.org/justices/david_h_souter (Oyez)
Roe c. Wade (1973) (en anglais)
http://www.oyez.org/cases/1970-1979/1971/1971_70_18 (Oyez)
Planned Parenthood c. Casey (1992) (en anglais)
http://www.oyez.org/cases/1990-1999/1991/1991_91_744 (Oyez)
Quel est l’héritage du juge Souter ? De ses 279 opinions (123 écrites pour la majorité et 156 en dissidence), peu de celles-ci ressortent comme marquant un principe judiciaire nouveau. C’est ce qui a fait dire à Edward Lazarus, un ancien auxiliaire juridique du juge William Brennan, que ce n’est pas tant dans une opinion en particulier qu’il faut rechercher l’essence de son héritage mais dans l’ensemble de sa contribution, laquelle est marquée par l’intégrité et la rigueur intellectuelle. De fait le juge Souter semblait très soucieux de respecter les précédents et de préserver l’intégrité du système judiciaire. Il était un partisan de la déférence judiciaire, c.-à-d. qu’il estimait qu’il revenait aux personnes élues par la population – et non aux juges – de trancher les questions les plus controversées de la société. Cela étant dit, il semblerait que les décisions les plus importantes du juge Souter concernent surtout le droit à la vie privée ainsi que le premier amendement (analogue à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés) qui protège la liberté de religion ainsi que la liberté d’association.
On se rappellera toutefois de sa participation à une pluralité des motifs (conjointement avec la juge O’Connor et le juge Kennedy) dans l’arrêt Planned Parenthood c. Casey (1992). Il s’agit incontestablement de l’une des décisions les plus importantes des années 90 puisque c’était la première fois qu’une majorité de juges avait la possibilité de renverser l’arrêt Roe c. Wade (1973). Cette dernière décision avait consacré le droit pour une femme de décider elle-même si elle désire ou non poursuivre sa grossesse (aussi qualifié de droit à l’avortement).
C’est sans doute ce qui a fait dire à Edward Whelan III, actuellement président du Ethics and Public Policy Center et ancien auxiliaire juridique du juge Antonin Scalia, qu’on se rappellera le juge Souter comme étant la plus grande erreur qu’a faite le président Bush en le nommant à la Cour suprême ! Cette affirmation n’est pas s’en rappeler celle qu’avait faite le président Eisenhower à qui on avait demandé lors de la campagne électorale de 1956 s’il avait commis des erreurs lors de son premier mandat. Il a répondu candidement qu’il en avait commis que deux … lesquelles siégeaient toujours à la Cour suprême ! Il Avait en tête le juge en chef Earl Warren – qui a été l’un des juges les plus activistes de toute l’histoire de la Cour suprême – ainsi que le juge Brennan, lequel sera remplacé incidemment par le juge Souter le 9 octobre 1990.
À vrai dire, en outre de la déférence dont il faisait preuve à l’égard des pouvoirs exécutif et législatif, il semble incontestable que la contribution la plus significative du juge Souter est ses motifs dans l’arrêt Planned Parenthood c. Casey (1992), non seulement en raison du fait qu’elle réaffirmait le droit à l’autonomie personnelle des femmes et maintenait le droit à l’avortement, mais aussi, et surtout peut-être, parce qu’elle préservait l’intégrité du système judiciaire en s’assurant du respect des principes préalablement établis.
- L’auteur est avocat et docteur en droit constitutionnel et correspondant à la Cour suprême du Canada. Suivez ses propos sur l’actualité juridique à http://twitter.com/Jvstice
Pour en connaître davantage :
Biographie du juge Souter (en anglais)
http://www.supremecourtus.gov/about/biographiescurrent.pdf (Supreme Court)
http://www.oyez.org/justices/david_h_souter (Oyez)
Roe c. Wade (1973) (en anglais)
http://www.oyez.org/cases/1970-1979/1971/1971_70_18 (Oyez)
Planned Parenthood c. Casey (1992) (en anglais)
http://www.oyez.org/cases/1990-1999/1991/1991_91_744 (Oyez)
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