Des juges falsifient des documents de cour !
Radio -Canada
2017-05-03 13:15:00
« Les remarques du juge et les parjures de l'un de mes anciens avocats avaient été expurgées de la copie », dit-il. M. Freedland a perdu sa cause et il a été contraint de payer les honoraires des avocats des parties adverses.
Une impression de déjà-vu: en 2007, le juge Marvin Zuker a reçu un avertissement pour des faits similaires.
Un parcours du combattant
Après moult démarches, toutes les plaintes de M. Freedland auprès du ministère, du Barreau, de ses deux députés de circonscription et de l'opposition à Queen's Park n'aboutiront à rien et ses démarches jusqu'en appel pour obtenir raison lui auront coûté des milliers de dollars.
M. Freedland n'est pas le seul à mettre en doute l'honnêteté de certains juges et sténographes, selon Christopher Taucar, professeur associé en Droit et sciences politiques à l’Université Kwantlen Polytechnic. Il a fait des recherches sur le sujet après être entré en contact avec des citoyens qui avaient vécu la même expérience.
Selon lui, non seulement les transcriptions sont altérées, mais les enregistrements sont aussi modifiés et remontés pour en purger les passages compromettants. « Cela montre le niveau de malhonnêteté et l'arrogance de certains juges qui se croient intouchables », dit-il.
Il précise que leur falsification est un crime qui survient surtout dans les tribunaux inférieurs civils ou criminels, comme les petites créances, les tribunaux de la famille et les cours de justice.
Il souligne que cette pratique remet en question l'intégrité du système judiciaire. « Cela fait en sorte que certains juges en arrivent à énoncer des verdicts qui ne sont appuyés ni par la loi ni par des faits avérés. »
Le groupe Canada Court Watch confirme que la falsification des transcriptions est beaucoup plus répandue qu'on le pense et pas seulement en Ontario.
Son porte-parole, Vernon Beck, explique que les juges, ironiquement, font eux-mêmes obstruction à la justice pour protéger leur réputation. « La majorité d'entre eux n'aiment pas que leur décision fasse l'objet d'un appel, ce qui les contraint à effacer certains passages des enregistrements sonores pour empêcher l'une des parties de porter un jugement en appel. »
Le cas du juge Zuker
Le juge ontarien Marvin Zuker a été réprimandé après qu'il eut reconnu qu'il avait altéré des transcriptions en 2005, lorsqu'il avait appris qu'elles seraient utilisées au cours de l'appel du plaignant Robin Mayer qu'il avait débouté.
Le Conseil ontarien de la magistrature lui avait donné un simple avertissement à l'époque, en invoquant ses remords, ses excuses et son parcours jusque-là irréprochable.
L'ancien avocat Harry Kopyto avait porté plainte contre le magistrat qui siégeait à l'époque dans un tribunal de la famille de Toronto.
M. Kopyto avait été rayé du Barreau en 1989 pour avoir prétendument fraudé l'Aide juridique de l'Ontario, mais il avait obtenu gain de cause en poursuivant l'agence en justice. Il n'a toutefois jamais pu réintégrer le Barreau, si bien qu'il travaille comme secrétaire juridique.
Un système de justice en crise
Le professeur Christopher Taucar affirme que l'administration de la justice est déficiente, parce que ce sont « des juges qui sont chargés de surveiller les activités de leurs collègues » en cas de plainte. « On ne peut leur faire confiance pour jouer les enquêteurs. »
Le Conseil ontarien de la magistrature n'a pas commenté..
Dans un communiqué, il explique néanmoins qu'un juge ne peut altérer le contenu des transcriptions que sous trois conditions : pour en corriger la syntaxe grammaticale et l'épellation des noms propres et pour supprimer les jurons inappropriés.
L'Association ontarienne des sténographes judiciaires et le Conseil canadien de la magistrature n’ont jamais rappelé Radio-Canada.