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Procès Cinar : Weinberg, Matteo et Xanthoudakis déclarés coupables

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2016-06-02 14:36:00

L'interminable procès sur l'affaire Cinar, entamé en mai 2014, a finalement connu son dénouement, jeudi midi, au palais de justice de Montréal…
Ronald Weinberg
Ronald Weinberg
Le jury a déclaré Ronald Weinberg, Lino Matteo et John Xanthoudakis coupables de la majorité des chefs d'accusation qui pesaient contre eux. Ils ont été immédiatement incarcérés.

M. Weinberg, cofondateur de Cinar, a été reconnu coupable de neuf chefs d'accusation, soit fraude (trois chefs d'accusation), utilisation d'un document contrefait (quatre chefs), fabrication d'un faux document et utilisation d'un faux prospectus. Il a été blanchi sur sept autres chefs.

M. Matteo, ex-PDG de la société financière Mount Real, a été déclaré coupable de neuf chefs d'accusation, soit fraude, fabrication d'un faux document (quatre chefs) et utilisation d'un document contrefait (quatre chefs). Deux autres accusations n'ont pas été retenues contre lui.

M. Xanthoudakis, ex-PDG de la société financière Norshield Financial Group, a pour sa part été reconnu coupable des 17 chefs d'accusation portés contre lui, soit 8 chefs de fabrication d'un faux document, 8 autres d'utilisation d'un document contrefait et 1 de fraude.

« Ça prouve que, malgré la complexité de la preuve, c'est encore possible de tenir un procès devant jury en matière de fraude », a commenté le procureur de la Couronne, Matthew Ferguson.

« (Même si) les faits avaient l'air très complexes, dans les circonstances, c'était une preuve qui était compréhensible, qui était facile à comprendre, a-t-il ajouté. Et je pense que le jury a rendu le bon verdict dans les circonstances. »

« On ne peut pas cacher la déception d'un verdict de culpabilité », a admis pour sa part l'avocate de Ronald Weinberg, Annie Émond. « Il a quand même été acquitté sur sept chefs d'accusation, dont fabrication et utilisation de faux documents. »

Les observations sur la peine auront lieu lundi. Les trois hommes sont passibles d'une peine maximale de 10 ans de prison.

Retour sur le plus long procès devant jury de l'histoire du Canada.

1. Qui étaient les accusés?

Outre Ronald Weinberg, John Xanthoudakis et Lino Matteo, il y avait au départ un autre accusé, Hasanain Panju. Il s'occupait des finances de Cinar. Il a plaidé coupable avant le procès et a écopé de quatre ans de prison. Il a témoigné pour la poursuite lors du procès qui vient de se conclure.

2. De quoi étaient-ils accusés?

On les a accusés d'avoir pris 126 millions de dollars dans les coffres de Cinar et d'avoir caché cet argent dans deux entreprises enregistrées aux Bahamas. Ce présumé stratagème se serait déroulé de 1997 à 2005, à l'insu du conseil d'administration de Cinar.

Ils faisaient face en tout à 29 chefs d'accusation, dont fraude, fabrication et usage de faux documents.

Ils ont été arrêtés en 2011 après une enquête longue et complexe menée par la Sûreté du Québec au Canada, aux États-Unis et aux Bahamas.

Toute cette affaire a commencé à l'automne 1999 avec un reportage de Radio-Canada. Le diffuseur public a découvert que Cinar avait utilisé des prête-noms pour obtenir des subventions et des crédits d'impôt d'Ottawa et de Québec. Quelques mois plus tard, au printemps de 2000, des vérificateurs indépendants qui révisaient les livres comptables de Cinar ont découvert un transfert d'argent suspect vers les Bahamas.

Considéré comme le numéro trois de Cinar, le chef de la direction financière, Hasanain Panju, a été congédié en mars 2000. Peu de temps après, les deux fondateurs ont été écartés de l'entreprise.

La police a amorcé son enquête en 2003. Selon celle-ci, le stratagème des fraudeurs consistait à faire transiter l'argent par une succursale de la Banque Royale de Montréal vers un compte de la Chase Manhattan Bank de New York. L'argent était ensuite déposé chez Globe X, un fonds d'investissement contrôlé par Norshield, à Nassau, aux Bahamas. La société bahamienne Norshield et le fonds Globe X auraient permis aux dirigeants de Cinar de dissimuler la fraude en falsifiant la comptabilité.

3. Pourquoi le procès a-t-il été si long?

Le procès devait durer 5 mois; il s'est plutôt étendu sur 22 mois. Il s'agit d'un des plus longs procès devant jury au Canada. Il a commencé en mai 2014 devant la Cour supérieure et s'est terminé plus de deux ans plus tard.

La preuve présentée était volumineuse et complexe; cela explique en partie les délais. Il faut dire que les faits reprochés aux accusés se sont échelonnés sur huit ans. La police a perquisitionné dans plusieurs villes du monde et a amassé énormément de documents.

Au cours du procès, un expert-comptable a même témoigné pendant plus de 30 jours.

De plus, le processus de sélection du jury a été ardu. Plus de 1000 candidats ont été convoqués, parmi lesquels on a finalement choisi 10 hommes et 4 femmes. Trois jurés ont abandonné en cours de route, dont une femme, qui a eu le temps de tomber enceinte et d'accoucher pendant le procès.

4. Qu'est-ce que Cinar?

Ronald Weinberg et Micheline Charest, cofondateurs de Cinar, le 15 mars 2002. L'Autorité des marchés financiers leur a imposé une amende respective d'un million de dollars.

La compagnie de production audiovisuelle Cinar a été fondée en 1976 par Ronald Weinberg et Micheline Charest. Cette dernière est morte à 51 ans en 2004 de complications liées à une chirurgie esthétique.

À l'origine, cette entreprise distribuait des films étrangers pour le marché nord-américain. Toutefois, en 1984, Cinar a concentré ses activités à Montréal pour devenir ensuite un producteur. En quelques années, son chiffre d'affaires a atteint 150 millions de dollars. Une bonne partie des revenus venait de fonds publics. À une époque, Cinar employait plus de 200 personnes.

En 1993, elle est devenue la première maison de production québécoise à s'inscrire aux bourses de Montréal et de Toronto, et plus tard, de New York.

Cinar s'est spécialisée dans les films animés pour enfants. Plusieurs de ses séries, comme Caillou, ont connu un succès international. Ses productions ont été diffusées dans plus de 150 pays.

En 2004, des investisseurs torontois ont acheté Cinar et l'ont rebaptisée Cookie Jar.

5. Et l'affaire Robinson dans tout ça?

En décembre 2013, la Cour suprême du Canada conclut que Cinar et ses associés ont bel et bien plagié le dessin animé de Claude Robinson, Les aventures de Robinson Curiosité. Le plus haut tribunal du pays accorde au dessinateur 4,4 millions de dollars en dommages et intérêts.

Ce jugement met fin à une saga judiciaire de presque deux décennies. Il confirme les décisions antérieures de la Cour supérieure du Québec et de la Cour d'appel.
À ce jour, Claude Robinson n'a récupéré qu'une partie de l'argent qui lui est dû. Il n'a toujours rien reçu de Ronald Weinberg, qui prétend ne plus avoir d'argent.

Outre Cinar et leurs propriétaires, Ronald Weinberg et feue Micheline Charest, plusieurs firmes étaient impliquées dans cette poursuite, dont France Animation, Ravensburger Film, RTV Family Entertainment, Izard France Animation, Davin et France Animation S.A.
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3 commentaires
  1. Me
    Sentence insuffisante
    La peine maximale de 10 ans est nettement insuffisante pour une fraude de cette ampleur.

    On a affair à des truants d'envergure.

  2. anomyme
    anomyme
    il y a 8 ans
    Et les fonds publics?
    Qu'on m'explique comment il se fait qu'avec les prête-noms et donc l'argent public reçu de Téléfilm Canada et des crédits d'impôts pour les productions canadiennes portant Visa ni Micheline Charest, ni Ronald Weinberg n'aient jamais été poursuivis pour ces fraudes?

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 8 ans
    Et les fonds publics?
    Comment se fait-il que jamais des accusations criminelles n'aient été portées contre Micheline Charest et Ronald Weinberg en regard de l'appropriation illégale de fonds publics auprès de TéléFilm Canada et des crédits d'impôts basés sur le concept de productions canadiennes portant Visa dans le cadre du scandale des prête-noms?

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