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Droit successoral : des avocats occupés

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Camille Dufétel

2023-05-02 13:15:00

Quelles sont les lignes qui bougent dans les différents domaines de pratique ? Droit-Inc se concentre sur le droit successoral et les avocats en la matière seraient pas mal occupés…
Me Antoine Aylwin. Photo : Site web de Fasken
Me Antoine Aylwin. Photo : Site web de Fasken
Selon la conjoncture économique ou même démographique, les dernières actualités, les évolutions législatives, différents domaines de pratique peuvent connaître des changements. Des types de dossiers qui diffèrent, des avocats plus ou moins occupés, ou occupés d’une autre manière…

Après le droit immobilier, le droit fiscal, et notamment le droit du travail, Droit-Inc s’intéresse au droit successoral.

Me Antoine Aylwin, associé, co-chef vie privée et cybersécurité chez Fasken à Montréal, dont la pratique est axée sur le litige administratif, civil, commercial et le droit successoral, a répondu à nos questions.

Voyez-vous des changements récents dans votre domaine de pratique et si oui, à quoi sont-ils dus ?

C’est sûr que notre secteur est fortement influencé par la démographie, avec les « baby boomers » qui arrivent à un âge qui correspond à peu près à l’espérance de vie. Il y a beaucoup de décès dans cette génération.

C’est une génération qui est beaucoup plus riche que les précédentes, et qui a beaucoup moins d’enfants. Si on compare dix personnes qui se partagent un patrimoine de 100 000 $ par rapport à deux personnes qui se partagent un patrimoine d’1 million, le potentiel de litige est plus élevé dans le deuxième cas.

Par rapport aux bénéfices, ça vaut peut-être plus la peine de débattre. C’est ce qu’on voit de façon très macro.

Depuis combien de temps observez-vous cela ?

Depuis quelques années, et je l’anticipe depuis le début de ma pratique.

Je me disais qu’en pratiquant dans ce domaine, je m’inscrivais dans une tendance démographique faisant en sorte que je ne manquerais pas de travail.

Dans la dernière année, j’ai par ailleurs été retenu par la Chambre des notaires pour faire définir dans quelles circonstances on pouvait avoir accès à un testament antérieur. Les testaments faits par notaires ou avocats sont protégés par le secret professionnel.

Donc savoir qu’il y a un testament antérieur, et en obtenir une copie, c’est une dérogation au secret professionnel. Quand quelqu’un veut faire annuler un testament, la première question qui se pose, c’est « quel en est l’impact, s’il y a un testament ? ».

S’il n’y a pas de testament, c’est la loi qui va prévoir l’impact. S’il y a un testament antérieur, que prévoit-il ? S’il est valide et qu’il prévoit essentiellement la même chose que le dernier testament, le litige est un peu académique.

Plusieurs décisions ont été rendues dans la dernière année, dont la décision Chekir. Elle est venue dire notamment quels sont les critères de dérogation au secret professionnel.

Il faut avoir un intérêt, des motifs suffisants pour mettre en cause la validité du dernier testament, et la divulgation doit se limiter à ce qui est nécessaire.

Vous remarquez donc des litiges sur ce plan, mais quelles sont les raisons valables pour demander à faire annuler le dernier testament en date ?

Il y a deux motifs reconnus, soit l’incapacité, soit la captation. La captation, c’est quelqu’un qui va influencer, par des manœuvres dolosives, la volonté du défunt. Souvent, c’est dans un contexte de vulnérabilité, on va par exemple dire de sa sœur qu’elle n’aime pas sa mère et que c’est pour ça qu’elle ne vient pas la voir…

Ce n’est pas illégal d’essayer de convaincre quelqu’un d’être son héritier, tant que ce n’est pas par des manœuvres dolosives.

Que constatez-vous d’autre ?

Quelque chose que je vais développer dans une conférence sur les développements récents en droit successoral dans le cadre des formations offertes par le Barreau du Québec, c’est l’interaction entre des croyances religieuses différentes.

La conférence va porter sur la disposition du corps à la suite du décès, sur les rites funéraires. Il y a de plus en plus d’unions mixtes en termes d’héritage culturel et religieux, ce qui fait que ça se bouscule plus de ce côté-là.

Ces litiges qui augmentent, ça change quoi concrètement pour les avocats dans ce domaine ?

Au début, j’étais pas mal le seul qui faisait du droit successoral, et on a recruté. On est maintenant cinq à six avocats à Montréal qui en font régulièrement.

Pas d’évolution législative marquante ?

Il y a eu une réforme des dispositions sur le droit des personnes à l’automne, on a changé les régimes de protection. On a fait disparaître la curatelle. Maintenant, tous les régimes de protection, ce sont des tutelles au Québec.

Dans le cadre de cette réforme, il y a deux dispositions, particulièrement. L’une prévoit que même sous le régime de protection, on peut signer un testament, dépendant des circonstances, et il faut faire vérifier le testament. En curatelle, avant, c’était interdit de faire un testament.

L’autre chose, c’est qu'il y a maintenant des obligations sur le liquidateur. Quand il y a des biens qui sont dévolus à des mineurs, qui valent plus de 40 000 $, on doit aviser le curateur public.

Le liquidateur doit être conscient de cela et appliquer ces exigences.

Observez-vous encore d’autres changements, une tendance ?

Un dernier point important, c’est tout ce qui concerne l’interaction internationale. C’est encore un phénomène propre aux « baby boomers », qui, en ayant plusieurs actifs, en ont parfois dans plusieurs juridictions. Donc s’il y a un litige, quel est le tribunal qui doit se prononcer ?

Les règles ne sont pas nouvelles. Les biens immeubles sont toujours sous la juridiction du lieu par exemple. Mais là, on voit la tendance de faire plusieurs testaments avec des juridictions différentes.

La Cour d’appel a rendu un jugement récemment, dans un de mes dossiers. La défunte avait un condo à Tremblant et avait fait un testament portant sur ses biens canadiens. La plupart de ses biens étaient aux États-Unis.

Les petits-enfants voulaient faire annuler ses testaments et le juge, ce fut confirmé par la Cour d’appel, a dit qu’on ne pouvait pas commencer à gérer toute la succession d’une personne qui est décédée aux États-Unis quand les facteurs de rattachement ne sont pas là. La seule chose qu’on va décider, c’est à qui va le condo.

Si on pense à ceux qui ont un condo en Floride, c’est un phénomène qui est nouveau avec les « baby boomers ». Avant, les gens n’avaient pas de propriété à l’étranger. Pareil pour les Français ici, qui peuvent avoir des biens d’un côté et de l’autre de l’océan.

On se pose des questions qu’on ne se posait pas il y a 20 ans.

Les futurs avocats en droit successoral devront-ils s’inquiéter d’avoir moins de travail plus tard ?

Les « baby boomers », on en a encore pour 20 ans. Je ne pense pas que la perspective va changer sous peu, de par les taux de natalité qui sont plus ou moins les mêmes depuis 40 ans, on va continuer à avoir de plus petites familles, et les niveaux de vie au Québec continuent à augmenter.
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