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Violence conjugale : Quand le juriste devient bourreau

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Didier Bert

2023-10-25 15:00:00

Un jugement de divorce décrit la violence conjugale dont un professeur de droit a fait preuve envers son ex-épouse, et les demandes farfelues qu’il a multipliées au cours des procédures.
imge #66321Un avocat et professeur de droit a infligé de la « violence psychologique, physique, économique et sexuelle » à son ex-épouse jusqu’à ce que la juge Marie-France Vincent de la Cour supérieure prononce le divorce au mois de juin.

La décision est frappée d’une interdiction de divulgation ou de diffusion de toute information permettant d'identifier les parties. La demanderesse est identifiée sous les initiales de L.S., alors que le défendeur est identifié comme P.L.

L'épouse du professeur de droit, une résidente en médecine, demandait au tribunal de prononcer le divorce et de condamner son époux à des dommages-intérêts. Le juriste, qui se représentait lui-même, demandait lui aussi des dommages pécuniaires.

Ce divorce est celui d'un mariage de courte durée. Mariés en décembre 2020, les deux époux se séparent en octobre 2021. Deux mois plus tard, l'épouse demande le divorce, en alléguant de la violence conjugale.

« Le défendeur fait face à des accusations criminelles de voies de fait, harcèlement criminel et agression sexuelle », précise le jugement de divorce.

Huit jours après avoir demandé le divorce, l'épouse obtient l’usage exclusif du condominium et du véhicule automobile. En mars 2022, il est convenu que l'épouse rachète la part de son mari dans le véhicule automobile, et que celui-ci rachète la part de celle-ci dans le condo. Tous deux prévoient de se partager les meubles.

L'affaire aurait pu se terminer ainsi, mais « la réalité est tout autre », résume la décision.

Une montagne de demandes, presque toutes rejetées

À l’appui de ses demandes, l’ex-épouse produit « deux demandes en cassation de citation à comparaître, quatre demandes pour la nomination d’un avocat indépendant, une demande pour abus et une demande pour la mise en vente en justice du condominium. »

De son côté, le défendeur produit produit plus de 30 demandes écrites et 278 pièces. Le juriste « fait citer à comparaître pour outrage au tribunal madame pour le non-paiement des taxes municipales et scolaires quant au condominium. Il tente sans succès de la citer pour outrage une deuxième fois, pour la non-transmission complète de ses déclarations fiscales. »

Au total, la juge Marie-France Vincent indique avoir tenu 17 audiences pour un total de plus de 45 heures. Les demandes verbales et écrites se succèdent au cours de ces audiences, durant lesquelles de multiples ordonnances sont prononcées.

« La quasi-totalité des demandes du défendeur sont rejetées », relate le jugement.

Le défendeur a présenté la majorité des demandes verbales durant les audiences. Il s’est aussi présenté à six reprises devant la Cour d’appel.

Le professeur de droit est allé jusqu’à demander que l’avocat de son épouse, Me Guy Bernard, soit déclaré inhabile. La demande a été rejetée en octobre 2022.

L'époux poursuit son ex-épouse et son avocat en responsabilité civile pour un montant de 273 000 $.

En janvier 2023, la juge Marie-France Vincent autorise l'épouse à vendre seule le condominium. L’ex-époux se voit ordonné de verser dans la marge de crédit tous les montants dus depuis juin 2022. Il est tenu de payer les frais d’Hydro-Québec, les taxes municipales et scolaires ainsi que les frais de condo.

En réponse, « Monsieur exige la récusation de la soussignée à deux reprises, demandes qui sont rejetées », écrit la juge Vincent.

Le 9 mai 2023, le professeur de droit est déclaré plaideur sujet à autorisation, ou plaideur quérulent, à l’égard de la demanderesse et de ses représentants, par le juge Damien St-Onge. Cela l'oblige à obtenir l'autorisation d'un juge avant d'intenter toute action judiciaire ayant un lien quelconque avec la demanderesse, ses représentants légaux ou toute autre personne concernée par la fin de vie commune des parties.

Pas crédible, mais manipulateur

À l’issue d’une instruction de quatre jours - initialement prévue pour durer deux jours -, la juge Marie-France Vincent prononce le divorce. Mais elle ne se limite pas à cette décision. « La preuve présentée convainc le Tribunal qu’il s’agit d’un cas de violence conjugale », indique le jugement. « Bien que monsieur nie catégoriquement toute forme de violence envers madame, ce dernier n’est nullement crédible. »

La décision décrit le début de la relation entre les deux futurs époux, alors que « Monsieur manipule tranquillement madame à faire ce qu’il veut d’elle ». Le professeur de droit impose à l’étudiante en médecine « de relire et de corriger ses travaux de maîtrise ».

La manipulation inclut les relations intimes. Alors que sa copine a exprimé le souhait de demeurer vierge jusqu'à leur mariage, l'homme la convainc de lui faire des fellations, lui affirmant qu'il ne s'agit pas de relations sexuelles. « Il la réveille la nuit pour qu’elle « l’aide à s’endormir en le masturbant », ajoute le jugement.

Au cours de leur soirée de la Saint-Valentin en 2021, « monsieur a une relation sexuelle complète sans son consentement », indique la décision de la Cour supérieure.

L'homme intervient également dans la vie sociale et familiale de l’étudiante en médecine. La juge mentionne ses crises de jalousie quand un collègue de travail offre un café à sa copine, ou que celle-ci se trouve dans un bar. « Monsieur éloigne madame de sa famille et de ses amis. »

Plainte retirée, comportement violent

La demanderesse fait appel aux policiers à plusieurs reprises. Mais elle ne souhaite pas porter plainte… sauf une fois, où une plainte est officialisée. « Malgré la présence de conditions, monsieur s’arrange pour que madame retire sa plainte ». À son tour, il menace de porter plainte contre le père de sa copine. « Finalement, à la suite de leur séparation, madame porte plainte et monsieur est accusé au criminel ».

L'achat du condo est fait grâce à la mise de fonds provenant du compte personnel de la dame. L'acte d'achat est rédigé sans mentionner ce point, tout en prévoyant une convention d’indivision: le défendeur avait jugé qu'il n'était pas nécessaire d'inscrire la provenance de la mise de fonds.

L'énumération des faits se conclut par le récit d'un enregistrement vidéo, qualifié par la juge Vincent de « clou de son cercueil ». Le visionnement de la vidéo montre l'homme, empêchant son épouse de quitter leur chambre, en utilisant son corps, en levant les mains, et en la poussant constamment pour la garder à distance de la porte.

La séparation des deux époux ne met pas un terme au comportement du professeur de droit. « La violence psychologique, physique, économique et sexuelle exercée par monsieur n’a pas cessé à la suite de la fin de la vie commune. », écrit la juge Vincent.

Violence conjugale et intimidation

« Monsieur exerce de la violence judiciaire » en abusant du système de justice par des procédures à n'en plus finir. Le professeur de droit envoie plus de 1100 courriels à l'avocat de son épouse. « Il notifie des procédures presque chaque semaine. »

Le juriste prétend avoir subi des préjudices, et accuse son épouse d’avoir menti dans ses procédures de divorce. Il s’en prend aussi aux jugements de la juge Vincent, de la juge Suzanne Ouellet, du juge Damien St-Onge, et de la Cour d’appel.

Afin d’appliquer l'entente intervenue en mars 2022, l'épouse a dû obtenir des autorisations judiciaires pour procéder sans la signature de son époux au transfert du véhicule automobile et à la vente du condo.

« Lors du processus de vente du condominium, monsieur a tout fait pour empêcher le travail du courtier immobilier, allant même jusqu’à le menacer de poursuite criminelle »;

Le juriste, qui devait racheter la part de son épouse dans le condo, ne l'a pas fait. Il a même loué le condo à une famille, en empochant le montant du loyer sans payer les frais de condo.

La juge décrit ensuite le témoignage de l’époux. « Monsieur se permet d’émettre des propos d’attaque gratuits sur la personne de madame. » Il dit être victime de violence conjugale, en affirmant que son épouse « le frappait souvent ».

La juge Vincent qualifie d’ « intimidation » ses demandes envers son épouse. « Par sa demande reconventionnelle, monsieur présente des demandes farfelues ou sans fondement juridique », considère la juge, en soulignant qu’il est avocat et enseigne le droit à l’université.

Les demandes farfelues du juriste

Et la juge fait la liste des demandes farfelues présentées par le professeur de droit, dont on ne citera ici que quelques exemples :
  • il demande 1 000 $ pour sa sœur, alors qu'une personne ne peut pas réclamer une somme monétaire pour autrui.

  • « il demande au Tribunal d’ordonner le partage des revenus des parties pour les prochains 10 ans, car madame sera médecin spécialiste et gagnera des millions ».

  • il réclame un dédommagement financier de 6 274,04 $ parce que son épouse ne lui a pas transféré ses crédits d'impôt comme étudiante. « Or, cette mesure fiscale revient au choix de madame ».

  • « il réclame 7 000 $ à titre de dommages, car il s’est senti humilié de devoir demander à sa famille et à des amis de le loger et de le voyager. »

  • « il demande que madame soit condamnée à payer 25 303,20 $ pour l’embauche d’assistants de recherche pendant trois ans, car elle n’est plus présente pour réviser ses travaux ».

Pour sa part, l'épouse a déboursé 100 000 $ en frais d’avocat, alors que le divorce aurait pu se régler pour 5 000 $, souligne la juge Vincent. « Ce dossier a pris une tournure inimaginable en raison des comportements du défendeur », pointe le jugement. « Même la mère du défendeur témoigne qu’elle ne comprend pas « toute cette énergie pour une Subaru et un condo » ».

La juge Marie-France Vincent condamne le défendeur à rembourser 95 000 $ en honoraires professionnels à son ex-épouse.

La demanderesse se voit octroyer 10 000 $ à titre de dommages-intérêts non pécuniaires en raison des pertes de sommeil, du stress, de l’anxiété et de la honte à devoir raconter les sévices subis. « Madame a dû décrire en détail des agressions sexuelles, de la séquestration et des gestes de violence physique ».

Le tribunal ordonne aussi au défendeur de verser à la demanderesse 12 500 $ de dommages-intérêts punitifs, ainsi que 29 740,93 $ au titre des frais impayés de condo et des frais du courtier immobilier.

La juge Vincent ordonne au défendeur de retirer de ses réseaux sociaux et toute autre plateforme les photographies de la demanderesse, et de ne plus contacter directement ou indirectement la demanderesse pour un maximum de trois ans.

La magistrate rejette la demande reconventionnelle du professeur de droit.

Le jugement a été porté en appel par le professeur de droit.
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22 commentaires
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    ?
    Ouf, mon ancien prof de droit des biens est sauf ! C'est un gentleman, et en plus il est gay comme un pinson!

  2. Publius
    Publius
    il y a un an
    L'art de se tirer dans le pied
    Visiblement, monsieur aurait eu bien fait de relire son code de déontologie avant d'embarquer dans ce genre de saga.

    Imaginez en plus la file que ça créé au palais de justice.

    C'est vraiment l'art de se tirer dans le pied.

    Venant d'un professeur d'"UNIVERSITÉ", en plus...

    Bref, le genre de jugement qui va faire couler beaucoup d'encre...

    • A
      A
      C'est un prof de droit, mon cher.
      Quand tu connais le droit, tu le pratiques.
      Quand tu ne le connais pas, tu l'enseignes...

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 11 mois
      Facéties!
      N'importe quoi. As-tu déjà rencontré ou lu Didier Lluelles, Marie-Annik Grégoire, Daniel Gardner ou Patrice Deslauriers? As-tu déjà plaidé devant Jean-Louis Baudouin, Marie-France Bich ou Benoît Moore? Tous des gens qui connaissent clairement mieux le droit que 99% des juristes du Québec.

    • Non
      Non
      Comment Droit-Inc laisse passer des commentaires aussi puants? Comment ce pauvre type a l'idée d'écrire des conneries pareilles?

    • A
      A
      Désolé mais Marie-France Bich je classe ça dans les praticiennes et non les profs. Le tout depuis 19 ans. C'est pour ça qu'elle connaît le droit.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 11 mois
      Classement de Marie-France Bich
      Je me rappelle un des premiers arrêt qu'elle a pondu en pénal: quelques lignes pour appliquer R. c. W.D. (il faut bien commencer quelque part...).

      En comparant son oeuvre jurisprudentielle en pénal avec celle de Morris Fish en civil (ce dernier a fait du droit criminel pendant toute sa carrière), j'ai toujours trouvé qu'entre ces deux apprentissages sur le tas, les résultats de Fish étaient nettement plus convainquant.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 11 mois
      hihi
      On sait qui a écrit ce commentaire! allo!

  3. A
    A
    « La demanderesse fait appel aux policiers à plusieurs reprises. Mais elle ne souhaite pas porter plainte… sauf une fois, où une plainte est officialisée.»

    Pierre et le loup
    C'est pour ça que les pseudo-victimes de violence conjugale méritent qu'on continue à peu les croire.

    • Ouste
      Pauvre type
      Pauvre type, personne ne t'aime, tu le sais et ca sent.

  4. A
    A
    Avec une attitude comme ça, guerrier à l'extrême, il n'y a qu'un seul nom qui me vient à l'esprit parmi les pools de profs de droit dans le district de Québec (et ce n'est pas lui !)

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 11 mois
      A
      « guerrier à l'extrême »
      « C'est pour ça que les pseudo-victimes de violence conjugale méritent qu'on continue à peu les croire »

      Clairement c'est lui-même qui a écrit ces commentaires.

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 11 mois
    Accusation d'agression sexuelle
    « Le défendeur fait face à des accusations criminelles de voies de fait, harcèlement criminel et agression sexuelle »

    Est ce que l'université est au courant ? Il est inconcevable qu'on permette à un professeur d'université d'enseigner alors qu'il fait face à des accusations d'agression sexuelle ! Je ne permettrai jamais à ma fille d'assisté à un cours enseigné par ce "prof" !

    • R
      Accusation d'agression et quérulence
      Au-delà du fait que le professeur soit accusé d'agression sexuelle,
      "Le 9 mai 2023, le professeur de droit est déclaré plaideur sujet à autorisation, ou plaideur quérulent, par le juge Damien St-Onge. Cela l'oblige à obtenir l'autorisation d'un juge avant d'intenter toute action judiciaire"

      Je vois mal quelqu'un enseigner le droit alors qu'il est considéré plaideur quérulent.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 11 mois
      Pour l'instant il n'est pas condamné au criminel
      "Je vois mal quelqu'un enseigner le droit alors qu'il est considéré plaideur quérulent."


      Voyez-vous quelqu'un pratiquer le journalisme alors qu'il a été reconnu coupable de fausse alerte à la bombe dans un avion?

      Il vous faudra pourtant vous faire à l'idée:

      https://www.lapresse.ca/actualites/2023-10-26/journaliste-franco-canadien-accuse-en-grece/trois-ans-de-prison-avec-sursis-pour-romain-chauvet.php


      Radio Canada semble s'être déjà débarassé de lui*, mais peut-être qu'il se recyclera à TV5.

      * https://ici.radio-canada.ca/profil/24679/romain-chauvet/2

    • A
      A
      C'est faux.
      Le jugement parle d'une déclaration de quérulence limitée à toute poursuite à l'égard de son ex-conjointe et ses représentants (par. 101 de la décision).
      Apprenez à lire.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 11 mois
      Accusation d'agression et quérulence (suite)
      En plus !

      Ce prof est en situation d'autorité avec ses étudiant(e)s. Il est dangereux qu'il continue d'enseigner. L'université devrait être alertée immédiatement (je doute qu'il le fasse de son propre chef).

      Espérons qu'il sera radié et cessera d'enseigner. Il fait honte à la profession d'avocat.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 11 mois
      Pour l'instant il n'est pas condamné au criminel
      Devons nous comprendre, parce qu'il n'a pas été retrouvé coupable, que vous permettriez à l'un de vos proches d'être enseigné par lui ?

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 11 mois
      ça a l'air que c'est accepté
      J'ai souvenir qu'un ancien chargé de cours (il n'y a pas si longtemps) fort savant en droit civil était passé de la pratique à l'enseignement après avoir lancé son code de procédure civil à un juge.

    • A
      A
      Cher Staline, Pourquoi devrait-il être radié? Seulement parce qu'il est accusé?

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 11 mois
      Oui mais
      Outre les accusations, il a quand même été reconnu plaideur sujet à autorisation et le jugement semble bien démontré plusieurs violation au code de déontologie.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 11 mois
      hihi
      allo, encore toi! :)

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