Analyse juridique

Affaire Bain : qu’en pensent les criminalistes?

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Julien Vailles

2016-08-24 15:00:00

Affaire Bain : l'accusé est reconnu coupable de meurtre non prémédité. Verdict surprenant ? De compromis ? Droit-inc a posé quelques questions à des criminalistes…
Pour Me Richard Dubé, c'est un verdict de compromis
Pour Me Richard Dubé, c'est un verdict de compromis
Après onze longs jours de délibéré, les jurés ont rendu leur verdict : lorsque, le 4 septembre 2012, il a tiré sur MM. Denis Blanchette et Dave Courage, tuant le premier et blessant grièvement le deuxième, Richard Henry Bain était conscient de ses actes. La thèse de la défense selon laquelle celui-ci aurait été atteint de troubles mentaux, qui l'empêchaient de juger de ses actes, est donc rejetée. Cependant, le jury a décidé que ce meurtre n'était pas prémédité, d'où la conclusion de meurtre au deuxième degré.

Trois criminalistes donnent à Droit-inc leurs vues sur la décision.

1. Que faut-il retenir du verdict?

C'est un verdict de compromis, affirme sans détour Me Richard Dubé, du cabinet criminaliste Raby Dubé Leborgne. Il me paraît clair que les jurés ne s'entendaient pas, les uns croyant au meurtre au premier degré et les autres penchant davantage pour la thèse de la non-responsabilité criminelle. Le meurtre au deuxième degré était un compromis logique.

Me Danièle Roy, avocate criminaliste à son compte et Présidente de l'Association des Avocats de la Défense de Montréal, n'est pas aussi catégorique. Pour elle, il est possible que les jurés aient tenu compte du fait que la personne décédée, M. Denis Blanchette, n’était pas celui qui était visé. Même si, en droit, on opère un transfert d’intention qui ne change rien à la nature du meurtre, il est possible que les jurés aient conclu autrement. Et leur décision n’a pas à être justifiée en droit, explique-t-elle.

2. D'après vous, pourquoi la délibération a été aussi longue?

Me Julie Couture croit que les jurés avaient du mal à s’entendre non pas sur la culpabilité, mais sur la préméditation.
Me Julie Couture croit que les jurés avaient du mal à s’entendre non pas sur la culpabilité, mais sur la préméditation.
Probablement parce que les jurés ne s'entendaient pas, justement, indique Me Dubé. Il a fallu beaucoup de temps avant de se mettre d'accord sur une solution mitoyenne.

Me Roy met l’accent sur le fait qu’il s’agit d’un dossier où a été plaidée la non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. De tels dossiers sont difficiles, rappelle-t-elle, en particulier dans un cas comme celui-ci où l’on essaie de déterminer l’état d’esprit d’un individu pour des faits s’étant produits il y a quatre ans.

De son côté, Me Julie Couture, qui opère le cabinet Couture & Associés, à Laval, croit plutôt que les jurés avaient du mal à s’entendre non pas sur la culpabilité, mais sur la préméditation. À son avis, une fois qu’on a déterminé qu’il ne souffrait pas de troubles mentaux l’empêchant de juger que ses actes étaient mauvais, on a longtemps délibéré sur la question de la préméditation.

3. La décision vous surprend-elle?

Pas du tout, déclare Me Dubé, qui disait s’attendre à cette décision. Quand le verdict a tardé à être rendu, il savait bien que le jury ne s’entendait pas sur la question de savoir s’il allait retenir ou non la défense de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.

Pour Me Couture, il s’agit au contraire d’un verdict étonnant. En déclarant M. Bain coupable de meurtre au deuxième degré, il ne sera pas admissible à la libération conditionnelle avant une période à être déterminée. Cette période ne peut être inférieure à dix ans et ne peut excéder 25 ans. Or, M. Bain a 65 ans, rappelle l’avocate. Dans les faits, que le meurtre soit prémédité ou non, il n’y aura pas vraiment de différence pratique...

4. Pensez-vous qu'il existe des motifs d'appel?

Pour Me Danièle Roy, il est possible que les jurés aient tenu compte du fait que la personne décédée, M. Denis Blanchette, n’était pas celui qui était visé.
Pour Me Danièle Roy, il est possible que les jurés aient tenu compte du fait que la personne décédée, M. Denis Blanchette, n’était pas celui qui était visé.
Me Dubé serait très surpris qu’il y ait appel. Il croit le juge Cournoyer très compétent et par conséquent, voit mal comment une des parties pourrait en appeler. De surcroît, il s’agit selon lui d’une décision satisfaisante pour le ministère public comme pour la défense.

5. Finalement, que pensez-vous de cette décision?

Même si l’on n’est pas toujours d’accord, il faut apprendre à accepter les décisions des jurys, indique Me Roy. Contrairement à ceux des États-Unis, les jurés canadiens ne doivent ni ne peuvent jamais parler des raisons de leur verdict, rappelle-t-elle. Ces raisons n’ont donc pas à être étayées juridiquement. Il s’agit cependant du prix à payer pour défendre cette institution qui permet d’être jugé par ses pairs, selon l’avocate.

Quant à Me Couture, ce qu’elle remarque d’emblée, c’est que ça a été très long. En effet, elle est sidérée par le délai de quatre ans entre les événements et le verdict. Dans cette optique, l’arrêt Jordan aurait-il pu s’appliquer en l’espèce en faveur de M. Bain? Elle ne le croit pas, car la plupart des délais lui sont imputables. Le juge était déterminé à terminer cette affaire le plus succinctement possible, alors il est difficile de lui attribuer la lenteur des procédures, croit-elle.

Et vous, qu’en pensez-vous?
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2 commentaires
  1. Thinh bui
    Thinh bui
    il y a 8 ans
    Etre ou ne pas etre corruptible
    Une ville de 8000 habitants dont 6000 se sont converti en scientologie....il est difficile de croire a l impartialite d un jugement des jures sur des crimes capitaux. La loi de tallion n est pas obsolete mais d exception. Faut il revenir a cette loi ?

  2. DSG
    verdict de compromis
    I understand how the guy with V-neck can consider this a compromise. That nut tried to assassinate an elected official. They should have gone all out to make an example of him.

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