Cinéma

Séance ciné : silences et dialogues

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Céline Gobert

2012-03-30 17:00:00

Envie d’émotions ? Cette semaine, Droit-Inc vous propose deux films sensibles et légers, des portraits (d’)humains, qui abordent des thématiques complexes avec pudeur… Lire les critiques…
V comme Virtuel

Source d’inspiration pour les avocat(e)s : dialoguer pour mieux combattre.

Une bouteille dans la mer de Gaza, un film de Thierry Binisti.
Une bouteille dans la mer de Gaza, un film de Thierry Binisti.
D’une bouteille lancée à la mer, naîtra un échange de courriels, entre une jeune française de Jérusalem et un Gazaoui. Une rencontre et un pont virtuels entre deux mondes que tout sépare : Israël et la Palestine.

La discussion épistolaire de Valérie Zenatti dans son livre Une bouteille dans la mer de Gaza, sentait bon le sujet casse-gueule. Comment ne pas se montrer trop naïf ? Comment éviter la langue de bois ?

Thierry Binisti évite tous les pièges et schémas redoutés et manie son duo adolescent (excellents Agathe Bonitzer et Mahmud Shalaby) avec classe et retenue, en posant des gestes, de la chair et des mots sur les figures invisibles de la guerre.

Derrière les images d’horreurs télévisées, il y a des êtres qui subissent (l’oppression, l’héritage, la violence). Derrière l’idée de deux peuples en guerre, et les figures abstraites du conflit, il y a des maux, banals, simples, communs.

Si tout divise les deux adolescents, symboles évidents des deux peuples, l’espoir d’un avenir meilleur et les tiraillements générationnels les unissent. Le film offre un visage à l’invisible : aux questionnements d’un frère, militaire à Gaza, à la peur universelle de parents face à l’avenir de leurs enfants, à des cris d’enfants qui percent le sifflement des bombes.

On y parle de la guerre à hauteur d’hommes, avec une simplicité désarmante, le tout est plein de candeur, mais non dénué d’intelligence. Au final, le véritable challenge des protagonistes n’est pas de s’aimer, mais de point se haïr.

La fin, ouverte, révèle moins un possible de réconciliation, qu’un désir fort d’émancipation : passage de l’adolescence à l’âge adulte, passage d’un cloisonnement (moral, physique) à une liberté de choix et de pensée.

“Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde”, disait Gandhi

V comme Vide

Source d’inspiration pour les avocat(e)s : repartir de zéro pour mieux vivre.

Le romancier Olivier Adam est devenu un fournisseur régulier de scripts pour le grand écran. Après, entre autres, un Je vais bien ne t’en fais pas, construit lui aussi autour du thème de l’absence, c’est au tour de ses Vents Contraires d’intéresser un cinéaste.

Des vents contraires, un film de Jalil Lespert.
Des vents contraires, un film de Jalil Lespert.
Une mère qui disparaît (Audrey Tautou), un père à la dérive (Benoît Magimel), des gamins déboussolés, une vie à rebâtir, les paysages côtiers et mélancoliques de Saint-Malo : tout le matériau cinématographique était là. Jalil Lespert, pour son second long-métrage après 24 mesures, livre ainsi un beau portrait d’homme.

Dirigeant ses acteurs d’une main de maître, sa caméra saisit tout du jeu complexe d’un Magimel, que l’on n’avait pas vu aussi bon depuis des lustres (chez Haneke précisément). Chaque séquence rend justice à sa composition nuancée. C’est simple : lorsque l’on sort de la salle, on se dit que personne d’autre que lui, avec son physique tout aussi séduisant que lourd, massif, n’aurait aussi bien su saisir tous les détails du personnage.

Ce n’est pas le seul, d’ailleurs, à impressionner dans Des Vents contraires : Isabelle Carré est immensément touchante dans le rôle de la flic sensible, Ramzy Bédia impressionne en père paumé, bien loin de ses rôles comiques, et Antoine Duléry trouve le ton juste, entre humour et pudeur.

C’est cette galerie de personnages, bien croqués, bien dessinés, filmés à la bonne distance qui rend le film de Lespert attachant, intéressant, fort par instants.

Le reste du temps, on patauge un peu : la mise en scène n’est pas suffisamment personnelle, inventive, pour sublimer les silences, ou même, tout simplement, se démarquer ; et, la tentation du pathos n’est jamais loin, menaçant tout du long le récit de sombrer dans la facilité. Lespert finit par s’y vautrer dans un final, trop étiré, trop larmoyant, trop explicatif, là où l’on aurait aimé rester dans le flou, tant l’essentiel nous paraissait résider dans la (r)évolution intérieure et progressive des protagonistes.

En clôturant absolument tous les enjeux dramatiques du récit (principaux et collatéraux), il muselle les émotions. Dommage.
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