La bâtonnière sortante peut-elle soutenir un candidat ?
Céline Gobert
2015-05-15 14:30:00
L’ancienne bâtonnière, toujours présente sur l’organigramme du Barreau et rémunérée 147 750 dollars à ce titre, comme l’indiquait Droit-inc ici, peut-elle publiquement prendre position pour le candidat Deshaies ?
L’avis du Barreau
Droit-inc a interrogé le Barreau sur les fonctions et le rôle de Me Brodeur : le bâtonnier sortant demeure-t-il un porte parole officiel du Barreau ? Quel est son rôle ? Quelles tâches ordinales lui sont confiées ?
Selon les informations données par le Barreau, le bâtonnier du Québec en fonction est le seul porte-parole de l’Ordre. Le bâtonnier en fonction peut, s’il le juge nécessaire, déléguer cette fonction ponctuellement à une autre personne pour s’adresser publiquement au nom de l’Ordre, selon les dossiers et au cas par cas.
Le rôle du bâtonnier sortant, explique le Barreau, est d’assurer le suivi de certains dossiers débutés sous son bâtonnat. Ce ou ces mandats de suivis lui sont officiellement confiés par le bâtonnier en exercice.
Dans la gouvernance actuelle qui prendra fin en juin prochain, le bâtonnier sortant participe aux réunions du Conseil général en tant qu’observateur et au Comité exécutif en tant que membre non votant.
« Je suis sur le C.A du Barreau dans un rôle d’observateur. J’ai le droit de parole mais sans droit de vote », a indiqué Me Brodeur à Droit-inc. Quant aux élections, elle a évidemment le droit de vote, comme tout autre membre du Barreau. « Je ne suis pas un officier de la corporation », dit celle qui, en plus de ses activités au Barreau, occupe le poste de directrice des affaires juridiques de l’Union des producteurs agricoles (UPA) depuis 2001.
Omerta en place ?
« Si l’on trouvait autant d’irrégularités dans une élection municipale ou fédérale, les gens crieraient au meurtre ! » s’exclame l’éthicien René Villemure, fondateur de l’Institut québecois d’éthique appliquée en 1998, d’Éthikos en 2003 et de BoardEthics en 2014.
Selon lui, l’intervention de Me Johanne Brodeur « porte à la confusion », puisque, en raison du titre de bâtonnière sortante, le Barreau demeure rattaché au nom de Me Brodeur. Comment donc bien faire la distinction entre l’opinion personnelle de la bâtonnière sortante et celle du Barreau ?
« Elle ne devrait pas parler, elle devrait être en totale neutralité. » Pour lui, c’est la légitimité même de l’élection qui est en jeu si le Barreau ne fait pas correctement son travail.
Selon M. Villemure, il semble qu’il y ait une sorte « d’omerta en place » au Barreau, qui est peut-être « la culture de ce milieu. » Quoi qu’il en soit pour lui: lorsqu’une élection a lieu, une partie prenante doit rester neutre « de manière sans équivoque. »
La somme des incidents qui ont eu lieu durant cette campagne fait jaillir « un relent de “oui mais”», dit-il, qui entache la campagne. Selon lui, le Barreau s’expose à de graves critiques du candidat perdant (quel qu’il soit) et doit absolument intervenir et se prononcer pour prendre position sur l’intervention de Me Johanne Brodeur.
« Le Barreau doit faire davantage que se demander: “est-ce que c’est légal?” mais bien aussi “est-ce que c’est juste ?”. »
Qu’en pensez-vous ?