La Cour suprême siège à l'extérieur d'Ottawa
Radio -Canada
2019-09-23 14:15:00
Les neuf juges de la Cour suprême du Canada sont à Winnipeg cette semaine. Le plus haut tribunal du pays se déplace pour la première fois de son histoire. Les juges entendront deux causes en appel lors de leur séjour au Manitoba, dont l’une porte sur les droits linguistiques et scolaires des francophones de la Colombie-Britannique.
« Il est important pour nous que la Cour soit accessible à l’ensemble des Canadiens, parce que la Cour suprême est votre cour », déclarait le juge en chef Richard Wagner en mai dernier, au moment où il annonçait la venue de la Cour suprême à Winnipeg.
Ce déplacement représente, pour la Cour, une façon de favoriser l’accès à la justice pour l’ensemble des Canadiens et de démystifier le travail des juges.
La CSC entendra 2 appels à #Winnipeg, au #Manitoba en septembre, a dit aujourd’hui le juge en chef Richard Wagner. Cette initiative fait partie de l'engagement de la Cour envers l’#accèsàlajustice et sera la toute 1re fois qu’elle siégera hors d’Ottawa. #CSCàWinnipeg pic.twitter.com/BiixufvWmG
— Cour suprême du Canada (@CSC_fra) May 13, 2019
Le directeur de l’Association des juristes d’expression française du Manitoba, Guy Jourdain, explique que la Cour suprême joue un rôle crucial en tant que « tribunal de plus haute instance, et de dernier appel, au pays ».
« Son rôle s’est élargi depuis l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982, précise-t-il. Les juges de la Cour suprême sont l’arbitre final dans toute l’interprétation de nos droits et libertés, et cela comprend la dimension des droits linguistiques. »
La gestion scolaire a été au cœur des revendications des francophones de l'extérieur du Québec depuis les années 90, et plusieurs avancées ont été rendues possibles à la suite de jugements de la Cour.
« On peut dire sans se tromper que la jurisprudence linguistique a connu des hauts et bas depuis une trentaine ou une quarantaine d’années, mais en général, les droits linguistiques ont reçu beaucoup d’appuis de la Cour », explique Guy Jourdain.
Des décisions marquantes pour les droits scolaires
Parmi les décisions marquantes, Guy Jourdain cite trois exemples :
L’arrêt Mahé – une cause née en Alberta – en 1990. « La Cour a reconnu le principe du droit de gérer les écoles [par les minorités]. Les juges ont conclu que ce droit était garanti implicitement par la Charte. Si les institutions appartenaient à la minorité, la minorité devait pouvoir les gérer. Cette décision a été un point tournant en matière de droits scolaires. »
Le renvoi manitobain concernant la Loi sur les écoles publiques, en 1993. « De cette décision a découlé la création de la Division scolaire franco-manitobaine, ici au Manitoba. Elle a donc eu impact très significatif. Et les batailles juridiques autour de l’article 23 de la Charte ont continué. »
La décision dans l’affaire de l’École Rose-des-Vents. « La Cour a parlé de la notion de l’équivalence quant à la qualité de l’éducation. On parle d’égalité réelle par opposition à égalité formelle, c’est-à-dire que pour en arriver aux mêmes résultats, on reconnaît que des investissements additionnels peuvent être nécessaires. »
Deux audiences à Winnipeg
Les juges entendront jeudi l’affaire ''Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique, Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique, et al. c. Sa Majesté la Reine du chef de la Province de la Colombie-Britannique, et al.''
Guy Jourdain résume l’enjeu de cet appel. La question posée est la suivante : « peut-on se servir de l’article premier de la Charte dans l’interprétation des droits scolaires? Cet article dit que les droits et libertés peuvent faire l’objet de limites qui sont justifiables dans les sociétés libres et démocratiques. »
Si un gouvernement trouve qu’une dépense est trop élevée, par exemple pour construire une école pour la minorité, « est-ce que ça peut être considéré comme une limite justifiable? »
La décision de la Cour sera certainement « intéressante » et Guy Jourdain se dit confiant « qu’il va y avoir une décision positive ».
La veille, mercredi, les juges entendront un autre appel, en matière de droit criminel cette fois, concernant l’affaire K.G.K contre La Reine. Dans ce cas-ci, l’enjeu porte sur les délais en matière de procédures.
Des rencontres avec la communauté
Par ailleurs, les juges rencontreront divers intervenants communautaires pendant leur séjour à Winnipeg.
Ils s'adresseront à des élèves d’écoles secondaires lundi. Les neuf juges visiteront chacun une école, dont le Collège Louis-Riel, une école d’immersion, une école autochtone et sept écoles anglophones. Ils seront accompagnés par les juges en chef du Manitoba.
Vendredi, ils tiendront des rencontres avec des intervenants de divers secteurs de la communauté, dont des francophones et des Autochtones.
« C’est la philosophie du juge en chef Wagner, rappelle Guy Jourdain. Déjà, avant d’être nommé juge en chef, il était venu ici à Saint-Boniface rencontrer la communauté. »
« Je trouve que c’est une excellente idée que les juges de la Cour suprême, qui vivent à Ottawa dans un milieu un peu artificiel, un peu coupé du vrai monde, sortent de cette bulle et aillent un peu partout au pays, ajoute-t-il. Qu’ils puissent rencontrer des représentants des différents secteurs de la société, c’est une occasion de dialoguer et de mieux comprendre, par exemple, la perspective des francophones et des Autochtones. »