La requête en invalidation des lois québécoises toujours active
Jean-Francois Parent
2019-03-29 14:20:00
Ainsi, le Barreau de Montréal est toujours partie au recours intenté contre Québec en avril 2018.
Alléguant que l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 n’a pas toujours été respecté par les législateurs québécois, les deux barreaux avaient en effet tenté d’obtenir un jugement déclaratoire selon lequel le processus d’adoption des lois en vigueur au Québec serait inconstitutionnel.
La Constitution disposant que les lois, pour être valides, doivent être fidèles à la volonté du législateur tant en français qu’en anglais, les barreaux soutenaient que les lois, dont notamment le nouveau Code de procédure civile, souffrent de graves problèmes de traduction.
« Une mauvaise qualité de la version anglaise des lois au Québec peut pénaliser tant un citoyen francophone qu’un citoyen anglophone. En effet, un juge peut appliquer différemment une loi, selon qu’il utilise sa version anglaise ou sa version française », soutenait le Barreau du Québec lors du dépôt de la requête.
Une procédure toujours « active »
L’avocat Louis Brousseau, de Jeansonne Avocats, explique à Droit-inc que la « procédure est toujours active devant la Cour », et que le Barreau de Montréal est toujours son client dans ce dossier.
« Mais pour toute autre question, je vous réfère directement aux barreaux », dit-il pour conclure notre appel, expliquant que c’est plutôt à ses clients de discuter de ces choses.
Au Barreau de Montréal, on n’a pas répondu rapidement aux demandes de commentaires de Droit-Inc.
Dans un courriel, le Barreau du Québec se dit persuadé que l’intervention des tribunaux ne sera pas nécessaire pour mettre fin au dossier. Techniquement, le recours est toujours suspendu.
Depuis l’élection du nouveau gouvernement, nous tenons des discussions constructives avec la présidence de l’Assemblée nationale du Québec et le ministère de la Justice ». L’Ordre est sûr que « les pourparlers » actuels mèneront « à une compréhension commune des enjeux ».
Un tollé
Plusieurs avocats, estimant que le Barreau du Québec n’avait pas à mener pareille bataille, avaient forcé la tenue d’un vote sur la question, en mai 2019.
L’Assemblée générale extraordinaire (AGE) des membres du Barreau du Québec, la deuxième de son histoire, s’est donc soldée par un vote exigeant à 52 % que le Barreau retire ses procédures demandant l’invalidation de toutes les lois du Québec.
Quelque 750 avocats avaient participé à l’AGE. Une deuxième résolution, également entérinée par 52 % des membres présents, demandait que le Barreau s’abstienne de réinstituer de nouvelles procédures dans le même dossier.
« Je m’étonne que le nom des barreaux soit encore associé à la procédure », déclare Félix Martineau, avocat chez Roy Bélanger à Montréal. Me Martineau avait lancé une pétition en opposition à la démarche des barreaux, l’an dernier.
Expliquant qu’il ne voit pas d’inconvénients à ce qu’une telle procédure existe, il estime néanmoins que ce n’est pas la mission d’un ordre professionnel de se porter au-devant d’une telle lutte.
Le Barreau n’a pas à faire de politique, dit-il. « La mission d’un ordre est de protéger le public des mauvais avocats, pas de protéger le public des lois », rétorque-t-il.
Au Barreau du Québec, on avait affirmé au lendemain du vote que « le CA va maintenant délibérer et prendre en considération l’avis de ses membres ».
Règlement hors cour
À l’origine de la requête, l’apparente immuabilité de Québec devant le problème. « Ce dossier pouvait certainement se régler hors cour, comme le souhaitaient les barreaux depuis plus de sept ans », se défendait le bâtonnier Paul-Matthieu Grondin, l’an dernier.
L’institution expliquait également que son but n’était pas d’obliger les parlementaires à travailler en anglais.
« Le Barreau du Québec et le Barreau de Montréal ne font pas de la politique. Ils veulent une saine application de la loi constitutionnelle et l’équité pour l’ensemble des citoyens du Québec, tant les francophones et les anglophones », ajoute-t-il.
Quant aux frais engagés pour cette bataille juridique qui s’annonce longue, le Barreau dit avoir obtenu une subvention de 125 000 dollars du Programme d’appui aux droits linguistiques (PADL).