Nouveau C.p.c: des questions demeurent

Emeline Magnier
2014-06-13 11:15:00

Autour d'un petit déjeuner, une quarantaine d'avocats et de clients du cabinet ont pu écouter la présentation de Me Bernard Jolin, associé au bureau de Montréal, et de Me Dominic Gélineau, avocat au bureau de Québec, sur les nouvelles dispositions procédurales adoptées par le législateur au mois de février dernier, qui soulèvent certains questionnements chez les plaideurs.
Les deux avocats n'ont pas manqué de souligner l'évolution des principes directeurs régissant la nouvelle législation, axée sur une justice participative et la prévention des différends. « Le principe de proportionnalité et la discrétion judiciaire prennent le dessus sur la maîtrise des procédures par les parties », a souligné Me Jolin qui a siégé au comité du Barreau du Québec sur la réforme du Code de procédure civile.
Dès les premières dispositions, le législateur montre ses couleurs en précisant que les parties doivent considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement de leur différend avant de s'adresser aux tribunaux. « Quelle est la portée de cet article? Y aura-t-il des sanctions en cas de non respect de cette obligation ? », a questionné Me Jolin.
D'autres notions telles que la coopération entre les parties et le débat loyal restent aussi à déterminer, a-t-il précisé. « Devra-t-on soumettre une preuve qui serait préjudiciable à notre client? »
Un nouveau vocabulaire est également adopté. On ne parlera plus de requête introductive d'instance mais de demande, la comparution est remplacée par la réponse, le procès par l'instruction et le calendrier des échéances devient le protocole de l'instance.
La déclaration de dossier complet ( article 274.1 C.p.c.) sera désormais commune, ce qui ne permettra pas forcément d'accélérer la procédure si les deux parties ne sont pas en accord sur son contenu, a averti Me Jolin.
La distinction existante entre les interrogatoires au préalable tenus avant ou après défense est abolie, les interrogatoires pouvant être oraux ou écrits et seront désormais limités quant à leur étendue et leur durée, sauf autorisation du tribunal. « Mais on ignore ce qui se passera si on dépasse l'horaire prévu », a souligné Me Gélineau.

Le principe de l'expertise contradictoire demeure et sauf autorisation, un seul expert par discipline pourra intervenir . Si le législateur a finalement reculé sur le principe de l'expert unique, le juge aura toujours la faculté de l'imposer en tenant compte du droit des parties de faire valoir leurs prétentions.
« Le nouveau code veut un expert au service du tribunal et pas un mercenaire qui tente de convaincre la cour qu'une partie a raison », poursuit l'avocat.
En matière de recours collectif, les nouvelles dispositions ont elles aussi fait couler beaucoup d'encre: le jugement autorisant l'exercice de l'action collective sera désormais appelable sur permission.
Si le tarif des honoraires judiciaires des avocats est abrogé, le nouveau code introduit la compensation pour le paiement des honoraires professionnels des avocats à titre de frais de justice, « dans le but de discipliner les plaideurs ».
Reste à savoir si les nouvelles dispositions permettront d'atteindre les objectifs de désengorgement des tribunaux et de limitation des coûts que s'est fixé le législateur.