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Quand un juge invoque son « ignorance de la loi » dans un recours personnel

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Sonia Semere

2022-10-05 10:15:00

Pour justifier son retard à déposer une requête dans le cadre d’une affaire personnelle, un juge du Tribunal administratif du travail a décidé d’invoquer son « ignorance de la loi ».
Tribunal administratif du travail. Source: Radio-Canada
Tribunal administratif du travail. Source: Radio-Canada
« La situation mise en avant par le travailleur concernant son « impossibilité » de déposer une demande de révision avant juin 2022 démontre son manque de vigilance. Cela correspond aussi à invoquer, dans une certaine mesure, son ignorance de la loi, qui ne saurait constituer un motif raisonnable », a déclaré la juge administrative Ann Quigley dans une décision rendue le 14 septembre dernier.

Pour comprendre cette affaire, il faut remonter le temps. Juge administratif au TAT, Simon Lemire est décideur en matière d’accidents du travail et de lésions professionnelles depuis plus de 30 ans.

Mais c’est en tant que simple citoyen qu’il s’est retrouvé devant sa propre cour en 2021. Plombier de 1967 à 1990, celui-ci a développé une surdité d’origine professionnelle, reconnue en 2012. Il réclame donc aujourd'hui son droit à des aides techniques.

Seulement voilà, le 7 avril dernier, le juge administratif Jean M. Poirier a considéré que Simon Lemire n’avait pas abordé cette affaire comme n’importe quel justiciable. En effet, ce dernier n’a pas hésité à utiliser des outils de gestion internes pour découvrir à l’avance l’identité du juge assigné à son dossier. Il a également écrit un courriel directement au juge Poirier, sans passer par le greffe.

Par la suite, Simon Lemire a réclamé la récusation du juge en charge de son dossier mettant en doute l’impartialité de ce dernier à rendre une décision au regard de ses contestations. Si pour le juge Poirier il s’agissait là d’une « forme d’intimidation », celui-ci a finalement accepté de se récuser.

Mais là encore, cette situation n’a pas plu au principal concerné. Celui-ci a déposé deux mois plus tard une requête en révision ou en rétractation contre la décision qu’il qualifie d’« illégale ». Simon Lemire assure que cette décision lui a fait subir un préjudice.

Comme l’a rappelé la juge administrative Ann Quigley, le délai « raisonnable » pour déposer une telle demande est de 30 jours. De son côté, Simon Lemire affirme que le directeur des services juridiques du Tribunal lui avait donné une mauvaise information en avril 2022.

Il n’aurait alors finalement changé d’avis qu’après avoir reçu un mail du président du TAT envoyé à tous les magistrats pour clarifier les règles de récusation. Des justifications qui ne passent clairement pas…

« Le Tribunal ne peut que présumer que le travailleur, de par sa formation juridique et sa longue expérience en tant que juge administratif au sein du Tribunal chargé de statuer sur ce recours, avait ou aurait dû avoir connaissance de ses droits et de la manière de les exercer », a ainsi conclu le juge Quigley. La demande a ainsi été déclarée irrecevable.
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