Turcotte: quatre verdicts possibles
Agence Qmi
2015-12-01 10:15:00
Deux thèses s'affrontent :
- Mes Pierre et Guy Poupart de la défense:
- Au moment du drame, Guy Turcotte n’était pas responsable criminelle à cause d’un trouble mental
- Il souffrait d’un trouble d’adaptation avec humeur anxieuse et dépressive d’un intensité sévère
- Sa souffrance et ses stresseurs ont anéanti ses derniers barrages défensifs
- Il a vécu une crise suicidaire, il a cherché à mourir, d’où l’ingestion de lave-glace
- Le passage à l’acte est causé par le cerveau malade de l’accusé, son état mental était altéré par la crise suicidaire
- Les témoins s’accordent pour dire qu’il aimait ses enfants, qu’il était un père aimant, généreux et dévoué
- L’acte reproché « contre nature » est relié au trouble mental
- Guy Turcotte a commis les meurtres de ses enfants de façon planifiée et délibérée
- Il venait de se séparer de sa femme qui le trompait et il n’acceptait pas de ne plus voir ses enfants tous les jours
- Il avait une faible estime de lui-même, ses pertes représentaient pour lui un échec
- La semaine précédant le drame, il ressentait de plus en plus de tristesse, de rage et de colère
- Le soir du drame, il a consulté des courriels entre son ex-femme et son nouveau compagnon, il était incapable d’accepter la présence d’un autre homme dans la vie de ses enfants
- Il a décidé que sa vie n’en valait plus la peine, il a fait des appels dont à sa mère en guise de note de suicide
- Il a tué ses enfants en deux temps chacuns
- Il a tué ses enfants à jeun, et c’est après qu’il a bu du méthanol
- Coupable de meurtres prémédités
- Coupable de meurtres au deuxième degré
- Coupable d’homicide involontaire
- Non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux
- Il a causé la mort d’Anne-Sophie et d’Olivier
- Il a causé leur mort de façon illégitime
- Il avait l’état d’esprit requis pour commettre des meurtres prémédités
- Il a causé leur mort de façon préméditée et délibérée
- Ni l’intoxication au méthanol ni la crise suicidaire ne sont les facteurs principaux dans la mort des enfants
- Il souffrait d’un trouble mental
- L’intensité du trouble mental était tel qu’il était incapable de juger de la nature de ses actes ou que l’acte était mauvais
- Il a causé la mort d’Anne-Sophie et d’Olivier
- Il a causé leur mort de façon illégitime
- Il avait l’état d’esprit requis pour commettre des meurtres
- Il a commis les meurtres à la suite d’une pulsion soudaine et irréfléchie, mais il avait l’intention de tuer
- Il a causé la mort d’Anne-Sophie et d’Olivier
- Il a causé leur mort de façon illégitime
- Il n’avait pas l’intention de causer la mort
- Me René Verret et Me Maria Albanese de la Couronne
Les quatre verdicts possibles :
Les conditions pour que Guy Turcotte soit reconnu coupable de meurtres prémédités :
Les conditions pour que Guy Turcotte soit déclaré non-responsable criminellement des meurtres d’Anne-Sophie et d’Olivier :
Les conditions pour que Guy Turcotte soit reconnu coupable de meurtres non prémédités :
Les conditions pour que Guy Turcotte soit reconnu coupable d’homicides involontaires :
Trop difficile pour une jurée
Tout comme au premier procès, un juré a été exclu de ses fonctions en cours de route, mais cette fois pour des raisons complètement différentes.
En 2011, c’était pour cause de partialité puisque, lors du témoignage de Guy Turcotte, ce juré avait confié à ses collègues que son idée était « déjà faite ». Il n’en fallait pas plus pour le remercier.
Au deuxième procès, cependant, la jurée numéro 6 a craqué dans les jours qui ont suivi le dépôt des photos horribles où l’on voyait les corps sans vie d’Anne-Sophie et d’Olivier.
« J’ai de la difficulté à me concentrer, j’ai des tremblements, des palpitations, avait dit la jurée au juge André Vincent en revenant d’un rendez-vous médical. Je ne me sens pas bien, j’ai de la difficulté à dormir.»
Les Cowboys fringants écartés de la preuve
Lors du témoignage de Guy Turcotte, Me Pierre Poupart a tenté de déposer en preuve les paroles d’une chanson des Cowboys fringants « pour montrer l’état d’esprit » de l’accusé trois jours avant le drame.
« Ça me connecte avec mes émotions, les larmes ont coulé », a dit l’accusé à propos de la chanson Les hirondelles.
Mais le juge André Vincent n’a pas été d’avis que c’était pertinent. « Vouloir introduire les paroles d’une chanson, c’est carrément du pathos (excès d’émotions) », avait-il dit hors de la présence des jurés.
Me Poupart s’était alors mis à réciter la chanson, mais rien n’y a fait. « S’il avait écouté La vie en rose (d’Édith Piaf), il aurait eu la même réaction, a poursuivi le magistrat. C’est beau de mettre de la couleur dans le dossier, mais...»
Le juge ne voulait rien savoir du premier procès
Tout au long de ce deuxième procès, les avocats ont fait référence à la preuve présentée au premier procès. Ce qui n’a pas enchanté le juge André Vincent, qui a répété plusieurs fois que le jury n’avait pas à se baser sur la preuve administrée ailleurs que dans la salle d’audience du second procès.
« Ce qui s’est passé au premier procès ne m’intéresse guère », a ponctuellement lancé le juge Vincent aux avocats, parfois en soupirant.
Il a d’ailleurs rappelé qu’il s’agissait d’un nouveau procès avec de nouveaux jurés, et que ces derniers ne peuvent se baser que sur la preuve présentée devant eux pour rendre un verdict.
Le rôle du méthanol différent au second procès
Les deux procès de Guy Turcotte ont été bien différents sur le rôle de l’intoxication au lave-glace par l’accusé le soir du drame.
Entre les deux, la Cour suprême du Canada a d’ailleurs apporté des précisions quant à l’intoxication, qui ne peut être utilisée comme défense de non-responsabilité criminelle si elle a été volontaire.
Lors des audiences en 2011, la Dre Dominique Bourget, de la défense, avait invoqué l’intoxication comme facteur ayant pu contribuer à la mort des enfants. Sauf qu’au second procès, cette même psychiatre a complètement évacué cette conclusion en affirmant que l’ingurgitation de lave-glace aurait simplement été un instrument de suicide.
« Elle a évacué l’intoxication comme geste contributoire (à la mort des enfants) », a d’ailleurs relevé le juge André Vincent lors d’une audience hors de la présence du jury.