Une centaine de dossiers abandonnés au Nord-du-Québec
Radio -canada
2023-09-08 14:30:00
Des données d'abord révélées par La Presse et confirmées par Radio-Canada démontrent que le DPCP du district de l’Abitibi a été contraint d’abandonner au total 126 dossiers par manque de ressources.
Les 27 autres causes devaient être entendues aux palais de justice de Val-D’Or, d’Amos et de Ville-Marie.
Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, blâme la Cour du Québec et la juge en chef Lucie Rondeau pour cette vague d'abandon de dossiers. Cette dernière a modifié en 2022 les ratios de jours passés en Cour, pour permettre aux juges d'avoir plus de temps pour la rédaction de leurs décisions, ce qui explique la situation actuelle selon le ministre.
Le juge coordonnateur à la Cour du Québec responsable de la région, Thierry Roland Potvin, souligne que le district de l'Abitibi connaît plutôt un manque d’effectif, ce qui expliquerait en partie la situation.
« Il y a vraiment beaucoup d’autres facteurs qui, à mon sens, jouent beaucoup plus que le nouveau ratio. Dans la liste des facteurs pertinents, il est loin derrière plusieurs autres, dont le fait qu’il nous manquait 30 % de nos effectifs dans les derniers mois et environ 15 % de nos effectifs depuis presque deux ans », explique le juge Thierry Roland Potvin.
Des victimes en perte de confiance
Les conséquences d’un tel abandon de procédures pourraient miner la confiance des victimes envers le système judiciaire, croit le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels du Nunavik, nommé Sapummijiit.
La coordonnatrice de l’organisation, Suzie Kauki, rappelle le contexte particulier du Nunavik, où les villages sont petits et peu densément peuplés. La possibilité pour une victime de croiser son agresseur est bien réelle.
« Ça peut créer des problèmes relationnels dans la communauté. Ça peut causer des peurs chez la victime, quand tu sais que quelqu’un dans la communauté doit être jugé. Ç'a un impact psychologique et émotionnel. C’est pour ça qu’on veut les aider », explique Suzie Kauki.
Ce contexte, ajouté au fait que les délais sont déjà très longs dans la région, augmente la détresse chez les victimes, selon elle.
« C’est difficile d’avoir une vie saine pour les victimes. (...) J’ai peine à imaginer comment elles peuvent se sentir quand un dossier se fait abandonner. Premièrement, elle a pris tout son courage pour dénoncer la situation. Se faire abandonner après… C’est quelque chose qu’on souhaite vraiment éviter ici », ajoute-t-elle.
Un enjeu récurrent
Les problèmes liés à la Cour itinérante au Nunavik sont bien connus au ministère. Il y a un an, le procureur d’expérience Jean-Claude Latraverse a déposé un rapport d’enquête (Nouvelle fenêtre) qui faisait état de problèmes structurels et de financements dans le réseau de la justice du Nunavik.
Il a émis une soixantaine de recommandations, qui visaient notamment à augmenter la présence de la Cour itinérante dans les communautés. Il a aussi recommandé de faciliter les audiences en vidéoconférence et financer davantage les comités de justice communautaire.
Face à l’abandon de ces dizaines de dossiers par manque de ressources, Jean-Claude Latraverse est profondément attristé, mais n'est pas surpris.
« C’est un problème récurrent, ce n’est pas la première fois que ça arrive. Je ne connais pas la nature des dossiers abandonnés, mais je suis sûr que ce n’est pas de gaieté de cœur que ç'a été fait », explique-t-il.
Selon lui, tous les acteurs du milieu de la justice ont leur part de responsabilité dans cet échec du système. Un des problèmes vient toutefois de la surjudiciarisation des résidents du Nunavik et donc, d’un volume très élevé de dossiers.
Face à ce problème, Jean-Claude Latraverse porte une grande confiance envers les comités de justice communautaire, qui permettraient de régler des dossiers moins graves et d'enlever de la pression sur la Cour itinérante.
Québec vient par ailleurs d’octroyer 1 million de dollars pour financer davantage ces comités de justice. C’est un pas dans la bonne direction selon lui, mais qui arrive tard, alors que la situation est connue depuis longtemps.
« Ça prend une volonté politique à long terme. J’ai confiance qu’il y a des choses qui se font tranquillement. (...) Les gens qui sont là savent qu’ils se passent des choses et travaillent fort. Mais malheureusement, c’est une grosse machine à faire bouger », conclut le procureur Jean-Claude Latraverse.
Anonyme
il y a un anIl en a eu pas mal également lors de la première vague Jordan, dont des agressions sexuelles. Est-ce que les choses se sont améliorées? Non.
Après la grève des ppcp en 2011 on disait que "plus jamais" on ne rencontrerait des plaignant.e.s et témoins sur le coin d'un bureau.. ça s'est peu amélioré.
À quand des juges nommés dans seulement une chambre de la CQ permettant ainsi de répartir les ressources?
À quand avoir le courage de ne pas autoriser des accusations?
À quand un vrai leadership??