Pratiquer en solo

L'avocat des "OK Guy"!

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Céline Gobert

2012-05-14 15:00:00

Il a laissé tomber la pratique privée pour devenir médiateur familial. Lui, qui s’avoue plus travailleur social qu’avocat, revient sur son parcours et livre sa vision « choquante » du couple. Il fait même l'apologie des "OK Guy"!
« Moi j’ai une vision du couple qui pourrait être assez choquante : tout le monde voudrait que j’écrive un livre là-dessus ou un scénario sur ce que je vois ici ! J’ai trouvé une nouvelle qualification à ce qu’on appelle « les ex », déclare Me Bernard Vézina.

En effet, il les nomme des « partenaires parentaux », un concept très « business » pour celui qui reçoit plus d’une douzaine de couples par semaine dans son bureau.

« Je sens que ce concept plaît aux gens. Pourrait-on envisager un jour qu’un homme et une femme se rencontrent, s’avouent qu’ils ne sont pas amoureux l’un de l’autre mais qu’ils ont envie d’avoir des enfants et que cela devienne non pas un mariage mais un partenariat ? »

Car, il nous le rappelle : un couple sur deux, et même plus, ne fonctionne pas.

« On sait tous qu’au fil du temps, on n’en arrive tous à cela. Pour moi, un couple ça a une date d’expiration. Aujourd’hui, on est de plus en plus individualistes. »

De 35 à 40 heures par semaine, il les voit défiler devant lui. Forcément, cela désenchante.

« Le couple, cela peut être étouffant, on se sent moins libres, les enfants c’est cute, c’est le fun, mais c’est en même temps très difficile. Moi j’aime beaucoup lire et pendant la période de petite enfance, vous ne pouvez pas lire un paragraphe sans vous faire déranger ! », avoue l’avocat qui a été marié pendant 14 ans, et est papa d’une fille de 12 ans et d’un garçon de 6 ans.

Aujourd'hui Me Vézina fait l'apologie du
Aujourd'hui Me Vézina fait l'apologie du "Ok guy" et exhorte les jeunes femmes à ne plus croire au prince charmant
Aujourd’hui, il fait même l’apologie du « Ok Guy », un concept très à la mode où une femme choisit un homme gentil, qu’elle n’aime pas mais qui présente toutes les qualités nécessaires à une belle entente sur le long terme.

« J’ai envie de dire aux jeunes femmes : "arrêtez d’attendre le prince charmant !". Je crois beaucoup au concept du « Ok guy », je ne pense pas que ce soit triste, c’est réaliste ! »

Entre les murs

D’abord, il reçoit le couple. Des couples qui lui viennent de son site internet et de la publicité (pages jaunes, Google). Des couples en crise.

« La première séance est une séance d’information sur la médiation. Ensuite, s’ils sont d’accord, on commence le processus. »

Il fixe alors l’ordre du jour et commence toujours, par les enfants : autorité parentale, obligations financières, pensions alimentaires, partage du patrimoine familial et dissolution du régime patrimonial.

Il y a en tout six séances gratuites pour le couple, prises en charge par le Ministère de la Justice qui rémunère l’avocat.

« Je suis rémunéré 95 $ de l’heure. Bientôt 120 $ après l’augmentation annoncée. Ce n’est pas énorme du tout, mais je me moque de l’argent. En pratique solo, si je compare à ce que je faisais chez Lette & Associés, je chargeais parfois 200 $ de l’heure. »

Alors, pour « arrondir les fins de mois », il est aussi enseignant au CEGEP de Saint-Jean de Richelieu, où il donne un cours d’introduction au droit à des adultes.

De plus, il dispense un cours d’éthique professionnelle dans les écoles de massothérapie.

« Oui, il y a un individu assez fou pour être avocat et massothérapeute ! », plaisante celui qui travaille aussi au syndicat de la Fédération québécoise des massothérapeutes où il enquête sur les plaintes en déontologie et les traduit devant le tribunal disciplinaire.

Dans sa pratique de tous les jours, il est aux premières loges pour voir les évolutions sociales.

Par exemple, il constate de plus en plus de pensions alimentaires versées par des femmes à leurs anciens conjoints masculins.

« Chez beaucoup de couples que je rencontre, c’est la femme qui a le salaire le plus élevé », dit ce diplômé en droit de l’UQAM qui dès les cinq premières minutes de son cours en droit constitutionnel, est « tombé en amour » pour le droit.

« Je me sens dans mon élément, c’est ma nature profonde que d’aider les couples à s’en sortir et de vivre la rupture dans l’harmonie. Je sens que je leur fais du bien. Je me sens bien plus utile que lorsque j’étais procureur, ou chez McCarthy Tétrault », confie-t-il.

Barreau 1995, l’avocat a d’abord débuté au sein de McCarthy où il a fait un peu de droit commercial et de litige.

« On est tous les deux tombés d’accord à la fin du stage, autant l’employeur que moi, que malgré mes compétences juridiques, pratiquer dans un grand bureau, ce n’était pas pour moi. Je voulais une clientèle de Madame et Monsieur tout le monde. Chez McCarthy, c’était plutôt des grandes institutions, des multinationales. »

Avant de trouver sa voie, il se lance en solo dès l’âge de 28 ans, sans clientèle ni expérience, porté par « un masochisme » certain, puis passe huit années chez Lette & Associés.

« J’aimais le contexte juridique du litige mais j’étais devenu mal à l’aise avec la fonction de procureur. Devoir prendre partie pour quelqu’un, je n’aimais pas ça »

Une formation en médiation plus tard, il repart en solo, cette fois plus armé.

On est alors en février 2008, et une carrière chargée en émotions, débute.

« Même si l’on est dans un cabinet d’avocats, mes clients ont le droit à l’émotion », dit-il.

Anecdotes

Car dans son cabinet, les couples et les problématiques, défilent… L’empathie et l’écoute active sont donc des éléments essentiels à sa pratique.

« Je me souviens d’un couple où le conjoint se mettait à pleurer de façon incontrôlable dès le début de la négociation (…). Aussi, j’ai de plus en plus de cas où il y a un contexte de violences conjugales. »

Si la vie de quelqu’un est en danger, explique-t-il, il peut intervenir.

« Dans le passé, lors d’un divorce entre une québécoise et un parisien, le mari répétait souvent qu’il se ferait justice lui-même et il disait que j’étais tenu par le secret professionnel. Je lui ai dit qu’il se trompait, il m’a congédié immédiatement. »

Le plus difficile ? C’est forcément la question de la religion, selon lui.

D’ailleurs, il se souvient d’un dossier qui s’est terminé après quatre séances seulement, et a été transféré à la DPJ.

Un homme et une femme de confession musulmane. La femme voulait vivre « à la québécoise ». Lui, était convaincu que laisser la garde de ses enfants à son ex-épouse, c’était comme laisser ses enfants au diable.

« Ils étaient verbalement très violents l’un envers l’autre, ils se disaient des choses horribles. Je peux être cru ? Il la traitait de "pute" et de "salope". Elle le traitait de "psychopathe". Face à cela, je suis démuni. J’aurais aimé avoir un psychologue dans la salle ! »

Quoiqu’il en soit, il ne regrette absolument rien.

« Je suis davantage un travailleur social. Le bilan c’est que notre métier, c’est un métier de l’humain. Bien plus en tant que médiateur ,qu’en tant qu’avocat. »

Écoutez, pour finir, ses quelques conseils pour bien démarrer en solo...



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