L’avocat de la Couronne fait son mea culpa
Agence Qmi
2013-02-27 07:00:00
Alors que les jurés avaient à décider, hors de tout doute raisonnable, si Jacques Delisle avait mis fin aux jours de sa femme, le procureur leur avait plutôt demandé de choisir entre la thèse du Ministère public et celle de la défense.
«Je n’ai pas posé la bonne question», a admis Me Magnan, estimant avoir peut-être été «obnubilé» par les cinq semaines de procès durant lesquelles cette question était au cœur des préoccupations. L’intimé a par ailleurs rappelé que même l’appelant parlait de deux «thèses» dans sa propre plaidoirie.
Me Magnan se serait toutefois rétracté rapidement en affirmant au jury qu’il était conscient de son erreur. Les directives supplémentaires du juge Claude C. Gagnon auraient par ailleurs «sévèrement» corrigé cette remarque et les autres «débordements» qu’il aurait pu commettre à ce moment.
Alors que l’avocat de la défense, Me Jacques Larochelle critiquait les directives du magistrat, le procureur de la Couronne a rappelé qu’elles avaient notamment été formulées en fonction d’une liste «d’erreurs» dans sa plaidoirie soulevées par la défense. Me Magnan a de plus précisé que, en général, des directives «adéquates» peuvent rectifier, s’il y a lieu, «une plaidoirie entachée d’erreurs».
«Abominable»
Rien toutefois pour convaincre Jacques Larochelle, qui en a rajouté en qualifiant d’«abominable» la plaidoirie de son vis-à-vis, remplie d’allégations «sans preuve», de «spéculations» et de «suppositions effrayantes» et «inouïes». À son avis, le juge aurait dû intervenir davantage pour demander aux jurés «d’oublier cette horreur» qui visait à discréditer la défense.
Les juges Nicholas Kasirer, Marie St-Pierre et André Vincent ont pris l’affaire en délibéré.
L’un des deux avocats de la Couronne, Me Michel Fortin, est revenu sur l’aspect de «préméditation» dans cette affaire, affirmant que l’ancien juge Jacques Delisle aurait eu une «fenêtre de temps» pour passer à l’acte.
Il a rappelé que l’ex-juge avait évoqué la possibilité de faire vie commune avec sa maîtresse avant le décès de son épouse. Bien qu’il s’agisse d’une «possibilité radicale», l’homicide déguisé en suicide serait l’une des possibilités pour qu’il soit libre. Ce «plan», jumelé à un mobile amoureux, peut expliquer la préméditation, a-t-il soutenu.
Alors que Me Jacques Larochelle avançait que les jurés auraient dû se baser uniquement sur la preuve balistique dans cette affaire, la Couronne a rappelé que les membres du jury devaient plutôt apprécier l’ensemble de la preuve. Me Steve Magnan a cité en exemple le comportement de Jacques Delisle après les événements ainsi que les idées suicidaires de son épouse, deux éléments qui appuyaient l’un ou l’autre des partis. «Ça ne pouvait pas être soustrait à l’attention des jurés», a-t-il affirmé.
Le jury n’aurait par ailleurs pas failli à sa tâche; il était exposé à deux expertises complètement opposées dans cette affaire. Selon Me Fortin, il est du ressort du jury d’accepter ou de rejeter les résultats des différents tests qui leur ont été présentés. «C’est à eux d’apprécier cette preuve-là», a-t-il répété à plusieurs reprises.
La Couronne s’est défendue mardi de ne pas avoir cherché d’autres solutions que celle du meurtre. Elle estime qu’il s’agit d’une «affirmation fausse» émise par Me Jacques Larochelle, qui s’emploierait à «jeter une aura de malveillance» sur la partie adverse.
Me Michel Fortin a rappelé que certaines expertises en ce sens avaient été effectuées et présentées − hors jury − au moment du procès. Des tests que Me Larochelle a vus et dont il connaissait l’existence, a-t-il dit.
Le procureur a affirmé que ses experts savaient qu’il était possible de faire feu dans la position de tir auto-infligée proposée par l’appelant, mais que cette possibilité avait été rejetée puisque les résultats ne s’inscrivaient pas dans les caractéristiques de la preuve.
Il a par ailleurs pris la défense de son expert, le balisticien Gilbert Gravel, accusé d’avoir menti lors de son témoignage, lundi. «C’est un excès de langage injuste», a déploré Me Fortin.
Il a aussi été question de la preuve technique, le procureur écorchant au passage les «tests peu probants» de l’expert de l’appelant, remettant en question sa crédibilité et faisant état des «illustrations trompeuses» de son expertise.