« Ne pas lâcher »
Dominique Tardif
2015-07-30 13:15:00
Oui et non… Mon père était – et est toujours – un avocat plaideur, et ma mère a, elle aussi, été avocate. Je jonglais pourtant à l’époque avec l’idée de devenir vétérinaire ! Dès ma deuxième année de primaire, je savais que je serais soit vétérinaire, soit avocate. En secondaire quatre, lorsque j’ai commencé la trigonométrie, j’ai bien vite laissé tomber la première option ! (rires). J’ai aimé les mathématiques jusque-là, et me suis donc tournée vers le droit ensuite.
Je me suis alors mise à participer à toutes sortes de concours oratoires : je rédigeais mes textes et je faisais mes présentations dans un gymnase, en soirée, devant public. J’adorais cela. Je suis entrée en droit tout de suite après le cégep et j’ai commencé à pratiquer quelques années plus tard.
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière ?
Mon plus grand défi fut de prendre la décision, avec mon frère et ma sœur, de fermer le bureau Fournier Avocats Inc. en 2009. Spécialisés dans les dossiers qui nous étaient référés par les autres cabinets lorsqu’ils se trouvaient dans des situations de conflits d’intérêt, nous « retournions » le client d’où il venait une fois le dossier terminé. Nous avions donc peu de clients nous « appartenant ». Nous travaillions, cela dit, dans de très beaux dossiers et d’un calibre très élevé considérant la taille que nous avions.
Avec le temps et les années, ce marché s’est peu à peu développé et nous avons progressivement ressenti une compétition accrue pour le genre de services que nous offrions. Comme les dossiers pouvaient désormais être envoyés à d’autres, il nous fallait prendre une décision. Nous avions le choix. Nous pouvions alors changer notre méthodologie d’affaires en nous mettant tous les trois, du jour au lendemain, à faire du développement d’affaires, ce que nous n’avions jusque-là fait qu’auprès d’autres cabinets d’avocats. Cela impliquait aussi de faire du développement de clientèle sans avoir le bénéfice d’apprendre de gens qui en faisaient depuis longtemps. D’autre part, nous pouvions choisir de fermer le bureau et de faire du développement avec d’autres.
Cette décision et sa mise en application ont été difficiles. C’était la première fois de ma vie que j’allais pratiquer avec d’autres personnes que ma propre famille. La décision était cependant la bonne, et m’a d’ailleurs permis d’apprendre que j’étais capable de voler de mes propres ailes.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit ?
La feuille de temps ! Peut-elle être complètement être éliminée ? Probablement pas. Même si nous changions notre méthode de facturation, ce qui me semble souhaitable, la feuille de temps restera toujours un moyen d’évaluer la rentabilité.
Si j’avais vraiment une baguette magique, j’enlèverais la facturation elle-même, point à la ligne ! Actuellement, une partie qui se fait représenter par une équipe de dix n’a forcément pas le même dossier que son adversaire, qui lui n’a peut-être les moyens de se payer qu’un avocat. Dans un monde idéal, donc, les clients auraient un accès limité et égal entre eux aux services d’un avocat dans un dossier donné. Tout le monde, par exemple, aurait droit au même nombre d’heures de services d’un avocat par année. Cela permettrait aux gens d’avoir les mêmes droits et cela garantirait donc, par ricochet, un meilleur accès à la justice.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique ? Et pourquoi, à votre avis ?
Je pense que la perception est semblable. À la fin des années 90, alors que je débutais, un sondage démontrait que le taux de satisfaction de la population envers les avocats était beaucoup plus élevé chez les gens ayant consulté un avocat que chez ceux qui n’en avaient pas consulté. Je crois que la situation est la même aujourd’hui. Le problème de perception qui existe parfois ne vient pas tant des avocats eux-mêmes que de la façon dont leur image est véhiculée dans les médias. Cela s’explique assez facilement : les médias font généralement leurs histoires avec de mauvaises nouvelles, alors que les bonnes nouvelles font bien moins souvent la manchette…on ne peut donc faire autrement que d’être influencé par cela.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et souhaitant réussir en droit ?
Ce qui est important est de « ne pas lâcher ». Qu’il s’agisse de démarrer son propre cabinet ou de faire carrière en litige, le même principe s’applique. On pourrait, en effet, être tenté d’abandonner pendant ses premières années de pratique, tant parce qu’il n’est pas facile de développer de la clientèle que parce qu’on ne se sent pas encore pleinement compétent lors de nos premières représentations en cour. Il ne faut pas pour autant laisser tomber, tout simplement parce qu’il faut plusieurs années avant de se sentir à l’aise. Si la pratique du droit est ce qu’on désire faire et qu’on aime ce qu’on fait, il faut se donner le temps de prendre confiance en ses propres moyens.
En vrac…
• Le dernier bon livre qu’elle a lu – La part de l’autre (auteur : Eric-Emmanuel Schimtt)
• Son classique en matière de cinéma : The Sound of Music (réalisateur : Robert Wise)
• Sa chanson fétiche – « Missing You » de John Waite
• Son expression ou diction préféré – « Souris à la vie et la vie te sourira ».
• Son péché mignon – Le chocolat !
• Ses restaurants préférés - Europea (rue De la Montagne) pour sa gastronomie et le Holder (rue McGill) pour son tartare de bœuf !
• Un pays qu’elle aimerait visiter – L’Afrique du Sud
• Le personnage historique qu’elle admire le plus (et pourquoi ? ) – Einstein. Connaissant de près ce que c’est que d’avoir des enfants avec des troubles d’apprentissage, elle trouve inspirant de voir ce qu’Einstein a pu accomplir malgré le fait qu’il était dyslexique.
• Si elle n’était pas avocate, elle serait…une athlète professionnelle d’équitation ou…psychologue !
Elle s’est jointe à Brouillette en 2011. Elle représente divers clients dans des domaines de droit tels que le litige civil et commercial, le litige de propriété intellectuelle. Elle a été impliquée dans plusieurs dossiers de très grande envergure, dont certains ont nécessité plusieurs mois d’audition.
Me Fournier a été invitée comme conférencière à plusieurs occasions sur divers sujets dont notamment les ordonnances d’injonction de type Mareva, la gestion de la pratique et les finances, la proportionnalité. Me Fournier a donné des entrevues journalistiques reliées au fonctionnement du système de justice, ainsi qu’à certains de ses mandats. Certaines de ses entrevues ont été publiées dans des quotidiens ainsi que dans des revues spécialisées, notamment dans le « National », la revue de l’association du Barreau canadien.
En 2003, elle a été présidente du Jeune Barreau de Montréal et a siégé en 2004-2005 sur divers comités décisionnels du Barreau de Montréal (conseil) et du Barreau du Québec (comité administratif et conseil général). Au fil des ans, elle a été, et est toujours, membre de plusieurs comités, tant du Barreau de Montréal, que du Barreau du Québec. En 2014, elle a été élue première conseillère du Barreau de Montréal. Me Fournier est membre du Barreau du Québec depuis 1996 et membre honoraire à vie de l’Association du Jeune Barreau de Montréal.
Anonyme
il y a 9 ansLe paradoxe du titre et des paroles. La chanson dit : I ain't missing you at all.