Du rap au Barreau

Céline Gobert
2015-03-20 15:00:00

« Dans le rap, tu prends un pseudo, quand t’es avocat, tu portes la robe. Dans les deux cas, explique-t-il à StreetPress, tu joues un personnage. Il cite également le côté « égocentrique » aussi bien du rappeur que de l’avocat, qui aiment tous deux « se mettre en avant et prendre la parole pour les autres. »
L’ancien rappeur et membre du collectif Mafia Trece possède aujourd’hui son propre cabinet à deux pas des célèbres Champs-Élysées. Une réalité qu’il n’imaginait sûrement pas lorsqu’il rappait le morceau « Je plaide pour la rue », se mettant dans la peau d’un avocat.
« J'avance à la barre, tous me regardent, suis-je un phare? / quand j'parle mon flow s'tarit / Le juge se marre, rie, me nargue, crie lorsque je lance ma plaidoirie », lançait-il à l’époque en ouverture. L’EP s’écoulera à 100 000 exemplaires. Un petit succès. L’avocat quitte alors l’université pour les studios d’enregistrement.
Très vite pourtant, les choses se gâtent.
Les membres du collectif se chicanent, leur manager les arnaque et le label les lâche. Me Serge Money tente bien de relancer sa carrière dans le rap en se lançant en indépendant mais c’est peine perdue.
Du courage
C’est à trente ans qu’il trouve en lui le courage de reprendre ses études de droit et de retourner à l’université afin d’accomplir son projet initial : devenir avocat. « C’était l’un des moments les plus durs de ma vie, confie-t-il. En plus, les études de droit c’est infantilisant. Tu dois lever le doigt, tu te fais engueuler, c’est un truc de ouf. »
L’avocat obtient son diplôme en cinq ans et se lance directement à son compte, pour « rattraper le temps perdu », dit-il, « pour ne pas être un petit avocat à 40 ans. Au départ, le téléphone ne sonne jamais. Aujourd’hui, il dit s’être fait une bonne clientèle et une solide réputation. Parmi ses clients, il compte même des personnes à qui il a donné des cours de rap !
En 2014, Me Money participe à la Conférence des avocats du Barreau de Paris, une façon pour lui de « changer l’image que les gens avaient de lui. » Toutefois, il est resté le même et souhaite rester proche de la rue, conseillant comme il dit « des noirs, des arabes, des banlieusards, des mecs qui me ressemblent. »
Outre le projet d’écrire un roman, l’avocat envisage de reprendre le micro pour de nouveaux morceaux de rap. « Je ne sais pas trop ce que les confrères en diraient », conclut-il, hilare.
Plus de quinze ans plus tard, ses paroles de jeunesse font sens : « Coupable de quoi? d'être en bas, d'regarder l'ciel / Vouloir grimper, poser un pied sur l'échelle. Guetter un accès, une sortie / Une voie au succès, un moyen d'me hisser. »