Le secret professionnel n’est pas sans faille

Jean-Francois Parent
2015-08-04 11:15:00

Dans l’affaire Autorité des marchés financiers c. X, l’avocate interne d’une société publique contestait une assignation à comparaître de l’AMF. Le régulateur des marchés financiers tentait ainsi d’interroger l’avocate dans le cadre d’une enquête sur la société pour laquelle elle travaille.
Les enquêtes de l’AMF étant confidentielles jusqu’au dépôt d’accusations, les noms de l’avocate et de son employeur font l’objet d’une ordonnance de non-publication.
L’avocate X a alors saisi la Cour supérieure pour faire déclarer illégale son assignation, invoquant le secret professionnel. L’AMF avait alors déposé une requête en irrecevabilité basée notamment sur la Loi sur l’autorité des marchés financiers et sa clause privative selon laquelle les tribunaux ne peuvent s’immiscer dans l’exercice de ses pouvoirs.
La Cour supérieure a rejeté la requête en irrecevabilité : considérant les risques d’atteinte au secret professionnel, un procès au fond devait selon la juridiction se tenir pour qu’il soit tranché sur la légalité de l’assignation.
L’AMF a alors saisi la Cour d’appel d’une requête en permission d’en appeler qui a été accueillie. Elle a plaidé que la Cour supérieure n’avait pas juridiction et que c’était plutôt le tribunal administratif de l’AMF, le Bureau de décision et de révision, qui aurait dû trancher cette question.
La juridiction de second degrés considère que la requête de l’avocate X est prématurée, aucune question ne lui a encore été posée. « Tous les échanges entre un avocat et son client ne sont pas nécessairement protégés par le secret professionnel », peut-on lire dans le jugement.
L’AMF peut donc interroger l’avocate malgré le secret professionnel.
« Des questions très sérieuses »
C’est cette cause dont la demande d’autorisation d’en appeler a été rejetée par la Cour suprême le 16 juillet dernier.
L’avocat de Me X, Sylvain Deslauriers, n’a pas voulu commenter ce revers. Sa cliente étant en vacances, il ne savait pas non plus si la cause serait portée devant le Bureau de décision et de révision. « Cependant, les questions posée à la Cour suprême sont très sérieuses, et ne sont pas réglées », estime Me Deslauriers. Ces questions portaient sur les errances alléguées de la Cour d’appel concernant la protection du secret professionnel.
Les juristes Francis Rouleau et Simon Seida, de Blakes, ont conclu que « la saga judiciaire de Me X (confirme) que l’AMF peut validement assigner à comparaître (…) le conseiller juridique interne d’une société, malgré le secret professionnel ».
On peut certes tenter de s’opposer à certaines questions posées, poursuivent Mes Rouleau et Seida, mais « cet exercice pourrait s’avérer difficile puisqu’un témoin ne peut refuser de répondre aux questions de l’enquêteur de l’AMF (…) sous peine de poursuites pénales ».
Me Stéphane Lacoste
il y a 9 ansBref, les objections devront être tranchées lorsque des questions illégales seront posées, si cela arrive. Cette affaire durera plusieurs années.