Ententes de fin d’emploi: gare aux nouvelles règles de divulgation obligatoire!
Guy Lavoie, Audrey Gibeault Et Noémie Rochette
2023-10-23 11:15:00
Les nouvelles règles permettront à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») de déceler plus facilement certaines manœuvres d’évitement, de procéder à des vérifications fiscales et d’émettre plus rapidement des avis de cotisation et des pénalités dans les cas qui le justifient.
L’obligation de divulgation touche désormais les opérations à déclarer définies comme étant des opérations d’évitement, dont l’un des principaux objets est l’obtention d’un avantage fiscal. De telles opérations d’évitement comportant l’un des trois marqueurs prévus par le ministre des Finances, soit l’entente d’honoraires conditionnels, le droit à la confidentialité ou encore la protection contractuelle, doivent obligatoirement être déclarées à l’ARC conformément aux règles en vigueur.
Ces règles améliorées visent un nombre important d’opérations, notamment certaines faisant partie d’ententes intervenues dans le contexte particulier de négociations de fin d’emploi. En effet, dans le cadre de règlements survenus entre un employeur et un employé à la suite d’une fin d’emploi, de plaintes de harcèlement ou autres recours reliés à l’emploi, il peut arriver que des dommages-intérêts soient accordés dans le cadre de la négociation.
Or, l’octroi de ces dommages-intérêts normalement alloués dans des situations où l’employé aurait subi un préjudice personnel ou moral n’a peut-être pas toujours de réelles assises juridiques. Il pourrait parfois s’agir d’une stratégie à caractère fiscal : alors que les indemnités de départ sont imposables à titre de revenu d’emploi ou d’allocation de retraite, les dommages-intérêts peuvent être exonérés d’impôts.
Ce type d’entente permet le versement par l’employeur d’une somme moindre tout en permettant de maximiser le montant net pour celui qui la reçoit. Une entente prévoyant le versement d’une somme libre d’impôt en guise de dommages comprend habituellement un engagement de la part de l’employé à indemniser l’employeur dans les cas où une vérification fiscale aurait lieu, à la suite de laquelle le paiement serait déterminé constituer une indemnité de départ imposable.
Les nouvelles règles de divulgation obligatoire mettront vraisemblablement un frein à ces types de règlement dans des cas où il est raisonnable de conclure qu’ils visent principalement l’obtention d’un avantage fiscal indu.
De surcroît, ces opérations d’évitement présentent le marqueur de protection contractuelle, qui s’entend, notamment, d’une protection ou d’une garantie contre tout défaut de l’opération de produire un avantage fiscal. C’est le cas lorsque l’employé consent à indemniser l’employeur à la suite d’un recalcul fiscal. De telles ententes contractuelles satisfont désormais les nouveaux critères entraînant une obligation de divulgation.
Dans le cadre d’une telle opération, l’obligation de déclaration incombe à la fois à l’employé, soit la personne qui obtient l’avantage fiscal, à l’employeur, la personne qui conclut l’opération, et au conseiller qui obtient des honoraires pour la mise en place de cette opération. Ceux-ci bénéficieront d’un délai de 90 jours suivant la conclusion de l’opération pour présenter le formulaire RC312 à l’ARC.
En cas de défaut de production, des pénalités seront imposées et la période normale de nouvelle cotisation sera prolongée. La prise en considération de ces nouvelles règles dans le cadre des négociations de règlement de fin d’emploi se veut donc inévitable et il serait important de porter une attention particulière à toutes les ententes intervenues depuis le 23 juin 2023.
Guy Lavoie est associé au sein du groupe droit du travail et de l’emploi du cabinet Lavery.
Doté d’une solide expérience de plus de 30 ans en relations de travail, en droit de l’emploi et en santé et sécurité, il plaide régulièrement devant divers tribunaux administratifs.
Audrey Gibeault est associée du groupe droit des affaires et responsable de l’équipe fiscale du cabinet Lavery. En plus d’avoir une pratique axée sur le droit fiscal et de détenir une maîtrise en fiscalité, elle est comptable professionnel agréé, ce qui lui permet d’agir comme conseillère multidisciplinaire auprès de ses clients.
Noémie Rochette est avocate au sein du groupe droit des affaires et membre de l’équipe de droit fiscal du cabinet Lavery. Sa pratique porte sur tous les aspects du droit fiscal, notamment la planification fiscale des réorganisations corporatives, la planification successorale et le litige fiscal.