Les conversations Facebook, des preuves utilisables?
David Habib
2016-06-30 15:43:00
La mère s’oppose à cette preuve, invoquant l’article 2858 du Code civil du Québec (C.C.Q.), qui prévoit le rejet de tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Elle conteste aussi la fiabilité de la preuve.
Selon le témoignage du père, il aurait pris connaissance de ces conversations lorsqu’il a remarqué que son fils de sept ans avait accédé au compte Facebook de la mère. Avec son cellulaire, il aurait photographié tout ce qu’il a vu à l’écran et il aurait fait un montage en supprimant certains passages et en conservant ce qui l’intéressait. C’est le document résultant du transfert de l’information sur support papier qu’il souhaite introduire en preuve.
La juge Suzanne Gagné, de la Cour supérieure, conclut plutôt que c’est en découvrant le mot de passe de la mère — le père avait aidé cette dernière à ouvrir son compte la première fois et il connaissait les réponses aux questions de sécurité — que le père a réussi à accéder à ses conversations privées. La juge conclut donc, dans un premier temps, que le père a porté atteinte au droit fondamental de la mère au respect de sa vie privée et que le premier volet du test prévu à l’article 2858 C.C.Q. est respecté.
Recherche de l’intérêt supérieur des enfants
La juge Gagné estime toutefois qu’il en va autrement du second volet du test. Sans donner raison au père quant aux moyens utilisés, elle reconnaît que l’objectif poursuivi, soit celui d’établir les habitudes de consommation de la mère — lesquelles auraient un effet sur sa capacité parentale —, s’inscrit dans la recherche de l’intérêt supérieur des enfants. Elle retient aussi que la preuve entourant les modalités de la réalisation de la violation n’est pas concluante et que le père a le droit de questionner la mère sur sa consommation de drogue.
La juge arrive donc à la conclusion que la preuve que le père souhaite introduire ne constitue pas un abus du système de justice et que son utilisation n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, de sorte que son rejet ne s’impose pas en vertu de l’article 2858 C.C.Q.
Il reste l’argument de la mère portant sur la fiabilité de la preuve. À cet égard, la juge indique que les messages échangés sur Facebook sont des documents technologiques qui bénéficient d’une présomption d’intégrité et qu’il est nécessaire, pour que leur reproduction sur support papier ait la même valeur juridique, que le document résultant du transfert comporte la même information que le document source et que son intégrité soit assurée.
Or, puisque le père a sélectionné les extraits reproduits et qu’il a reconnu qu’il aurait pu modifier le texte, il s’ensuit que l’intégrité du document n’est pas assurée et que la mère, qui n’a plus accès à ses anciens messages, ne dispose d’aucun moyen pour vérifier s’il y aurait eu altération du contenu, à part sa mémoire. La juge Gagné accueille donc l’objection.
Référence
Droit de la famille — 161206 (C.S., 2016-05-24), 2016 QCCS 2378, SOQUIJ AZ-51290493. À la date de diffusion, la décision n’avait pas été portée en appel.
Questionneur
il y a 8 ansJe suis tout le jugement mais je ne comprends pas le "la mère, qui n’a plus accès à ses anciens messages, ne dispose d’aucun moyen pour vérifier s’il y aurait eu altération du contenu, à part sa mémoire".
D'après moi, si elle n'a pas accès à ses anciens messages Facebook, c'est qu'elle les a supprimés!
David Habib
il y a 8 ansBonjour Questionneur,
Voici quelques paragraphes du jugement intégral qui devraient répondre à votre interrogation:
«[48] Qui plus est, la mère explique qu’elle a réinitialisé son profil Facebook en juin 2014, après que le père a réussi à accéder à son compte. Ce dernier s’en rappelle, bien qu’il affirme qu’elle a seulement changé son mot de passe. Reste qu’elle n’aurait pas laissé sa session ouverte en permanence sur l’ordinateur, surtout pas après son départ de la maison en juillet 2014.
[49] Ajoutons à cela que Y n’a pas parlé de cet incident à son avocate et que la mère affirme que le père a déjà envoyé des messages à ses amis à partir de son compte Facebook en se faisant passer pour elle. C’est la raison pour laquelle elle a réinitialisé son profil en juin 2014, après avoir appelé la police. À partir de ce moment, elle n’avait plus accès à ses anciens messages.
(...)
[63] En l’espèce, la pièce P-7 a été communiquée à l’avocat de la mère le 9 décembre 2015. Notons que la cause devait à l’origine être entendue le 10 décembre 2015, mais qu’elle a dû être reportée en raison de la maladie de l’avocat de la mère développée au cours de la nuit.
[64] Quelques jours auparavant, la mère avait tenté en vain d’accéder à son compte Facebook, mais son mot de passe n’était plus valide. Après la communication de la pièce P-7, elle a signalé son compte comme frauduleux. Ses anciens messages ne sont plus accessibles, même pour leurs destinataires, de sorte qu’elle n’est pas en mesure de vérifier l’intégrité des messages que le père a choisi de reproduire.»
Gaëtan
il y a 4 ansLa sécurite Facebook permet de changer son mot de passe.
Il suffit de le réinitialiser son mot de passe en donnant son adresse email ou son numéro de téléphone pour Pour pouvoir le changer de nouveau.
Donc l'argument présenté indiquant l'accès refusé au compte Facebook pour ce motif est complètement bidon, faux,il y a tromperie...le juge devrait le savoir.